2010.5.1
Portrait d'André-Daniel Laffon de Ladebat
CARON Suzanne : Si l'on consulte le dictionnaire Bénézit, à S Caron on lit : XVIIIe siècle. Française. Peintre de portrait. Elle était en 1769 dans la gilde de la Haye ; elle se maria à Amxterdam et y vivait encore en 1776. On cite d'elle un portrait de Pasquali de Paoli, gravé par Houbraken. Elle était également poète
1763
Hauteur en cm 74 ; Largeur en cm 62
Date et signature, A gauche : signature pas très lisible, probablement : Suzanne Caron fecit 1763
Originaire de Bordeaux et Bergerac, la famille Laffon, de confession protestante a dû s’exiler aux Provinces Unies à la suite de la révocation de l’édit de Nantes en 1685 pour échapper aux persécutions du règne de Louis XIV. De retour à Bordeaux en 1744, le grand-père qui épouse une Nairac, crée une affaire de négoce et d’exportation de vin. Le père, Jacques, né en 1719 au temps de l’exil familial dans les Provinces Unies où il a pu apprendre le négoce et se créer un important réseau de relations commerciales, développe l’affaire bordelaise. Il se lance dans le commerce en droiture en 1755 et dans la traite négrière à partir de 1764. Entre 1764 et 1772 il arme 14 navires à la traite ce qui en fait l’un des plus importants négriers de Bordeaux. Son dynamisme économique lui vaut l’anoblissement par le roi Louis XV en 1773. Le fils, André Daniel, nait le 30 Novembre 1746. A l’âge de 14 ans, il est envoyé poursuivre ses études dans les Provinces Unies et à Londres comme beaucoup d’enfants de riches négociants. S’il apprend les finances et le commerce il découvre aussi les idées libérales qui l’animeront toute sa vie. De retour à Bordeaux vers l’âge de 20 ans, période où est réalisé ce portrait au pastel le représentant- il est désigné comme successeur par son père alors que son frère cadet part à Saint Domingue où il crée une plantation avec son oncle maternel. Cependant André Daniel répugne à la traite négrière et préfère se consacrer à l’armement naval et à la mise en valeur des terres agricoles. En 1769 il se porte acquéreur de plusieurs centaines d’hectares de landes entre Pessac et Mérignac qui deviennent la « première ferme expérimentale de Bordeaux ». Membre de l’Académie royale des Sciences Lettres et Arts de Bordeaux en 1776, Secrétaire du Musée de Bordeaux en 1783, il se fait d’abord connaître par ses positions sociales et son engagement abolitionniste. Le discours qu’il prononce à l’Académie en 1788 sur « la nécessité et les moyens de détruire l’esclavage dans les colonies » qui est également débattu à l’assemblée générale de la Société des amis des noirs la même année est devenu un classique de la cause abolitionniste. Il condamne l’esclavage sans détour sur le plan moral et s’attache à montrer qu’il est également inefficace sur le plan économique, des hommes libres étant beaucoup plus productifs que des esclaves. Cependant, il estime aussi que les esclaves doivent être formés et que le passage à la liberté ne pourra se faire que de façon graduelle. Ses positions sont celles d’un modéré, mais elles auront une influence importante parce qu’elles émanent d’un représentant du grand négoce. Ses engagements sont aussi politiques et, pendant la Révolution française, il va jouer un rôle important. Il veut d’abord représenter le Tiers-état, mais est évincé du fait de son appartenance à la noblesse. En 1791, il est élu à l’Assemblée Législative et siège parmi les Feuillants. Pendant la tourmente révolutionnaire, il est plusieurs fois emprisonné en raison de ses positions modérées, mais ses compétences en matière de finance lui permettent d’être un recours chaque fois que le Trésor est en difficultés. A l’issu du coup d’Etat du 18 fructidor au V (4 septembre 1797) alors qu’il préside le Conseil des Anciens, il fait partie des personnalités déportées en Guyane pendant deux ans et demi et voit mourir la moitié de ses compagnons de déportation. De retour en France en 1800, il est écarté du pouvoir par le premier consul qui n’avait pas apprécié les critiques qu’il avait formulées contre les exactions du général Bonaparte en Italie. Il assure cependant des responsabilités importantes dans la reconstruction du système bancaire. Il participe à la création des caisses d’épargne, et aux institutions d’aide aux démunis. Il reprend ses affaires, participe à la réorganisation de l’Eglise réformée et s’intéresse toujours aux questions sociales et de formation : il fait un séjour en Angleterre pour étudier les théories de Robert Owen, industriel utopiste, fondateur du mouvement coopératif et socialiste anglais. Modéré, homme des Lumières imprégné d’humanisme chrétien, personnalité engagée ne craignant pas de défendre ses convictions au risque de la prison et de la déportation, André-Daniel Laffon de Ladebat ne bénéficie pas encore aujourd’hui de la (re)connaissance qu’il mérite. On doit à son descendant Philippe Laffon de Ladebat de l’avoir sorti de l’oubli en publiant ses discours dont le fameux « Discours sur la nécessité et les moyens de détruire l’esclavage dans les colonies » ainsi que son « journal de déportation en Guyane (4 septembre 1797 – 10 mars 1800) ». Editions Edilivre 2009. François HUBERT
Révolution française
propriété de la commune, don manuel, Bordeaux, musée d'Aquitaine
2010 acquis
Laffon de Ladebat Philippe
HUBERT F., BLOCK C., CAUNA (de) J., juin 2010, Hubert, François, Block, Christian, de Cauna, Jacques, Alain Juppé (préf.). Bordeaux au XVIIIème siècle, Le commerce atlantique et l'esclavage. Bordeaux : Ed. Le Festin, juin 2010, (pp. 156-157, repr. en coul.) HUBERT F., 2010 été, Hubert François, "un héros très discret", in Le Festin, n° 74, été 2010, (pp. 108-109, repr. en coul.) "Un pessacais des Lumières", 2010, 2011, Pessac en direct, janvier 2011, n° 79, (p. 20, cité.) "André Laffon de Ladebat un déporté de fructidor" (Les Amis de Frédéric Masson, n° 16, mars 2011, pp. 36-48) Un monde créole : vivre aux Antilles au XVIIIe siècle, La Crèche, La Geste, 2017, ISBN 978-2-36746-895-2 (reprod. en coul. p.43)