Architecture civile publique ; édifice de l'administration ou de la vie publique ; bureau de poste
Poste Delille
Auvergne-Rhône-Alpes ; Puy-de-Dôme (63) ; Clermont-Ferrand ; place de Salford
Salford (de) place
20e siècle
20e siècle
1908 ; 1962
Clermont-Ferrand était peuplée en 1906 de 58 363 habitants. La ville possédait à cette époque une Recette postale principale (aujourd’hui la « poste Gaillard ») et plusieurs recettes auxiliaires urbaines. Le bureau central de télégraphe et de téléphone se situait à côté de la préfecture, en bas de la rue Saint-Esprit1. À la fin de 1899, le Conseil général du Puy-de-Dôme, propriétaire du bâtiment, décida de demander un loyer à l’État. L’administration postale envisagea alors de remodeler son organisation à Clermont-Ferrand. Elle projeta de regrouper dans un bâtiment plus vaste les services télégraphique et téléphonique, et de leur adjoindre une recette postale. Le 8 septembre 1908, les architectes Jacques-Honoré Méridier et Laurent Ponchon demandèrent l’autorisation de construire un « immeuble destiné à être le bureau central des Postes, télégraphes et téléphones ». Ils agissaient pour le compte des entrepreneurs Moulin, Riberolles et Serve, propriétaires du terrain sur lequel devait s’élever l’édifice. Aux termes d’un bail passé avec les entrepreneurs, l’administration des Postes s’engageait à louer les futurs locaux. L’emplacement était bien choisi : il se trouvait près de la place Delille, à l’intersection de trois avenues du quartier de la gare alors en plein développement. Le nouvel équipement fonctionna à partir de la fin de 1910. De 1934 à 1936, une extension fut construite à l’est du premier bâtiment pour abriter un central téléphonique automatisé. André Papillard, architecte régional des Postes, dessina en 1933 les plans de cet édifice. La recette postale et le central téléphonique étant saturés, il fut décidé en 1955 de bâtir une seconde extension. L’architecte Georges Labro implanta le troisième immeuble dans la continuité des deux précédents. L’ensemble de l’îlot compris entre l’avenue Charras, l’avenue Albert-Élisabeth et la rue de Maringues fut ainsi occupé2. Afin de mieux desservir le quartier de la gare, la nouvelle salle d’accueil du public ouvrit rue de Maringues, à l’opposé de la première. Le permis de construire fut accordé le 12 février 1958 (sur des plans datés de novembre 1956 à octobre 1957). Les travaux commencèrent le 10 mars suivant et durèrent quatre ans. L’ouverture eut lieu le 2 mai 1962. Les architectes clermontois Jacques-Honoré Méridier (Pouzy-Mésangy, Allier, 1846 -Clermont-Ferrand, 1920) et Laurent Ponchon (Ambert, 1864 - Sao Paulo, 1923) exerçaient et habitaient au n° 6 de l’avenue de la Gare (actuel n° 18 avenue Albert-Élisabeth). Seuls ou associés, ils signèrent les plans de nombreux édifices dans ce quartier : « La Providence » (actuel évêché, 31 avenue d’Italie), les villas n° 52 avenue d’Italie et n° 27 avenue Albert-Élisabeth, et les immeubles aux n° 18, 20, 25 de cette même avenue. Il semble que la poste « Delille » fut l’une de leurs dernières réalisations communes : Laurent Ponchon émigra avec sa famille à Sao Paulo en 19123. André Papillard (Arbois, 22 décembre 1880 - Strasbourg, 12 avril 1964, inhumé à Molamboz) obtint son diplôme d’architecte le 22 novembre 1906. Il avait étudié dans la section « Architecture » de l’École nationale supérieure des Beaux-arts de Paris, au sein de l’atelier Scellier de Gisors puis Defrasse. Après avoir travaillé à Lyon, Annecy et Grenoble, il s’installa à Clermont-Ferrand vers 1911. Il fut architecte de la ville de Clermont-Ferrand de 1917 à 1923, puis devint architecte régional des Postes et télégraphes pour l’Auvergne et le département de la Lozère. À ce titre, il bâtit de nombreux bureaux de poste (Aurillac, Mende, Néris-les-Bains, Gannat, Thiers, Châtelguyon, Royat, etc.). Parmi ses oeuvres marquantes se trouvent le monument aux morts 1914-1918 du cimetière des Carmes de Clermont-Ferrand, la poste du Mont-Dore et la chapelle Notre-Dame des Petites soeurs infirmières de Loubeyrat. Du début des années 1920 aux années 1950, André Papillard enseigna l’architecture dans l’atelier « d’admissionnistes » de l’École municipale des Beaux-Arts de Clermont- Ferrand. Après la Seconde guerre mondiale, grâce à ses démarches, la section devint un « Atelier régional d’architecture » dépendant directement de l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris. Papillard fut enseignant-directeur de cet atelier qui forma de nombreux architectes auvergnats. Georges Labro (Paris, 13 janvier 1887 - idem, 15 janvier 1981) est un architecte français assez connu. Formé à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris (atelier Laloux-Lemaresquier), il obtint son diplôme d’architecte puis fut en 1921 Second Grand Prix de Rome. Il devint en 1928 architecte des PTT. Son agence se trouvait à Paris. Dans cette ville, en région parisienne et dans d’autres régions, il construisit de nombreux édifices postaux : au Vésinet, à Chelles, à La Courneuve, etc. Il fut également l’auteur de l’aérogare du Bourget (1935-1937, reconstruit en 1946-1952, actuel musée de l’Air et de l’Espace, inscrit monument historique). La part des collaborateurs de Georges Labro (âgé de 70 ans en 1957) dut être importante dans la conception du bâtiment clermontois.
L’îlot sur lequel s’élèvent les trois immeubles mitoyens est en forme de triangle aigu (environ 96 mètres sur 23 mètres maximum de largeur). Deux de ses sommets sont arrondis, face à la place de Salford et à l’intersection de la rue de Maringues et de l’avenue Albert-Élisabeth. Jacques-Honoré Méridier et Laurent Ponchon choisirent logiquement de privilégier l’angle formé par les avenues Charras et Albert-Élisabeth. Ils implantèrent à cet endroit la salle d’attente, les guichets et les cabines téléphoniques. L’entrée du public ouvrait ainsi place de Salford, face à la place Delille et au centre-ville. L’immeuble possède quatre niveaux visibles et un comble aménagé. Il est construit essentiellement en maçonnerie. Les parties en pierre apparente, qui alternent avec des surfaces crépies, utilisent deux types de calcaire ocre clair. Le toit, à deux versants reliés par un demi-cône, est couvert d’ardoises. À l’origine, outre la salle d’attente du public, le rez-de-chaussée abritait les services postaux. Au 1er étage se trouvait principalement la salle de manipulation télégraphique, au deuxième la salle des opératrices de connexion téléphonique (les fameuses « Demoiselles du téléphone »). Un grand appartement à l’usage du receveur occupait presque tout le troisième étage. Le niveau de comble abritait des archives, une cantine du personnel et une salle de cours pour les opératrices.
Par leur position privilégiée dans la ville et leurs caractéristiques architecturales, les immeubles de la poste Delille possèdent une grande présence urbaine. Avec leur gabarit, leur régularité et leurs horizontales, les façades nord et sud contribuent fortement aux perspectives des avenues Charras et Albert-Élisabeth. Les façades occidentale et orientale se dressent à des carrefours. Elles bénéficient ainsi de larges dégagements et, en même temps, elles qualifient ces espaces. Construits en trois campagnes bien distinctes et sans plan d’ensemble préétabli, les immeubles constituent pourtant un îlot bâti cohérent. Certes, les règles d’urbanisme imposèrent des gabarits. Il s’agissait également d’édifices qui devaient signifier l’importance d’une administration tout en rassurant les usagers par leur prestance, leurs formes familières et leurs décors. Mais Papillard puis Labro veillèrent à trouver un accord avec l’œuvre de leurs prédécesseurs. Rejetant tant l’imitation que la rupture formelle, ils adoptèrent une attitude respectueuse fondée sur le dialogue des lignes et des volumes. Stylistiquement, trois langages du XXe siècle ont été employés : le « Classicisme historiciste » par Méridier et Ponchon, l’Art déco « nu » par Papillard, le « Classicisme moderne » par Labro. Dans les trois cas, ils le furent sans fioritures. L’harmonie entre les parties de la poste Delille se fonde donc également sur la sobriété de leurs expressions. La place réservée à l’ornement est significative : même sur l’immeuble « historiciste » de Méridier et Ponchon, le décor reste discret et toujours soumis à la composition architecturale. Il en est de même pour les panneaux sculptés par Lejeune. Il y eut ainsi trois périodes de construction, trois styles, mais une attitude similaire des architectes successifs envers l’espace urbain, le traitement de l’architecture et le rapport à l’ornement. Finalement, la qualité la plus prégnante de la poste Delille est d’être une œuvre composite sans pour autant être une œuvre hétéroclite.
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