Architecture scolaire ; édifice scolaire ; édifice d'enseignement supérieur ; université
Centre universitaire Pierre-Mendès-France, site de Tolbiac
Île-de-France ; Paris (75) ; Paris 13e Arrondissement ; 90 rue de Tolbiac
Tolbiac (rue de)
20e siècle
20e siècle
1970 ; 1973
La construction du centre universitaire Pierre-Mendès-France est soutenue par le ministre de l’Éducation nationale, Olivier Guichard, dès septembre 1970 à un moment charnière de l’histoire de l’université de Paris. L’éclatement de l’institution en treize entités distinctes – suite notamment aux événements de mai 1968 – entraîne une reconfiguration inédite des lieux d’enseignement universitaire franciliens. Le nouvel équipement a pour vocation de mutualiser les espaces éducatifs jusque-là dispersés en rassemblant sur un seul site les étudiants du premier cycle de sciences humaines de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Le choix d’inscrire la nouvelle faculté dans un contexte résolument urbain vise à désengorger le centre historique de la capitale – lieu traditionnel d’implantation de l’institution universitaire – en évitant un éloignement vers la banlieue des « campus à la française ». Le bâtiment est ainsi érigé dans le XIIIe arrondissement de Paris au croisement des rues de Tolbiac et Baudricourt, sur un terrain triangulaire très étroit et instable par la présence de carrières dans le sous-sol. La parcelle retenue pour accueillir l’édifice s’étend sur une surface de 4 878 m2 dans un secteur de la ville en pleine rénovation urbaine à l’intersection de la ZAC Lahire et des opérations Olympiades et Italie-Gobelins. La commande du centre Tolbiac n’a pas fait l’objet d’un concours et a été octroyée directement aux architectes Michel Andrault et Pierre Parat (ANPAR) en janvier 1971. En matière de construction universitaire, les deux associés sont déjà expérimentés puisqu’ils sont les auteurs de la Cité universitaire du Mans (1966-1970) et de la Faculté de médecine d’Angers (1967-1969). Ils présentent leur projet au public pour la première fois sous forme de maquette en novembre 1971 alors que les préparatifs du chantier sont déjà en cours. En effet, pour faire face à l’urgence des besoins, le ministère de l’Éducation nationale a imposé des délais de livraison très courts réduits à 20 mois. Seul le contournement des procédures administratives habituelles a permis de débuter la construction du bâtiment, car si le permis de construire est déposé le 16 décembre 1971, les intervenants n’ont pas attendu son approbation pour commencer les travaux de terrassements amorcés le même mois. L’avancée rapide du chantier se fait en dépit des réticences de la Préfecture de Paris qui empêche encore en juillet 1972 l’obtention du permis de construire pour des raisons sécuritaires liées à la grande hauteur de l’édifice. Les travaux sont cependant achevés dans les temps impartis grâce à une intervention ministérielle pour débloquer la situation. Le Centre multidisciplinaire Tolbiac est ainsi réceptionné le 30 septembre 1973, afin que le bâtiment puisse ouvrir ses portes aux étudiants dès la rentrée d’octobre 1973. À partir de 1995, Pierre Parat se charge seul de la transformation des trois terrasses accessibles situées aux niveaux 9 et 16 de l’édifice.
Le programme préfigurant l’édifice final formule les grandes orientations du projet. Le bâtiment a ainsi été pensé pour un effectif de 6 700 étudiants répartis sur une surface totale de 18 500 m2 devant comprendre un amphithéâtre de 800 places, ainsi que deux de 400 places et trois de 250 places, des salles de conférence et de réunion, un logement de fonction, des locaux administratifs et sociaux, une bibliothèque et des magasins, des espaces de détente et de circulation et un parc de stationnement souterrain de 500 places. Si le projet réalisé reprend à son compte ces directives, il repose surtout sur un dialogue clair entre des formes géométriques simples et une structure architecturale dynamique. En plan, l’association de ces deux principes permet de singulariser les espaces les uns par rapport aux autres et de rendre lisible les différentes fonctions de l’édifice en qualifiant les espaces : le recours au carré identifie les circulations (ascenseurs, escaliers), tandis que le cercle délimite les amphithéâtres et le triangle, la parcelle du terrain. Ce parti induit une distribution spatiale en éventail. Autour du pôle central constitué des circulations et du hall d’entrée, se déploient six amphithéâtres pouvant accueillir 250 à 800 étudiants. Dans les étages supérieurs, l’abandon du cercle et du triangle au profit du seul carré permet l’installation d’une trame de 1,20 m., plus propice à l’implantation de salle de cours. À chaque niveau, cette trame permet la création d’unités fonctionnelles autonomes organisées en trois grands plateaux de plus de 400 m2 chacune. La permanence de l’assise au sol assurée par le soubassement légèrement encaissé (d’un 1,50 m.) réunissant les amphithéâtres, les circulations et le hall d’entrée offre un contraste intéressant avec l’aspect dynamique et ascensionnel de l’élévation du bâtiment. La construction s’élève en porte-à-faux selon une logique combinatoire articulant autour d’un axe central six « modules urbains » de cinq étages, chacun superposé en un jeu de cubes pour former trois tours de hauteur inégale dont la plus élevée atteint 76 m. Les architectes perfectionnent une solution constructive qu’ils avaient déjà exploitée dans la production de sièges d’entreprise et qui tend à distinguer volume et structure, portant et porté, espace servant et espace servi. Faire le choix de la verticalité a également permis de transposer des règles régissant les immeubles de grandes hauteurs (IGH) à l’architecture universitaire, car les procédures sécuritaires spécifiques aux IGH n’avaient pas encore été expérimentées pour les équipements universitaires ce qui a longtemps retardé la délivrance du permis de construire. L’idée de scinder les volumes en plusieurs modules empilables est aussi un moyen d’éviter la succession des retraits dus au gabarit imposé par la réglementation en vigueur et d’instaurer un échange entre l’équipement universitaire et les constructions voisines. La création d’un signal urbain gradué permet une transition visuelle ascendante qui contribue à amenuiser la rupture intervenue entre le gigantisme de l’architecture contemporaine et l’échelle plus traditionnelle de l’architecture du passé. Il s’agit de signaler de manière subtile le rôle structurant de l’équipement universitaire tout en l’adaptant aux contraintes de l’urbanisme parisien et à la proximité immédiate des habitations. Cette idée découle également d’un écueil : la hauteur importante de la construction ne permet pas aux étudiants de profiter des espaces qui leur sont dévolus dans les niveaux inférieurs de l’édifice durant les intercours. Le recours à un principe de segmentation permet donc l’insertion de « forums d’altitude » qui consiste à aménager pour les étudiants des terrasses en plein air. L’opposition entre l’horizontalité du soubassement et la verticalité des tours permet également une distinction fonctionnelle entre les lieux d’enseignements, puisque les cours magistraux se tiennent dans les amphithéâtres du rez-de-chaussée, tandis que dans les étages ont lieu les travaux dirigés. Cette distinction est soulignée par un traitement signalétique coloré et par un usage différencié des matériaux incluant l’utilisation du béton brut de décoffrage pour le noyau central des trois tours et les volumes verticaux abritant les circulations, l’installation d’un mur rideau intégral pour couvrir les façades vitrées des tours et la pose d’un revêtement en briques apparentes pour les murs extérieurs des amphithéâtres. La décoration réalisée par Bernard et Yvette Alleaume dans le cadre du 1 % artistique a également fait l’objet d’une recherche importante. Les deux sculpteurs engagés en février 1973 élabore une œuvre de grandes dimensions qui s’étend sur 1 500 m2. Elle contribue à animer les espaces ouverts sur la rue de Tolbiac, afin de construire un véritable espace de transition entre la rue et le soubassement de la construction. Pour cela, les artistes ont imaginé un paysage sculpté artificiel qui fait corps avec l’architecture et se compose de deux formes courbes reliées entre elles par des gradins constitués de béton et de galets.
"Édifice emblématique de la carrière de Michel Andrault et Pierre Parat Bâtiment charnière de l' architecture universitaire française avec l'utilisation de la grande hauteur sur une parcelle exiguë Esthétique : mise en évidence de la structure porteuse, assemblage et fractionnement des volumes."
2019
2020
Mathiotte Olivier ; Noyer-Duplaix Léo
Dossier individuel