Architecture civile publique ; édifice de l'administration ou de la vie publique ; siège d'association ou d'organisation ; siège d'organisation internationale
Parlement européen (IPE 4)
Grand Est ; Bas-Rhin (67) ; Strasbourg ; boulevard de Dresde
Dresde (boulevard de)
20e siècle
20e siècle
1991 ; 1999
Déjà fortement désirée en 1942 par Winston Churchill, la création du Conseil de l’Europe en 1947 marque un tournant prépondérant dans l’histoire de Strasbourg. La capitale alsacienne, considérée comme une victime importante des confits du XXe siècle et le symbole de la réconciliation et de l’unité, est désignée pour accueillir cette institution. La mission européenne confiée à Strasbourg répond à la vocation profonde de cette cité qui se veut au service de la paix entre les peuples. D’autant plus que cette vocation est proclamée solennellement le 19 octobre 1957, lors de la signature du traité de Rome instituant la Communauté économique européenne (CEE). En janvier 1958, Strasbourg est désignée dans le cadre d’un « modus vivendi » provisoire comme lieu de réunion de l’Assemblée des communautés, dénommée aussi Parlement européen. Le lieu de construction du Parlement fait débat au début des années 1990. Il est d’abord considéré à Liège, au cœur d’une région industrielle importante, dans la Sarre ou encore à Paris. Strasbourg, proposée par le gouvernement français, est ensuite mise en concurrence avec Bruxelles. Selon la majorité des parlementaires à cette époque, regrouper la Commission européenne et le parlement offrirait des avantages financiers et personnels. Au terme des négociations, il est décidé que Strasbourg demeure le siège du Parlement, car un rassemblement des organes législatifs à Bruxelles n’est pas souhaité.
Construire un bâtiment pour l’Europe représente la plus haute exigence. Il s’agit d’incarner l’idée de la démocratie en mouvement, de l’Europe en devenir, de la liberté, de la paix, d’un pouvoir fort mais délibératif, de concevoir une architecture capable de transmettre concrètement ces valeurs. Le bâtiment Louise Weiss, quasiment entouré par la rivière Ill, se place en face de plus anciennes constructions, comme les centres Churchill et le Palais de l’Europe. Il est relié à ces derniers par le pont Pierre Pfmlin. Le bâtiment occupe un terrain de 4,5 hectares, appartenant à la ville, à proximité des institutions européennes existantes. La surface totale est de 200 000 m2. La façade en verre de l’édifce s’étend sur 400 mètres. Cette architecture s’insère harmonieusement dans son paysage urbain. L’édifice adopte la courbe de l’Ill qui traverse le centre historique de Strasbourg. Les liens avec les bureaux existants et avec la ville montrent le souci du cabinet d’architecture de travailler sur le contexte, comme en témoigne aussi l’agora : elle s’ouvre vers la cathédrale et la ville par une percée qui coupe la tour sur toute sa hauteur. Cette perspective est indiquée par une trame foncée disposée sur le sol. L’ouverture permet des jeux de lumière : les reflets du soleil en façade dessinent un quadrillage qui se superpose au damier du sol. Une ligne plus sombre dans la paroi de grès rose (matériau local) joue avec le soleil au moment du solstice. L’architecture de l’immeuble, conçue par Architecture-Studio Europe, s’organise en différents volumes : un arc, un dôme et une tour qui encerclent une agora elliptique. La paroi cintrée, qui se reflète dans un plan d’eau, donne à voir de façon explicite et visible le volume sphérique de la salle d’assemblée, tandis que la tour, dans ses parties hautes laissées à jour, propose une image inachevée de la construction. La tour, bâtie en verre et en grès, est haute de 60 mètres. Son sommet, qui semble inachevé, évoque le projet européen en continuelle construction. L’arc du bâtiment longe les rives de l’Ill et du canal de la Marne au Rhin : il accueille des espaces de travail, de communication et de détente. Il est coiffé d’un dôme sous lequel se trouve l’hémicycle monumental, le plus vaste d’Europe, où siègent les députés. Ce vaste ensemble architectural s’ouvre vers l’extérieur par son immense façade vitrée de 13 000 m2 qui symbolise la transparence démocratique de l’Union européenne. Le siège offciel du Parlement européen comprend un hémicycle, 1133 bureaux pour les parlementaires, 18 salles de commissions de 50 à 350 places, un centre et un service de restauration. L’hémicycle a été pensé en fonction des élargissements à venir. Il compte 750 places pour les députés et 600 à 800 places pour les spectateurs. C’est le plus grand d’Europe. Troisième hémicycle à Strasbourg où est amené à siéger le Parlement européen, l’hémicycle de l’IPEIV succède à l’hémicycle de la Maison de l’Europe et à celui du Palais de l’Europe à partir de 1977 qui accueillait alternativement les sessions plénières de chacun des deux organismes. Les évolutions politiques liées à la fn du rideau de fer et au rétablissement de la démocratie ont permis aux pays d’Europe centrale et orientale de rejoindre le Conseil de l’Europe puis l’Union européenne. Pour les intégrer, le Parlement européen devait disposer d’un lieu suffisamment vaste. Il y règne une atmosphère solennelle entretenue par la couleur bleue, par des petites entrées qui donnent sur un volume impressionnant. Un effet de luminosité naturelle ne produisant pas d’ombres y est obtenu par un éclairage naturel et des vagues de réflecteurs constellant la voûte. La pente du sol où sont ancrés les pupitres, la courbure de la paroi lumineuse, les ondulations majestueuses du plafond, l’emplacement du siège présidentiel qui pour une fois ne se trouve pas le dos au mur contribuent à donner sa force à ce lieu de débat. Un parcours rapide dans les différents espaces du Parlement montre l’immensité, la diversité des espaces différenciés par les couleurs, les formes, et qui ont chacun une fonction différente. La rue intérieure constitue l’artère principale irriguant les fux entre les espaces. Elle est traversée par des passerelles. Le sol de l’artère principale est revêtu d’ardoise imitant les mouvements de l’eau. Le mouvement humain fait penser à un grand transatlantique, avec ses passerelles, terrasses restaurants et ponts avec vue sur l’eau. L’espace intérieur invite à des déambulations parfois confuses dans un jeu pourtant ouvert, dans la confluence des eaux qui l’enserrent, dans ses passerelles essentielles lancées dans le vide, dans cette confrontation permanente entre opacité et transparence, à l’image de l’Europe. Pour ses concepteurs, cette architecture formalise « des systèmes de relations ouverts […] à l’image de la démocratie, une et composite, en devenir et vivante ». Aussi, toujours selon les architectes, « l’édifice exprime les fondements de la civilisation occidentale : classicisme et baroque, du cercle de Galilée à l’ellipse de Képler, le passage de la structure géométrique centrée (Galilée), à l’anamorphose (Borromini), à l’ellipse (Képler, Gongora), moment instable de la géométrie, le passage du pouvoir central au mouvement de la démocratie ».
2015
Public
2020
Eberhardt S.
Dossier individuel