Génie civil ; ouvrage d'art ; pont
Viaduc ferroviaire
Île-de-France ; Val-de-Marne (94) ; Nogent-sur-Marne, Le Perreux-sur-Marne, Champigny-sur-Marne ; "ligne ferroviaire Paris-Est/Mulhouse ; ligne ferroviaire de Grande Ceinture (RER E)"
"ligne ferroviaire Paris-Est/Mulhouse ; ligne ferroviaire de Grande Ceinture (RER E)"
20e siècle
20e siècle
1945 ; 1946
En 1857, un ferroduc long de 834 m. est construit en pierre calcaire et pierre meulière à la limite des communes de Nogent-sur-Marne et du Perreux-sur-Marne, se poursuivant également au sud sur la commune de Champigny-sur-Marne, afin que la ligne de chemin de fer Paris-Mulhouse puisse franchir la vallée de la Marne. Conçu par les ingénieurs Collet-Meygret, Pluyette et Vuignier, ce ferroduc comprend trente arches de 15 m. d’ouverture et quatre voûtes biaises de 50 m., ce qui en fait alors l’ouvrage d’art le plus important d’Île-de-France. Le 24 août 1944, les 4 voûtes enjambant la Marne sont dynamitées par l’armée allemande en retraite encombrant les deux bras de la Marne et l’île aux Loups de 15 000 m3 de pierre et ouvrant une brèche de 220 m. dans l’ouvrage. Au vu de la complexité du site, un pont provisoire ne peut être établi et il est décidé, dès 1945, de reconstruire durablement cette partie du ferroduc. L’idée d’une reconstruction à l’identique est abandonnée du fait que la SNCF pense devoir prochainement quadrupler la ligne. En outre, le service de la Navigation souhaite dégager complétement le bras navigable de la Marne et s’oppose donc au maintien d’une pile dans ce chenal. La solution d’un ferroduc en trois grands arches butant sur les culées restées de part et d’autre de la Marne est alors adoptée. Le chantier est confié aux Entreprises Limousin qui commencent les fondations le 5 juin 1945 après évacuation des gravats issus de démolition. Une partie de ces gravats du pont détruit est incorporée dans le béton des assises du nouveau. Afin d’approvisionner le chantier nuit et jour, on réutilise un pont transbordeur conçu par Eugène Freyssinet, ancien associé et ami de Claude Limousin. Le ferroduc est inauguré le 15 décembre 1946, soit dix-huit mois après le début du chantier.
Le ferroduc de Nogent franchit la Marne entre les communes de Nogent et Le Perreux (il marque la limite communale) et Champigny-sur-Marne, à l’extrémité ouest de l’île aux Loups. Les trois arches de béton construites en 1945 et 1946 se substituent aux quatre arches du ferroduc du XIXe siècle détruites en 1944. Du ferroduc initial subsistent trente arches en pleincintre (pierre calcaire et meulière), de 15 m. d’ouverture, réparties de chaque côté de la Marne. L’ouvrage actuel, en béton armé, s’élève à 27 m. de hauteur au-dessus de la rivière. Ses trois arcs, de type alvéolaire de section rectangulaire creuse, comptent 80, 70 et 68 m. de portée. Ils sont constitués de hourdis de 20 cm. formant une semelle à l’intrados et une semelle à l’extrados, reliées entre elles par un doubleau central et deux doubleaux latéraux. Les arcs supportent un tablier à poutres continues par l’intermédiaire de poteaux. Les arcs intermédiaires reposent sur les parties conservées du ferroduc du XIXe siècle, les anciennes piles de rive servant de culées, tandis que deux piles sur l’île aux Loups servent d’appui à l’arc central.
Construit en un temps record de 18 mois à la suite de la destruction d’une partie de l’ouvrage du XIXe siècle par les troupes allemandes en août 1944, les trois arches du ferroduc de Nogent témoignent de l’ingéniosité et du savoir-faire des Entreprises Limousin. Marquée par l’implication d’Eugène Freyssinet, cette société s’illustre par la conception de nombreux ouvrages d’art pendant la Première Reconstruction et poursuit cette action dès 1945, ce dont témoigne ce ferroduc. Dans un contexte complexe, les approvisionnements étant alors rendus très difficiles par la destruction de nombreuses infrastructures routières et ferroviaires, la réalisation de cet ouvrage nécessite une adaptation des techniques de construction. Le bétonnage des arches est ainsi réalisé de manière inhabituelle en trois rouleaux tandis que le tablier est porté par deux poutres tubulaires distinctes. On note également l’ingéniosité dont les Entreprises Limousin ont usé pour la réalisation des échafaudages face au manque de bois et de main d’œuvre spécialisée. 375 tonnes de tubes métalliques sont nécessaires pour leur réalisation, procédé tout à fait novateur qui fait école, tandis qu’un pont transbordeur conçu par Freyssinet est utilisé pour l’approvisionnement des matériaux d’une rive à l’autre. Malgré tout, le viaduc achevé ne laisse apparaître aucune trace du contexte difficile dans lequel il a été conçu, ses lignes pures et aériennes affichant toute la modernité qu’a su insuffler Eugène Freyssinet dans l’entreprise dont il a été le directeur technique. Ces lignes s’intègrent parfaitement aux arches du XIXe siècle qui ont été conservées. Le ferroduc de Nogent-sur-Marne est aujourd’hui un témoin privilégié des savoir-faire des grandes entreprises impliquées dès 1945 dans la Reconstruction et de leur capacité à déjouer les contraintes contextuelles d’alors pour bâtir des ouvrages pérennes.
2018
2020
Mathiotte Olivier ; Noyer-Duplaix Léo
Dossier individuel