V.2018.1.1
Portrait de femme en Diane
1697 ; 1776
1720-1740
H. 0,81 ; l. 0,65 m
Un portrait allégorique du XVIIIe siècle Il s’agit d’une huile sur toile dans un cadre en bois sculpté et doré d’époque Louis XIV. L’œuvre provient d’une collection particulière troyenne. Aucune information sur l’historique ne nous est parvenue. Le cadre, très abîmé, ne semble pas d’origine car il n’est pas adapté au format du châssis. La toile a été rentoilée et n’est ni signée ni datée. La couche picturale présente un état de surface médiocre qui nécessite une restauration (soulèvements, craquelures, lacunes, taches, projection de dorure, repeints et restaurations anciennes, vernis assez homogène). Les couleurs cependant ont conservé une grande fraîcheur. Des repentirs sont visibles au niveau des doigts de la main saisissant la flèche, ainsi qu’au-dessus du drapé rose, à hauteur du visage. Le sujet représenté s’inscrit dans la tradition des portraits de cour allégoriques, très en vogue depuis la fin du XVIIe siècle à la cour de Louis XIV, et dont l’âge d’or se situe dans les années 1720-1750. Cette tendance consacrait les charmes des favorites ou des dames de qualité en leur prêtant les attributs de Diane chasseresse, Pomone, Thalie et autres divinités, muses ou allégories des Heures et des Saisons. Plusieurs peintres français se sont illustrés dans ce genre, notamment Nicolas de Largillière (1656-1746) ou Jean-Marc Nattier (1685-1766), qui fut plébiscité par la famille royale et par toutes les femmes à la Cour de Louis XV. L’aristocratie des pays d’Europe du Nord succombèrent également à ce goût pour les portraits mythologiques. C’est sans doute dans ce contexte que ce portrait a été réalisé. Il met en scène une jeune femme parée des attributs de Diane, représentée à mi-corps et vêtue d’une robe bleue turquoise au corsage blanc rehaussée d’un drapé rose. Dans une pose dynamique et pleine de grâce qui semble traduire la course de la déesse chasseresse, elle saisit de la main gauche une flèche dans le carquois qu’elle porte dans le dos, prête à bander l’arc qu’elle tient de la main droite. Les drapés tourbillonnent sur un fond de ciel neutre pour accompagner l’élan de la figure. Un bouquet de fleurs sommé d’un croissant de lune, quelque peu maladroit dans son exécution en comparaison du reste du tableau, agrémente la chevelure du personnage. Le modelé soigné et le souci de vérité dans le rendu des traits du visage indiquent qu’il s’agit bien d’un portrait et non d’une représentation générique de la déesse Diane. Le modèle ne trouve aucune correspondance avec d’autres portraits peints ou gravés de l’époque. L’attitude théâtrale du personnage, créant une mise en page en svastika assez rare dans la peinture du XVIIIe siècle, de même que la physionomie gironde de la jeune femme, pourraient faire penser au portrait d’une comédienne plus qu’à un portrait aristocratique (les portraits de danseuses présentent également des compositions dynamiques avec pareils effets de diagonales mais les modèles sont généralement plus jeunes et fins). Malgré de nombreux rapprochements, comme avec Charlotte Desmares (1682-1753), dite « Lolotte », pensionnaire de la Comédie-Française et maîtresse du Grand Dauphin puis du futur Régent, réputée pour « sa belle gorge », aucun ne s’est révélé probant. Nos recherches, à ce stade, n’ont pas permis d’identifier le modèle. Attribution et datation Ce portrait fut présenté lors de la vente comme une œuvre du XVIIIe siècle attribuée à Georg Desmarées, selon une expertise du cabinet Turquin. La coiffure du personnage ainsi que la composition « élégamment vieillotte » (cf. observations de Nathalie Volle le 16-01-2018) invitent à dater plus précisément ce tableau entre 1715 et 1750. Georg Desmarées (ou George Des Marées) est un portraitiste suédois d’ascendance française, né à Österby en 1697 et mort à Munich en 1776. Formé à partir de 1710 à Stockholm chez Martin Van Meytens,il commença sa carrière en 1720 en peignant les portraits de membres de l'aristocratie suédoise : Nicodemus Tessin le Jeune (1723, château de Gripsholm), Madame Appelbom, femme de l'amiral (1723, Stockholm), tableau exécuté dans une facture plutôt sévère et énergique, au coloris sombre. En 1724, il quitte la Suède et se rend successivement à Amsterdam, à Nuremberg, à Munich, à Vienne, à Venise, où il travaille chez Piazzetta, à Rome et à Augsbourg. À partir de 1730, il réside à Munich, où les hauts dignitaires de l'Électorat sont ses modèles. Précédé par une renommée grandissante, il séjourne à Bonn de 1735 à 1749, et de 1753 à 1754 chez l'Électeur de Cologne, puis à Kassel (1762), à Würzburg (1763) et enfin chez l'Électeur de Mayence (1767). Son art se distingue par la netteté du dessin, qui traduit bien le caractère, ainsi que par la séduction de ses portraits féminins. Durant son long séjour en Allemagne, le style de Desmarées acquit une allègre virtuosité avec de vifs effets de lumière et une couleur brillante : portrait du peintre Johan Georg Winter (1750, Munich, Alte Pin.), Johan Arckenholtz (1753, Uppsala, coll. de l'Université). Malgré une proximité des fonds et de la palette notée par Nicole Garnier (mail du 25-01-2018), notamment dans les roses profonds qui se retrouvent dans l’Autoportrait de Desmarées avec sa fille, il nous semble que les portraits réalisés par l’artiste sont d’un canon plus élancé, avec un traitement des contours plus net, une grande rigidité des poses, et un graphisme un peu sec des visages. De l’avis général, l’école britannique paraît à exclure, mais la peinture française fournit quelques parentés explicites. Le sujet s’apparente en effet à plusieurs tableaux de Largillière ou de Nattier, tandis que le modelé aux contours fondus et la physionomie en chairs du modèle rappellent les pastels de Quentin de la Tour ou de Perronneau, sans pour autant trouver d’exact équivalent dans le traitement des vêtements et des carnations. Gwenola Firmin (mail du 12-12-2017) proposait d’y voir une œuvre « dans le goût de Nattier » vers 1740, mais la facture plus médiocre ne permet interdit toute attribution directe à l’artiste. Le style de l’œuvre ne s’accorde pas non plus avec les peintres suivants : Raoux, Rigaud, Drouais, van Loo, Natoire, Vien, Boucher… Pour Xavier Salmon (mail du 19-01-2018), il s’agit peut-être d’une œuvre de Subleyras, dans les années 1720. Stéphane Loire et Guillaume Faroult (mails des 25 et 26 janvier 2018) seraient enclins à réfuter cette hypothèse et à rattacher l’œuvre à l’école germanique ou à un artiste d’Europe du Nord, sans doute vers 1720-1730, en raison de « la matière lisse et froide » du tableau. L’école germanique semble donc à ce jour la piste la plus plausible, surtout au vu de la gamme chromatique employée. Certains portraits (plus tardifs) d’Anton Mengs présentent une notable ressemblance avec notre inconnue. Les portraits peints par Gustaf Lundberg paraissent également appartenir à la même mouvance et empruntent aux mêmes coloris chatoyants mais froids.
propriété de la commune, don manuel, Senlis, musée de la vénerie
18/11/2017
achat en vente publique (Troyes le 18 novembre 2017 – lot 276);Don manuel sans condition de la Société des Amis du musée de la Vénerie