Architecture de culture recherche sport ou loisir ; édifice et aménagement de culture recherche sport ou loisir ; édifice sportif ; établissement nautique
Stade nautique Marlène-Peratou
Île-de-France ; Seine-Saint-Denis (93) ; Aubervilliers ; 1 rue Edouard-Poisson
Edouard-Poisson (rue)
20e siècle
20e siècle
1965 ; 1972
La conception du centre nautique d’Aubervilliers est concomitante d’une politique volontariste engagée par l’État français en matière d’équipements du territoire national. Cette politique a bénéficié en particulier aux infrastructures sportives dont le déficit important est constaté au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, alors que la France connaît un développement et une évolution sans précédent des pratiques sportives. Après son élection en 1957, le maire communiste d’Aubervilliers, André Karman, s’engage dans un chantier d’ampleur visant à équiper sa ville pour résorber le retard accumulé dans la construction de nouvelles structures éducatives, socio-culturelles et sportives. Il est aidé en cela par la politique incitative menée par l’État qui se traduit par l’augmentation des crédits en faveur de la construction d’équipements publics. Dès 1959, une délibération municipale prend acte de la volonté de créer un centre sportif municipal à l’angle des rues de la Goutte d’Or (actuelle rue André Karman), Édouard-Poisson et de l’avenue de la République. La commande du projet albertvillariens intervient alors que le sous-secrétariat d’Etat de la Jeunesse, des Sports et des Loisirs encourage l’édification de piscines en instaurant trois programmes de constructions dédiés entre 1961 et 1975. L’élaboration du centre nautique d’Aubervilliers a d’ailleurs précédé de peu l’élan national impulsé par l’opération « Mille piscines » dont l’objectif était la construction de piscines économiques et industrialisées. Une convention fixant les conditions de réalisation du futur centre nautique est passée le 15 décembre 1964 entre Jacques Kalisz, Jean Perrottet et la ville d’Aubervilliers. Le 20 mai 1965, le conseil municipal approuve l’avant-projet présenté par les deux architectes. La demande d’autorisation du permis de construire est quant à elle déposée le 31 mai 1965, tandis que le permis de construire est accordé dans la foulée, en octobre 1965. Un an plus tard, le projet de centre nautique « Goutte d’Or » figure au plan quinquennal du département de la Seine – Saint-Denis. Le dossier d’exécution est ratifié lors d’une délibération municipale du 23 janvier 1967 peu avant le début des travaux préliminaires entamés au printemps. La réception définitive de l’édifice a lieu en novembre 1972. Des problèmes d’étanchéité et d’entretien concernant le traitement de l’eau et le chauffage sont signalés dès le milieu des années 1970. Il faut cependant attendre une date bien ultérieure pour que le complexe sportif soit rénové. La réhabilitation du bâtiment, engagée en 2010 et supervisée par l’agence Béguin & Macchini, a consisté à rénover les façades et l’ossature métallique, moderniser les sols au niveau des plages et des bassins et reconfigurer le hall d’entrée pour en favoriser l’accès aux personnes handicapées.
Le centre nautique d’Aubervilliers est inscrit en plein cœur de la commune et forme avec le stade municipal voisin un complexe sportif central devenu symbole d’une vision sociale progressiste de la ville. Le terrain choisi pour implanter l’édifice a été acheté entre 1960 et 1961. Il jouxte plusieurs constructions majeures réalisées par les membres de l’AUA à Aubervilliers : l’ensemble d’habitation Cité République (Jacques Kalisz et Jean Perrottet) situé à l’est de l’actuelle rue André Karman, le théâtre de la Commune et la bibliothèque municipale (Valentin Fabre et Jean Perrottet) au nord de la rue Édouard Poisson. Cet équipement familial comprend la réalisation de trois bassins à usage différent exécutés en tôle d’acier de 5 mm d’épaisseur : un bassin de compétition (25 m x 15 m x 2 m), un bassin d’apprentissage (25 m x 10 m) et un bassin à fond mobile destiné à la plongée et aux plongeons (12 m x 12 m x 8 m). Afin d’affirmer cette différentiation, les architectes ont choisi d’abriter chacun de ces bassins dans un volume autonome ouvert sur le solarium. Ces trois volumes de hauteur différente, auxquels il faut ajouter le pavillon du gardien jouxtant la fosse de plongée, s’articulent autour d’un espace central déployés sur trois niveaux et rassemblant les services communs. Au niveau inférieur sont regroupés les locaux techniques (chauffage, traitement de l’eau), tandis que le niveau intermédiaire inclut cabines (72 hommes et 72 femmes), vestiaires (au nombre de 800) et sanitaires. Le niveau supérieur en surplomb des bassins sert quant à lui d’accès à l’édifice grâce à une passerelle et distribue, autour d’un patio ouvert, le hall d’entrée, les guichets, le bar-restaurant, la cuisine et les services administratifs. La singularité du bâtiment réside cependant dans sa couverture assurée par une structure métallique légère dont le système constructif combinatoire est composé de profilés d’acier normalisés. Ce système repose sur une trame carrée de 5 m x 5 m qui allie une structure primaire, dont la disposition en oblique permet d’assurer le franchissement des bassins, et une structure secondaire disposée parallèlement aux bassins pour supporter la toiture, les plafonds suspendus en bois et les vitrages formant parois. Remaniée lors de la rénovation de l’édifice, la polychromie ludique imaginée par l’artiste Max Soumagnac présente un caractère didactique et des tonalités modernistes qui soulignent la fonction spécialisée des piscines : le jaune pour le bassin école, le rouge pour le bassin de plongée, le bleu vert pour le bassin de compétition et le bleu foncé pour le pavillon central. En matière d’architecture intérieure, l’intervention d’Annie Tribel alliant l’emploi de la courbe au plastique et au contreplaqué en bouleau n’est pas sans évoquer son travail remarqué pour le Théâtre de la ville de Paris.
La construction du centre nautique d’Aubervilliers coïncide historiquement avec une politique d’aménagement et d’équipement du territoire français qui vise notamment à rattraper le retard constaté en matière d’infrastructures sportives au début des années 1950. Le développement presque simultané, mais indépendant, du projet de Jacques Kalisz et Jean Perrottet avec l’opération « Mille piscines » diligentée par l’État confère au premier un rôle de précurseur. En raison de sa seule implantation au sein d’une ville de la banlieue rouge, cette réalisation témoigne par ailleurs des efforts consacrés durant les Trente Glorieuses à la transformation des communes situées en périphérie de la capitale. À l’instar du Groupe scolaire Jean-Lolive à Pantin (1969-1972) ou de l’École d’architecture de Nanterre (1972), la réalisation du stade nautique s’inscrit dans une série d’édifices métalliques notables conçus par Jacques Kalisz et Jean Perrottet durant les années 1960-1970. Le projet repose sur l’invention d’une nouvelle « architecture industrialisée » qui constitue une étape essentielle de l’histoire et de l’évolution des techniques en France. Il s’agit pour les deux architectes d’associer création architecturale et processus industriel, car le renouveau des formes architecturales est lié selon eux au développement de techniques constructives innovantes. L’intérêt du bâtiment réside également dans l’attention portée aux éléments ornementaux, notamment grâce aux interventions remarquées de l’architecte d’intérieur Annie Tribel et du peintre et coloriste Max Soumagnac. La première s’attèle à l’élaboration des aménagements intérieurs et au choix du mobilier, tandis que le second élabore une polychromie ludique permettant d’identifier les différents espaces de l’édifice. Ces collaborations qui contribuent à l’animation des lieux, visent également à confronter les usagers avec de nouvelles formes d’expérimentation spatiale.
2018
2020
Mathiotte Olivier ; Noyer-Duplaix Léo
Dossier individuel