MP2006.3
Hugo Victor : Besançon (Doubs), 26-02-1802 ; Paris, 22-05-1885
masculin
18/07/1874
Longueur en cm 23 ; Largeur en cm 18 ; Pages 3
Marquage numéro d'inventaire, Sur l'objet
Lettre autographe signée et datée, rédigée en réponse à l'invitation de Monsieur de Saint-Martin faite à Victor Hugo de participer aux cérémonies du Ve centenaire de la mort de Pétrarque, à Avignon et dans le Vaucluse; adresse et timbre. La lettre n'est pas abrupte, il expose durant trois pages son admiration pour la Provence (en profitant pour lancer une pique à la Marseillaise) et fait un véritable discours sur les œuvres comparées de Dante et Pétrarque. Cet exercice de style, relativement courant dans les salons littéraires d'alors, pourrait à lui seul servir de discours introductif aux cérémonies, si, au final, il n'affirmait la supériorité de Dante sur Pétrarque. La première partie est tout à la gloire de Pétrarque : Victor Hugo a admiré sa poésie et il démontre qu'il en sait sur elle au moins autant que les Félibres. Pétrarque, " Lumière de son temps " selon l'expression de Victor Hugo est pourtant éclipsé dans la seconde partie par Dante. Là, les arguments employés sont soit empreints de malhonnêteté intellectuelle, soit de méconnaissance de signification réelle des vers de Pétrarque. Quoiqu'en dise Victor Hugo, Pétrarque n'est pas un " poète heureux " !
Le Vaucluse célèbre en 1874 le cinquième centenaire de la mort de Pétrarque. Le poète et humaniste italien a résidé quelques années durant à Avignon, Carpentras et surtout Fontaine-de-Vaucluse au milieu du XIVe siècle. C'est d'ailleurs dans l'écrin de la vallée close que la plupart des poèmes du Canzoniere ont été écrits : destinés à toucher le cœur de la Belle Laure, qui pourtant ne lui rend en rien son amour, ces vers sont déjà annonciateurs de la Renaissance. Bien que la poésie de Pétrarque ait été écrite en italien, le Félibrige, en plein essor dans la seconde moitié du XIXe siècle a fait de lui une sorte de chantre précurseur de l'occitan, un héros provençal, quand bien même dans sa correspondance il ait gratifié Avignon des pires injures ! 1874 est, en France, une année de tensions particulières après la fin, en 1870, du Second Empire et la Commune de Paris. La IIIe République est encore balbutiante et Mac-Mahon au pouvoir tente, grâce au parti conservateur et catholique, de créer les conditions d'une nouvelle restauration de la monarchie. Si Napoléon Ier avait noyauté les cérémonies du Ve centenaire de la naissance de Pétrarque, cette fois, ce sont les conservateurs et les catholiques qui utilisent le poète pour donner un poids et une légitimité nouveaux à leur mouvement. Quel meilleur moyen alors que de faire appel aux grands noms de la littérature française ? Les romantiques ont eux aussi rendu hommage à Pétrarque : depuis le début du siècle, le Canzoniere éclipse peu à peu l'œuvre philosophique, son amour torturé de la belle Laure est un écho aux souffrances amoureuses des romantiques. Ceux-ci ne se sont d'ailleurs pas privés de se recueillir à Fontaine-de-Vaucluse sur les lieux chers à Pétrarque. En 1874, Victor Hugo est un vieux monsieur, il a 72 ans. Parti en exil durant tout le règne de Napoléon le Petit, comme il appelait Napoléon III, il n'est de retour en France que depuis 1870 et est même retourné en exil en Belgique entre temps. S'il a d'abord été royaliste, puis tenté par le bonapartisme jusqu'au coup d'état de 1848, il est fermement depuis ancré dans ses convictions républicaines. C'est donc sans surprise qu'il décline l'invitation de Monsieur de Saint-Martin, le conseiller général de Vaucluse. La maladie de son petit-fils n'est qu'un prétexte, il va de soi que l'illustre Victor Hugo ne peut pas donner le crédit de sa seule personne à des gens dont il ne partage en aucune façon les idées !
France, Ile-de-France, Paris (lieu de création)
propriété du département, achat, Fontaine-de-Vaucluse, musée-bibliothèque Pétrarque
2006 acquis
Drouot-Richelieu (vente)
Cette lettre a été publiée dans : - Victor Hugo, Actes et paroles, III. Depuis l'exil, 1870-1876. [Paris et Rome]. 1ere partie : De [sic] retour en France à l'expulsion de Belgique ; 2e partie : De l'expulsion de Belgique à l'entrée au Sénat., Paris, Michel Lévy frères, 1876, troisième édition, XLIV-354p., - Victor Hugo, oeuvres complètes, tome 12 : Philosophie, commencement d'un livre. L'Ame. Les choses de l'infini. " Contemplation suprême ", William Shakespeare. L'Archipel de la Manche. Les Travailleurs de la mer. La Mer et le vent. Actes et paroles [préfaces de Henri Guillemin et Jacques Seebacher]. Edition chronologie publiée sous la direction de Jean Massin, avec la collaboration d'Eliette Vasseur, Paris, Le club français du livre, 1969, XXXIV et 1697 pages. Elle a été étudiée dans : - Eve Duperray, L'Or des mots. Une lecture de Pétrarque et du mythe littéraire de Vaucluse des origines à l'orée du XXe siècle. Histoire du pétrarquisme en France, Paris, Publications de la Sorbonne, 1997, 366 pages