Architecture civile publique ; édifice de l'administration ou de la vie publique ; bureau de poste
Poste centrale dite Saint-Eloy
Auvergne-Rhône-Alpes ; Puy-de-Dôme (63) ; Clermont-Ferrand ; rue Maurice-Busset ; rue Gilbert-Morel ; rue Louis-Renon ; rue du Maréchal-Lattre-de-Tassigny
Maurice-Busset (rue) ; Gilbert-Morel (rue) ; Louis-Renon (rue) ; Maréchal-Lattre-de-Tassigny (rue du)
20e siècle
20e siècle
1934 ; 1938
Dès le début du XXe siècle, les élus municipaux clermontois voulurent équiper leur ville d’un grand hôtel des Postes. Plusieurs emplacements furent proposés, dont celui du quartier Saint-Éloy. Un bureau de poste fut édifié en 1908-1909 place Salford, mais les différents services postaux restèrent dispersés. Après la Première guerre mondiale, et avec le rapide essor économique et démographique de Clermont-Ferrand (65 386 habitants en 1911, 111 711 en 1926), les besoins s’accrurent. En outre, la ville accueillait la Direction régionale auvergnate des PTT qui contrôlait cinq départements. Au début des années 1930, le ministère des PTT décida de construire un vaste bâtiment pour abriter la recette principale, la direction et la comptabilité régionales, les services des chèques postaux et de la caisse d’épargne. En 1934, la municipalité proposa d’implanter le nouvel édifice dans le quartier Saint-Éloy (appelé également « du Tournet »). L’emplacement était stratégique, au cœur du centre-ville ancien, près de la préfecture et de la place de Jaude (principale place de la ville). Situé au sommet de la butte de Clermont, le quartier Saint-Éloy était une des composantes du cœur médiéval de la ville. Il comportait deux étroites rues principales, les rues du Tournet et Gibert-Morel (ancienne rue SaintÉloy). De nombreuses cours et impasses desservaient des maisons, de petits immeubles et quelques jardins. Cet habitat essentiellement populaire, surpeuplé et mal entretenu, était depuis longtemps considéré comme insalubre, d’autant qu’une grave crise du logement sévissait à Clermont-Ferrand. En 1935, la ville céda au ministère des PTT une parcelle de 2 640 m2 située dans la partie nord du quartier. Elle prit en charge la destruction des bâtiments existants, le nivellement du terrain et l’aménagement des nouvelles rues. Le chantier de construction débuta en mars 1936. Les travaux furent ralentis par les grèves de mai-juin 1936. La nouvelle poste fonctionna à partir de juin 1938.
Le bâtiment se dresse isolé sur une parcelle. Il est entouré par quatre rues assez larges : au nord la rue Busset, à l’est la rue Morel, au sud la rue Renon, à l’ouest la rue de Lattre de Tassigny. Ces rues se croisant à angle droit furent percées de 1935 à 1937. Par leurs orientations nord/sud et est/ouest, elles s’inscrivaient dans le maillage urbain hérité de l’antique Augustonemetum. D’autres rues devaient être créées en s’alignant sur les diagonales du quadrilatère occupé par la nouvelle poste. Seule fut réalisée la voie débouchant au sud-est sur la rue Ballainvilliers. Vers 1960, conformément à un plan d’urbanisme adopté dès 1859, la rue De Lattre fut prolongée au sud jusqu’au boulevard Malfreyt. La façade principale de la poste ouvre au nord sur la rue Busset. En l’état, cette voie très courte ne met guère en valeur la façade, mais les rues en biais qui devaient la compléter auraient ménagé des vues plus ouvertes. Par rapport au tissu urbain ancien dont il reste aujourd’hui des vestiges, le bâtiment conçu par Bluysen était en complète rupture d’échelle. Sa construction entraîna également le comblement de nombreuses caves. Creusées dans le tuf volcanique de la butte de Clermont, souvent sur plusieurs niveaux, ces caves avaient longtemps servi à la conservation du vin produit aux alentours. L’hôtel des postes est de plan rectangulaire (48 x 55 mètres) formé de quatre corps entourant une cour rectangulaire et couverts de toit-terrasses. Les angles extérieurs présentent des pans coupés. Le bâtiment possède un niveau de soubassement semi-enterré, un rez-de-chaussée surélevé, deux étages et un étage-attique. En outre, le rez-de-chaussée du corps de bâtiment sud est entresolé. À l’origine, seul le corps de bâtiment nord possédait un étage-attique qui abritait trois appartements. Les façades sur rue sont ordonnées par des piliers régulièrement espacés qui déterminent onze travées au nord et au sud, et treize travées à l’est et à l’ouest (les élévations orientale et occidentale étant identiques). Sur chaque façade, l’entraxe de la première et de la dernière travée est moins large que celui des autres travées. Une corniche à moulures plates en escalier couronne les façades. Les piliers s’élèvent jusqu’à elle, sans la transition de la traditionnelle architrave. Des cages d’escaliers occupent les angles nord-est et nord-ouest. Elles forment deux volumes qui atteignent le niveau du toit-terrasse de l’étage-attique. La corniche générale est interrompue au nord, au nord-est et au nord-ouest par ces volumes. Chaque cage d’escalier est percée par deux hautes et étroites baies qui créent des accents verticaux. Une moulure rectangulaire court au sommet des cages d’escalier et de l’étage-attique. La salle du public occupe le rez-de-chaussée du corps de bâtiment nord. Au sud se trouve l’accès aux autres services. Auguste Bluysen a souhaité conférer aux élévations septentrionale et méridionale une grande monumentalité. Au nord, entre le rez-de-chaussée et le 1er étage, un haut entablement composé d’un bandeau et d’une moulure repose sur des piliers placés un peu en retrait. Devant ces piliers et les baies du rez-de-chaussée se développe une très vaste grille continue. Au-dessus de l’entablement, les piliers réapparaissent. Ils sont toujours un peu en retrait, ce qui génère un renfoncement de la façade au niveau des 1er et 2e étages. En revanche, les piliers des première et dernière travées montent sans interruption du niveau de soubassement à la corniche ; ils coupent donc l’entablement décrit ci-dessus. Les parois nord des deux cages d’escalier et l’étage-attique encadrent également la composition. La façade s’avère parfaitement équilibrée et symétrique, tout en évitant la monotonie. Bien évidemment, la porte de la salle du public se trouve sur l’axe de symétrie de l’élévation. L’enseigne elle-même, avec le mot « Poste » placé entre « Télégraphe » et « Téléphone », souligne cet axe. En façade sud, Bluysen n’a pas hésité à réutiliser la typologie de la porte de ville ou de l’arc de triomphe à trois baies. Un avant-corps s’élève devant la partie centrale du niveau de soubassement et du rez-de-chaussée surélevé (qui ici, en raison de la déclivité de la parcelle, paraît être le 1er étage). Trois hautes et larges portes percent l’avant-corps. La composition est ternaire (similaire à une travée-rythmique) : deux portes couvertes par un linteau flanquent une porte plus haute couverte d’un arc plein-cintre. Les deux premières permettent le passage de véhicules (entrée et sortie de la cour), la troisième – réservée aux piétons – ouvre sur le hall et l’escalier principal des services centraux. Une moulure en boudin souligne les piédroits et l’arc de la baie centrale. Les élévations sur la cour présentent une composition régulière fondée sur la répétition de travées similaires. Elles sont revêtues d’un appareil de brique, souligné par de fins appuis et linteaux en béton armé. Une partie de la cour, au nord, est occupée par un corps de bâtiment peu élevé qui abritait les annexes de la salle du public. Pour les façades sur rue, Bluysen privilégia la pierre. L’ensemble des piliers, la façade nord, les cages d’escalier nord-est et nord-ouest ainsi que l’avant-corps sud sont recouverts de dalles de pierre de Villebois fixées sur les murs et l’ossature en béton armé. Les dalles des faces latérales de chacun des piliers débordent légèrement sur la face avant, ce qui crée des reliefs verticaux supplémentaires. Un crépi ocre clair, avec un faux-appareil dessiné, recouvre les plein-de-travées des façades sud, ouest et est, ainsi que les murs des pans coupés sud-est et sud-ouest. Des dalles de Comblanchien revêtent le niveau de soubassement. Toutes les fenêtres des deux niveaux inférieurs sont protégées par des ferronneries. En façade nord, les deux portes latérales en bas des cages d’escalier sont également en fer forgé. Les lettres PTT entrelacées, les motifs en ruban ou en arc de cercle, en sections de pyramide emboîtées ;, etc., sont très caractéristiques des formes privilégiées à cette époque dans les ouvrages de ferronnerie. À l’instar de la grande grille de la façade nord – véritable morceau de maître pesant 12 tonnes – ces œuvres ont été exécutées par le ferronnier clermontois Georges Bernardin.
La poste centrale obtint d’emblée un statut remarquable tant par sa fonction que par sa position dans la ville. Son style architectural appartient au Classicisme moderne. La composition générale, les proportions, la symétrie, la sobriété et l’unité de l’édifice dessiné par Bluysen identifient parfaitement ce langage. Il fallait exprimer à la fois le caractère officiel, la modernité et l’efficacité d’une administration de l’État. Pour autant, il importait de manifester la gestion économe des ressources publiques. Ainsi, l’architecture de la poste s’avère à la fois rationaliste et monumentale. Sa rigoureuse ossature en béton armé demeure bien lisible, même si, pour des raisons de convenance, elle est en grande partie recouverte de plaques de pierre. Les élévations sur rue et sur cour s’avèrent très sobres, mais elles bénéficient d’une écriture architecturale très fine et adroite. Les ferronneries apparaissent comme les seuls véritables éléments de décor, leur existence était pleinement justifiée par leur fonction. La poste centrale de Clermont-Ferrand occupe une place de choix dans la série d’édifices similaires bâtit par l’administration des PTT des années 1930 aux années 1950. L’hôtel des postes de Lyon (architecte Michel Roux-Spitz) ou le ministère des PTT à Paris (architecte Jacques Debat-Ponsan) peuvent ainsi être rapprochés stylistiquement de la poste clermontoise. Il en est de même pour la poste principale de Marseille (aujourd’hui rue Barbusse) que Bluysen construisit de 1935 à 1937. La poste de Vichy, dessinée par Léon Azéma et inaugurée en 1935, s’inscrit également dans cette série. Le Classicisme moderne fut souvent employé pour les édifices administratifs. Au sud de la poste de Clermont-Ferrand, de l’autre côté de la rue Renon, le bâtiment de la Trésorerie générale du Puyde – Dôme1 appartient également à ce style (fig. 1, 17 à 19). Sa construction fut envisagée dès la fin des années Trente. Il s’agissait de poursuivre la reconversion du quartier du Tournet et de créer un véritable ensemble administratif. Le chantier se déroula en deux temps, la première tranche en 19531955, la seconde tranche (côté rue De Lattre) de 1964 à 1967. De toute évidence, les architectes Marcel Jarrier (1902-1955) et Robert Raimbault (1901-1981) s’inspirèrent pour ce bâtiment de l’œuvre de Bluysen. Le gabarit, la composition, les piliers, la corniche, le revêtement de pierre des façades nord, ouest et est de la trésorerie s’apparentent aux élévations de la poste. Par leur style, par leur implantation, l’ancienne trésorerie et la poste centrale constituent de nos jours un ensemble urbain monumental, ordonné et cohérent.
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