2022.2.1
Fukûkensaku Kannon 不空羂索観音 (Kannon au lasso infaillible)
inconnu
H. 46, l. 21 (statue) ; D. 25 (base)
Le bodhisattva Fukûkensaku Kannon ("Celui qui pêche les hommes [pour les amener à l'Eveil]", ou "Kannon au lasso infaillible") est représenté assis sur un siège de lotus (renge-za), dans la position du lotus (padmâsana) dans sa variante kichijô-za-zô, le pied droit sur la cuisse gauche. Il est doté de huit bras, les deux mains jointes devant la poitrine forment le sceau de l’offrande (añjali-mudrâ, jap. Gasshô-in) ; les deux mains intérieures forment le sceau du don du voeu (varada-mudrâ, jap. Yogan-in). Les deux mains de gauche portent, de haut en bas, un lotus en bouton (jap. jirenge) et une corde ou un lasso (pâsha, jap. saku, kensaku) ; celles de droite, le bâton de pèlerin (khakkhara, jap. shakujô), et un hameçon ou crochet. Une haute couronne ceint sa triple tête. Les visages sont sereins et affichent la bienveillance. La statue est taillée dans le bois, laqué et doré. Les attributs sont fabriqués dans un alliage cuivreux. La laque dorée a presque disparu avec le temps, mais l’état de conservation reste toutefois très bon.
Le lasso permet à Fukûkensaku Kannon de capturer les humains, le hameçon de les pêcher dans les eaux troubles du monde. Le bouton de lotus est symbole de régénération. Le bâton de pèlerin, orné généralement de six anneaux, symboles des Six Voies de l'existence (l'exemplaire n'en compte plus que cinq), est une référence à celui que, dans les traditions bouddhistes en Chine et au Japon, les moines, les pèlerins et les mendiants itinérants portaient pour avertir les animaux du passage d'un saint ou pour informer les villageois de l’approche d'un religieux. En raison de la tricéphalie de la représentation, le bodhisattva pourrait être confondu avec une autre des six formes d’Avalokiteshvara : Batô Kannon (sanskrit Hayagrîva), forme japonaise de l’incarnation bouddhique tibétaine du dieu Vishnu. Cependant, Batô Kannon est la seule forme d’aspect furieux du bodhisattva, à l’expression courroucée, voire menaçante, alors que les trois visages de cette statue paraissent bienveillants. Il s’agit donc rare exemplaire japonais de Fukûkensaku Kannon à trois têtes, représentations qu'on trouve plus fréquemment dans l'art tibétain (sculptures, peintures, gravures d’Amoghapâshâ).
Japon (lieu de création), Japon (lieu d'exécution), Japon (lieu d'utilisation)
propriété du département, achat, Alpes-Maritimes, musée départemental des arts asiatiques
Achat par Olivier Vrankenne à la Galerie Mingei Japanese Art (société Ethnic Arts) en 2019. Achat par la Galerie Mingei Japanese Art auprès de Shigehiko Yanagi, antiquaire à Kyoto, en 2016. Bunkachô délivré le 6/09/2016.
La plus ancienne représentation de Fukûkensaku Kannon se trouve dans le Hokkedô du Tôdaiji de Nara. Datée de 746-748 (période de Nara, ère Tenpyô), cette statue en laque sèche kanshitsu, d’une taille de 3,62 m, le représente debout, doté de huit bras et d’une seule tête. ; D’autres représentations anciennes, de taille importante ou monumentale, toutes situées à Nara, le représentent avec une seule tête et un nombre de bras variable : par exemple, la statue en bois du Kôfukuji, à huit bras, en position debout (H. 1,90 m), datée de la fin du VIIIe siècle ; la statue en bois laqué doré à huit bras du Daianji, assis en lotus par Kôkei (H. 3,48 m), datée du dernier quart du XIIe siècle. Le Musée national de Kyoto présente une statuette en bois (H. 12,4 cm) assise en padmâsana, dotée de six bras dont deux tiennent le lasso et le crochet-hameçon, du XIIIe siècle (n° d’inv. CK 73). ; Les représentations japonaises de Fukûkensaku Kannon à trois têtes sont rares. Le British Museum en possède un exemple, peint sur un rouleau de soie, réalisé à Nara au XIIe-XIIIe s. (période de Kamakura), n° d’inv. 1967,0213,0.2 : le bodhisattva à trois têtes, assis sur un trône de lotus au sommet d’un rocher, flanqué de deux gardiens, tient le lasso dans une de ses quatre mains (https://www.britishmuseum.org/collection/object/A_1967-0213-0-2).
Jérôme Ducor, Le regard de Kannon, Catalogue d’exposition, Musée d’ethnographie de Genève, 29 janvier-20 juin 2010, Gollion, Infolio éditions, Genève, Musée d’ethnographie de Genève, 2010, 103 p., pp. 42-47. Louis Frédéric, Les dieux du bouddhisme, Guide iconographique, Paris, Flammarion, 1992, pp. 176-178. Christine Shimizu, Urushi, les laques du Japon, Paris, Flammarion, 1988, 297 p., p. 59-61 (statue de la salle du Hokkedô du Tôkaiji de Nara).