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Plateforme ouverte du patrimoine

L'africain

Identification du bien culturel

N°Inventaire

Bx 2007.2.2

Domaine

Titre

L'africain

Précision auteur

MAISONNEUVE : Bordeaux, 1863 ; Bordeaux, 1934 ; Pascal Désir Maisonneuve, mosaïste de formation, fut distingué ' meilleur ouvrier de France ' en 1928, grâce à un portrait de Sadi Carnot. Après avoir été formé dans l'atelier paternel, à Bordeaux, Désir Maisonneuve s'embarqua pour les Tropiques. De son expérience de marin au long cours, il rapporta du corail et des coquillages exotiques, des masques africains et océaniens. Il ouvrit plus tard un magasin de brocante sur la Place Mériadeck, un quartier pittoresque du centre ville, qui abritait le marché aux puces. Le peintre André Lhote l'avait rencontré, dès 1906, comme il le rappelle, lui-même, dans un texte fameux intitulé ' Sur Bordeaux ' : Ainsi, écrit-il , me trouvai-je isolé, dans cette capitale du mauvais goût, n'ayant comme protecteur qu'un nommé Maisonneuve, dont les cartes de visites affirmaient qu'il était ' reconnu maître mosaïste par le roi d'Italie ! ', rencontré en cette ineffable Place Mériadeck, qui charriait alors des trésors artistiques, meubles, bibelots, livres, fétiches et masques nègres dont les prix quoique extraordinairement bas, demeuraient pour moi inatteignables. Désir Maisonneuve possédait, à l'état brut, l'amour de la peinture - ce goût particulier qui n'a rien à faire avec la culture, ni le goût du passé et qui est comme un flair spécial, une sorte de finesse qu'on peut rencontrer chez des êtres fort simples et dont sont dépourvus pas mal d'intellectuels et de gens très distingués. Bref, Maisonneuve me donnait, en échange d'une pochade. un masque de la Côte d'Ivoire ou un fétiche Pahouin. Influencé par cet art primitif, il fabriquait d'admirables masques de coquillages, auxquels il attachait une valeur telle qu'il ne condescendait jamais à les échanger, même contre un tableau. ' (Peinture d'abord, 1938). Pascal Désir Maisonneuve exposa en 1925 un choix de masques à la Galerie Visconti, rue de Seine. Dans sa préface, André Lhote rappelle que l'auteur avait rassemblé ces portraits sous un titre évocateur ' Les Fourbes à travers l'Europe ', ajoutant au bas de chaque pièce présentée un commentaire en vers : ' car Désir Maisonneuve dispense l'encens aux bons et brandit la foudre sur les méchants en vers alexandrins, que n'eut pas désavoués le maître de Plaisance ' André Lhote, (Peinture d'abord, ' Préface pour une exposition de masques '). L'identité de ses modèles est parfois explicite (la reine Victoria, Herriot, Sadi Carnot). D'autres personnages se laissent aisément deviner sous un sobriquet familier Napoléon le Petit (Napoléon III), Le Vautour de Verdun (le Kaiser Guillaume II). En revanche certaines figures plus énigmatiques, renvoient à une typologie générique : Le Chinois, le Teuton, le Diable. Dans sa chronique, du 2 novembre 1925 (La petite Gironde), le critique bordelais Paul Berthelot, complète la liste des noms et des surnoms que les archives d'André Lhote nous révèlent par ailleurs : ' Les fameuses moustaches en vrille de Napoléon le Petit, les bajoues de la reine Victoria, la brutalité stylisée du Kaiser et de son délicieux fils aîné, s'évoquent devant nous. D'autres masques révèlent un type, une race, une âme '. Les deux masques proposés semblent bien appartenir à cette dernière catégorie. Le peintre Edmond Boissonnet (1906-1995), qui habitait Place Mériadeck à ses débuts, s'était lié d'amitié avec Maisonneuve. Dans ses entretiens avec le docteur Rager, en 1971, il a laissé quelques notes sur Maisonneuve et sur l'origine des masques que nous présentons : ' Maisonneuve, bordelais, était mosaïste. Il a pris le métier de son père, mais de suite il se montre collectionneur. Brocanteur par vocation, il s'installe dans une boutique place Mériadeck. C'est là que je fis sa connaissance. Impulsif, aussi prompt aux gentillesses qu'aux critiques, féroce à l'égard des personnes qui avaient provoqué sa colère. Il pratiqua tous les sports, fit du vélo, de l'escrime, poids et haltères, lutteur etc.. Il chanta pendant quinze années au Grand Thé âtre de Bordeaux et racontait qu'il s'était montré auprès de Sarah Bernard. Il fut bon catholique et pratiquant, mais retira sa confiance et sa voix au clergé, pour avoir motivé son courroux. Devant sa boutique, il avait exposé une pancarte derrière un goupillon et un seau d'eau accompagné d'une chanson de son cru ' objet prénommé goupillon, pour bénir les trop couillons '. De cet extraordinaire bonhomme, je possède deux masques exécutés avec des coquillages océaniens, mais je conseille d'aller voir au musée de la rue de Sèvres la série des masques de sa fabrication : Le teuton, le tartare, l'éternelle infidèle. Il fut un homme curieux, original, en marge de la société, une belle âme, dans un physique puissant, une force de la nature, toujours disponible avec les artistes, lui-même en était un sans le savoir (E. Boissonnet, Entretien avec le Docteur Rager, 23. 06.71, ' réponse de Boissonnet à la question : ' Vous disiez que l'alcool, la folie, la naïveté, favorisaient certain formes d'art ? ', texte dactylographié, Fonds Boissonnet, base documentaire, tome 5, 4/a 1963-1975). Lié au milieu intellectuel local, Maisonneuve a joué un rôle non négligeable sur la scène artistique et littéraire de cette époque. Il avait introduit Lhote auprès de Gabriel Frizeau, l'un des rares amateurs bordelais dont la curiosité, s'ouvrait librement à la modernité, en faisant place à Gauguin, Redon, Rouault. Méconnu du grand public de son vivant, et singulièrement absent des collections publiques bordelaises Maisonneuve doit son succès international récent à la vogue de l'Art brut. André Breton qui possédait, lui-même, deux masques de Maisonneuve, avait fait découvrir son travail à Jean Dubuffet, en 1948. Tous deux avaient imaginé de consacrer une rétrospective à l'artiste bordelais, comme nous l'apprend une lettre de Dubuffet publiée en 1967 : ' Je ne connais pas du tout, je n'ai jamais entendu parler de ces masques de Maisonneuve et suis très curieux de les voir. Je voudrais bien voir cette Reine Vctoria. Bien sûr, il faut organiser cette rétrospective (Jean Dubuffet, Prospectus et tous écrits suivants, Paris Gallimard, p. 265, lettre de Jean Dubuffet à André Breton, du 28 mai 1948). La reine Victoria a aujourd'hui rejoint les collections du musée d'art moderne de Villeneuve-d'Ascq après avoir été âprement disputée lors de la dispersion de la collection Breton, les 14 et 15 avril 2003 (114.000 euro avec les frais). Le second masque proposé aux enchères a été finalement acquis pour 26.000 euro (frais compris) par le commerce. Les oeuvres de Désir Maisonneuve sont extrêmement rares, les pièces conservées dans des collections privées se comptent sur les doigts d'une main. Le musée d'art brut de Lausanne possède le fonds le plus riche. L'acquisition par le musée des beaux-arts de Bordeaux de ces deux masques et l'intérêt partagé des musées et collections d'Art brut permettront peut-être de relancer l'idée de ce projet de rétrospective Maisonneuve, auquel André Breton et Jean Dubuffet avaient songé. Olivier Le Bihan

Ecole-pays

France

Période de création

Millésime de création

1927, 1928

Matériaux - techniques

Mesures

Hauteur de l'objet en cm. 26 ; Largeur de l'objet en cm. 21 ; Profondeur de l'objet en cm. 12

Précisions inscriptions

inventorié au dos

Description

Coquillages et coco-de-mer

Contexte historique

Genèse

objet en rapport

Historique

voir aussi : Le chinois (Bx 2007.2.1) Même série ; en rapport avec : Maisonneuve J.-D., La reine Victoria

Informations juridiques

Statut juridique

propriété de la commune, don manuel, Bordeaux, musée des beaux-arts

Date acquisition

2007

Ancienne appartenance

Particulier, BOISSONNET Max, (coll. Max Boissonnet)

Informations complémentaires

Commentaires

Approuvé par la commission scientifique régionale des acquisitions du 26 avril 2007 : avis très favorable.

Exposition

2006-2007, Bordeaux, Galerie des beaux-arts, Edmond Boissonnet, le combat avec l'ange, (h.c) 2007, Bordeaux, musée des Beaux-Arts, salles Domergue, Nouvelle collection, cinq années d'enrichissement, 2002/2007, (repr. p. 37.) 2008, Bordeaux, Galerie des beaux-arts, De Delacroix à Picasso, oeuvres phares/highlights, 27 juin- 31 août, (h.c.)

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