A.2004.1.1
Le denier de Saint Pierre
Senlis, 1815 ; Villiers-le-Bel, 1879
France
H. 0,425 ; l. 0,33
Un cardinal reçoit un don d'une femme portant un enfant et un moine (peut-être un Franciscain) tend une bourse à un mendiant paralytique. Les deux hommes d'église à genoux sont en position d'humilité, la tête baissée. Le denier de Saint-Pierre a d'abord été un tribut annuel versé par l'Angleterre (le ' Peter's Pence ') du VIIIe siècle à 1534 au Saint-Siège. Sous le pontificat de Pie IX (1792-1878), le nom fut repris pour désigner une contribution volontaire des fidèles à la papauté. Le denier de Saint-Pierre moderne naquit donc en 1860 de l'initiative de catholiques (anglais, belges, français puis autrichiens) qui firent parvenir au Vatican des fonds destinés à aider la papauté. Cette pratique fut reconnue et institutionnalisée en 1871 par Pie XI. Versé annuellement, le denier de Saint-Pierre évita alors aux Etats pontificaux la banqueroute et perdura jusqu'à nos jours. Thomas Couture, qui était plutôt anticlérical, a donc choisi de peindre un sujet d'actualité lui permettant de railler les membres du clergé saisis dans une posture inhabituelle : ils reçoivent l'aumône des faibles (paralytique, femme et enfant) et non le contraire. Sous prétexte de sujets historiques (Les Romains de la décadence), allégoriques (La Noblesse) ou légers (série des Pierrots) Thomas Couture a toujours porté sur la société de son temps un regard moralisateur et satirique qui lui attira de vives inimitiés.
Le spécialiste américain de Thomas Couture, Albert Boime ne fit pas état de cette oeuvre dans la monographie qu'il consacra à l'artiste en 1980. Il s'agit pourtant du Denier de Saint-Pierre, dont la dernière apparition publique remonte à 1880, lors de l'exposition rétrospective consacrée à Thomas Couture au palais de l'Industrie de Paris. Au n° 87 du catalogue, ce tableau était décrit comme une ' esquisse dessinée au pinceau avec frottis,... '. Son caractère d'ébauche et son sujet inhabituel ont depuis contribué à plonger l'oeuvre dans l'oubli. Seul le regard acéré d'un collectionneur chevronné fut à même de la repérer dans une vente publique où elle réapparut sous le titre Scène religieuse. Elle est monogrammée T.C. en bas à gauche. Jacques Foucart, alors conservateur général au département des peintures du musée du Louvre sut convaincre cet amateur passionné de la céder pour une somme modique à la Ville de Senlis qui depuis de nombreuses années soutient l'oeuvre de l'un de ses plus illustres concitoyens. On lui doit aussi d'avoir identifié le sujet de notre tableau. Thomas Couture a beaucoup travaillé, comme ici, sous forme d'esquisses à la fois très graphiques, jutées et ponctuées de notes colorées. Leur caractère inachevé, parfois déconcertant, est devenu l'un des traits majeurs de l'art moderne dont il est l'un des précurseurs. La vigueur du modelé et le trait noir qui cerne les silhouettes sont communs à d'autres oeuvres du peintre qui sont, pour la plupart, des esquisses préparatoires, notamment les études de bras pour L'Allégorie de la Noblesse héréditaire (inv. 00.6.70 et 00.6.69) ou celles réalisées pour Le Baptême du Prince Impérial (Château de Compiègne). La trame de la toile reste visible par transparence en raison de la finesse de la couche picturale. Couture l'a travaillée comme un dessin, avec un geste rapide donnant aux personnages une allure fantomatique et pourtant une présence presque plastique.
propriété de la commune, achat, Senlis, musée d'Art et d'Archéologie
2004
Famille de l'artiste
achat avec le concours des amis du musée d'art et d'archéologie