Génie civil ; ouvrage d'art ; relais de télécommunication
Tour hertzienne
Île-de-France ; Hauts-de-Seine (92) ; Meudon ; Carrefour de l’Etoile-du-Pavé-de-Meudon
20e siècle
20e siècle
1950 ; 1952
La nécessité de sécuriser les communications radio avec les bases de l’OTAN installées en Allemagne ainsi que l’accroissement du nombre de postes de télévision dans les foyers français à partir du début des années 1950, engagent le gouvernement dans une ambitieuse politique de construction d’infrastructures destinées aux télécommunications hertziennes alors en pleine expansion. Au sortir de la guerre, plusieurs entreprises civiles de télécommunication contribuent en effet au perfectionnement de cette technologie amplement développée par les ingénieurs durant le second conflit mondial. Au début des années 1950, en France, le faisceau hertzien est suffisamment stabilisé pour envisager une utilisation commerciale sur de grandes distances. Dès février 1950, le ministère des Postes, Télégraphes et Téléphones désigne Pol Abraham pour concevoir les cinq stations du faisceau Paris-Lille dont Meudon constitue le relai parisien, ce centre devant d’ailleurs devenir le centre d’un réseau national. Les communications transitent ensuite par un câble enterré jusqu’au centre principal de la RTF rue Saint-Amand, dans le XVe arrondissement. Le budget de la construction de la tour s’élève à 210 000 000 de francs sur un montant total de 380 000 000 francs consacré au réseau Paris-Lille. Entre 1950 et 1951, Abraham met au point au moins trois projets, hésitant sur le profil à donner à la tour, première du genre, entre le building américain couronné d’une rotonde et la forme classique de l’obélisque. L’emplacement retenu, sur les hauteurs de la forêt de Meudon, donne également lieu à des hésitations. En mai 1951, un emplacement devant un carrefour forestier situé sur le pavé des Gardes est étudié (site de l’actuel stade Jean-Wagner). Ce choix aurait placé la tour sur la commune de Sèvres (sur l’allée des Acacias, entre la route de la Source et la route de Gallardon). Cette hypothèse devait entraîner des modifications de tracé de chemins forestiers, et de compléter le carrefour pour en faire une étoile giratoire. Surtout, elle aurait mis la tour, en accord avec l’inspection départementale de l’Urbanisme de Seine-et-Oise, face à l’observatoire de Meudon, dans l’axe de l’avenue de la Porte-Dauphine, afin de monumentaliser le programme, de le faire concourir à l’ordonnancement général, la taille de l’édifice empêchant quoi qu’il en soit de le masquer. La face orientale, côté observatoire, aurait reçu un relief sculpté et une inscription rappelant l’objet de la construction et l’inscrivant dans la tradition des obélisques. Finalement, l’étoile du Pavé-de-Meudon, à la limite des communes de Meudon et Chaville, est préférée, le terrain est alors concédé au ministère des PTT par l’Office national des Forêts. Le centre hertzien est officiellement inauguré en décembre 1953 par la retransmission de la messe de minuit depuis la cathédrale de Strasbourg. Contrairement à une tradition orale, la retransmission en eurovision du couronnement d’Elisabeth II, le 2 juin 1953, n’a pas été assurée par la tour de Meudon, mais par le terminal de Cormeilles-en-Parisis. La tour perd une partie de son utilisation à des fins télévisuelles dans le courant des années 1960 mais le développement de la téléphonie lui conserve une grande utilité. Le bâtiment sur deux niveaux (rez-de-chaussée et sous-sol) entourant la base de la tour a été ajouté autour de 1970 afin de pouvoir assurer les besoins nouveaux. Il a pris la place du fossé qui dégageait apparemment la base de la tour, mais qui n’avait pas été réalisé selon le traitement paysager initialement prévu par Pol Abraham (fossé à pentes engazonnées), lorsque la construction du centre hertzien avait été envisagé dans la perspective de l’observatoire. Entre 1980 et 1981, une salle de 500 m² est aménagée en sous-sol, au-devant le parvis d’accès à la tour, pour accueillir de nouveaux équipements techniques, par l’architecte Jean Willerval. En 1985, un pylônnet est ajouté au sommet de la tour. En mars 2007, un permis de construire est délivré pour l’aménagement de locaux de production, de traitement et de diffusion des programmes de TF1 et LCI, en complément du site de Boulogne-Billancourt, ce qui redonne une fonction télévisuelle à la tour. Les installations prennent place en sous-sol et au rez-de-chaussée principalement dans le bâtiment périphérique et l’extension souterraine. Les aspects de ces parties ont été modifiées (enduit, baies, menuiseries, abords).
La tour hertzienne se dresse au point le plus élevé de la forêt de Meudon. La tour occupe le centre du rond-point. Elle est entourée par les trois ailes du bâtiment abritant les locaux techniques et le logement du gardien. L’architecte a dessiné une tour à fût carré de 73 m. de haut se rétrécissant vers le sommet, évoquant le profil d’un obélisque. Trois plateformes circulaires sont accrochées sur son pourtour à 30 m., 45 m. et 60 m. de hauteur. Elles accueillent les antennes et autres équipements de transmission, pour cette raison, sont protégées par des trois terrasses. Les façades de la tour sont sur plan circulaire sur ces trois étages techniques. La structure est réalisée en béton, avec parement « en pierre reconstituée à base d’agrégats de calcaire dur de choix », le bouchardage est réalisé mécaniquement pour parties planes et manuellement pour la modénature, d’après les termes du permis de construire. Les fondations sont constituées par un large socle en béton réalisé sur la couche rocheuse située à faible profondeur. Disposé à la manière d’une assiette renversée, il assure une assise maximale. La face ouest de la tour est très peu percée. Le projet d’origine qui prévoyait une face décorée par un relief sculpté et une inscription n’a visiblement jamais été mis à exécution. En revanche, le dernier étage dispose de nombreuses baies, contrairement à ce qu’avait initialement prévu Pol Abraham, sans doute afin de bénéficier de la vue panoramique offerte depuis le sommet. Ces modifications du parti, réalisées dès la construction, ont quelque peu atténué l’effet d’obélisque initialement envisagé. L’intérieur de la tour est divisé en 18 niveaux desservis par un ascenseur et un escalier. Ils abritent les différents émetteurs et récepteurs radio ainsi que toutes les installations techniques nécessaires. A l’origine, un appartement se situait dans la tour (reporté dans le bâtiment annexe).
Entre 1950 et 1953, Pol Abraham réalise une vingtaine d’opérations (tours et centres hertziens) pour le ministère des PTT. La tour de Meudon représente un type nouveau d’infrastructures nées de l’évolution des techniques de communication, elle devient un prototype. Sa forme adopte les codes de la modernité architecturale, encore marquée ici par l’esthétique Art déco et un certain classicisme monumental : formes géométriques simples, lignes épurées, références au modèle de l’obélisque. La tour, qui se voulait archétypale, se distingue de ses suivantes par le soin de la mise en œuvre, l’usage d’une structure pleine en béton. Son coût sera reproché à Abraham par l’administration des Postes et Télécommunications qui préconisera, par la suite, des structures métalliques plus légères et économiques. Aussi, d’autres architectes sont désignés pour réaliser des tours hertziennes et pour expérimenter d’autres modes constructifs (poteaux de béton et remplissage ou encore métal pour André Gutton). Des architectes tels que Georges Tourry, Henri Vergnolle ou encore Marguerite Moinault sont également chargés de construire ces tours selon leur conception propre de ce programme nouveau. Pol Abraham ne sera finalement pas chargé de la réalisation de la tour hertzienne de Lille. La tour hertzienne de Meudon rappelle la place prépondérante occupée par les faisceaux hertziens dans le système des télécommunications mis en place après la Seconde guerre mondiale. Cet édifice est le fruit d’une politique de recherche active conduite de concert par l’Etat et des entreprises privées pour doter la France d’un système de télécommunication moderne et performant dont Paris et sa région constitue dès l’origine un nœud essentiel. Objet architectural singulier, la tour hertzienne de Meudon ne bénéficie d’aucune protection patrimoniale, à l’instar de la majorité de ces infrastructures. Sa labellisation « Architecture contemporaine remarquable » permettrait une première reconnaissance de son importance historique et patrimoniale.
2018
2020
Mathiotte Olivier ; Noyer-Duplaix Léo
Dossier individuel