Architecture civile publique ; édifice de l'administration ou de la vie publique ; mairie
Mairie, école et bains-douches
Centre-Val de Loire ; Eure-et-Loir (28) ; Combres ; rue Eugène-Fettu
Eugène-Fettu (rue)
20e siècle
20e siècle
1937
Les confins du Perche, à l’ouest du département de l’Eure-et-Loir, connaissent dans les années 1930 un mouvement remarquable de construction de mairies-écoles dans des villages ruraux, seulement distants de quelques kilomètres : Combres, Frétigny (auj. incluse dans la commune de Santigny) et Chassant. Les circonstances ayant conduit à ces travaux partageant une communauté d’esprit, voire de moyens, sont à ce jour mal connues : s’il est probable qu’un effet d’entraînement se soit produit au niveau local entre les différents maires des villages, il est également plausible qu’un soutien ait été donné à l’échelon préfectoral, la réalisation de ce type de programme dépendant des apports des ministères de l’Intérieur et de l’Éducation nationale. On n’exclura pas, en outre, le rôle éventuel joué par une personnalité politique locale (membre du Parlement ou élu du Conseil général) ayant pu appuyer la réalisation de ces programmes auprès de l’administration centrale. Si le groupe scolaire de Chassant, approuvé en 1936, n’est achevé qu’après la Seconde Guerre mondiale, ceux de Frétigny et de Combres sont réalisés à quelques années d’intervalle par de mêmes architectes établis à Paris, Jean-Baptiste Mathon et Joannès Chollet. L’édifice de Combres est le premier mis en chantier : si sa chronologie exacte demeure mal connue, la mairie-école est, au plus tard, achevée en 1934. Les premiers plans semblent avoir été établis dès 1927, sous l’impulsion d’Eugène Fettu, maire de la commune de 1911 à 1942. La réalisation n’est pas ignorée de la presse spécialisée de l’époque, quelques clichés étant publiés par la revue L’Architecture d’aujourd’hui, dans un numéro thématique consacré aux réalisations scolaires, où Albert Laprade voit la réalisation d’un effort collectif permettant à la France de rattraper son retard sur l’Allemagne et la Hollande. La chute démographique connue par Combres au cours des Trente Glorieuses (la population passe de 586 habitants au recensement de 1936 à 321 à celui de 1982) est compensée, depuis les dernières années du XXe siècle, par une croissance régulière ayant permis le maintien de l’école. Les bâtiments font, en 2017, l’objet d’une restauration suivie par l’architecte des Bâtiments de France Caroline Dolacinski.
Le bâtiment est implanté en bordure de la rue Eugène-Fettu : cette voie rectiligne, créée au début du XXe siècle, permettait la suppression d’un coude peu pratique formé par le tracé de la route de Thiron ; la mairie-école se situe, de ce fait, légèrement à l’écart du centre du bourg. Le terrain d’implantation présente une pente assez marquée, le point le plus élevé étant situé au sud-ouest. L’édifice articule, sur trois niveaux, les différentes fonctions de son programme d’origine. Le niveau de rez-de-jardin, uniquement ouvert au nord, accueillait les bains douches municipaux, élément important dans les années 1930 alors que les pièces d’hygiène étaient encore peu répandues dans les campagnes françaises. Depuis désaffecté, cet espace sert de dépôt pour le matériel municipal. Le niveau du rez-de-chaussée est lui affecté à l’école primaire : l’entrée s’effectue sur le côté ouest, et ouvre sur un corridor séparant les deux classes élémentaires, au sud, de l’espace de propreté, au nord, sur lequel il est ajouré. Des fenêtres hautes, depuis dissimulées derrière un faux-plafond, donnaient à ce couloir un éclairage en premier jour. À l’extrémité est du bâtiment, la salle d’éveil des maternelles forme une avancée en rotonde, seuls de minces trumeaux interrompant le vitrage sinon continu sur l’extérieur. Le niveau d’étage est dévolu aux activités municipales : il bénéficie d’un accès extérieur distinct de l’école, mais passant entre les classes de primaire et celle de maternelle. Outre des bureaux, ce niveau compte une salle dédiée à la tenue du conseil, au-dessus de l’entrée. Une vaste terrasse, au-dessus de la rotonde du rez-de-chaussée, est accessible côté est. L’ensemble de la construction s’inscrit sur un terrain planté de pelouse, et borné par des murets assortis à l’architecture de la mairie-école. Construit sur une ossature en béton armé et en maçonnerie traditionnelle, l’édifice présente des façades enduites d’une teinte rosée, l’usage vernaculaire tendant plutôt à des tons d’ocre ou de beige. L’élévation principale, côté sud, est marqué par la recherche d’équilibre entre les fortes horizontales des murets en briques, des baies du rez-de-chaussée et des corniches peintes en blanc, avec la verticale du massif de briques simulant une cheminée. On rapprochera ce dessin de l’esthétique cubiste de l’époque, sensible dans les réalisations de Robert Mallet-Stevens, et plus largement du style paquebot, par les retraits des terrasses de l’étage évoquant des coursives et par l’arrondi de la façade est du bâtiment. La façade nord, peu visible de l’espace public, adopte un dessin plus hermétique mais empreint d’une certaine monumentalité, notamment dans le dessin des escaliers extérieurs couverts par des auvents prolongeant le dessin des corniches. On comparera le dessin de la mairie-école de Combres avec celle de Frétigny qui en reprend, en réduction, la même grammaire, ainsi qu’avec les différentes réalisations du tandem Mathon-Chollet à Cachan, en région parisienne : la mairie, et les écoles Belle – Image et Paul-Doumer.
La mairie-école de Combres est un exemple d’un programme aussi bien typique de son époque que relativement rare sur le plan quantitatif, a fortiori en région Centre-Val-de – Loire. La combinaison de l’éducation, de la santé publique et de la vie administrative fait de cet édifice une réalisation caractéristique de la conception d’État-providence de la fin de la Troisième République. Le service public est implanté au cœur du village et accompagne le citoyen tout au long de son existence, dans des locaux conçus suivant selon des préceptes aussi hygiénistes que fonctionnalistes. L’écriture architecturale de Jean-Baptiste Mathon et Joannès Chollet s’inscrit au croisement des grands courants de l’époque, articulant l’esthétique développée par Dudok et Mallet-Stevens avec des procédés constructifs modernes. Cette recherche de confort et de praticité trouve une résonance jusque dans le choix des éléments de second œuvre : le bâtiment de Combres est l’un des premiers, dans la région, à avoir des sols en linoléum. On insistera, enfin, sur la fidélité de l’état extérieur actuel par rapport aux dessins d’origine, et sur la qualité des travaux de restauration récemment menés.
2014
2020
Dossier individuel