Architecture domestique ; édifice domestique ; demeure ; immeuble
Immeubles en série : îlot L
Normandie ; Eure (27) ; Evreux ; rue de Grenoble ; place du Général-de-Gaulle
Grenoble (rue de) ; Général-de-Gaulle (place du)
000 XD 01, 2 à 8 ; 10 à 12 ; 14 ; 15 ; 202 ; 203 ; 209
20e siècle
20e siècle
1945
Sévèrement touché par les bombardements allemands en juin 1940, Évreux l’est plus encore par les bombardements alliés de 1944 qui détruisent la ville à 58%, particulièrement le centre historique. Chargé de concevoir le plan de reconstruction et d’aménagement (PRA) de la ville dès 1943, l’architecte-urbaniste Paul Danger, ayant entre-temps quitté Évreux pour Poitiers, est remplacé en 1944 par Paul Bailleau, nommé architecte en chef, qui apporte un certain nombre de modifications au plan de son prédécesseur, rendu exécutoire en 1947. L'avant-projet de l'îlot L est présenté par l’architecte en février 1945, après la visite de Raoul Dautry, ministre de la Reconstruction. L’îlot est délimité par le côté impair de la rue de Grenoble (du nom de la ville marraine d'Evreux), voie nouvelle remplaçant de petites rues jugées impropres à la circulation et insalubres, inaugurée le 25 août 1945 un an après la libération de la ville, par la place du Général-de-Gaulle et par le rempart gallo-romain mis au jour à la suite du bombardement de 1940. Il s’agit d’une opération symbolique destinée à prouver la volonté publique de reconstruire vite, bien, et en accord avec la population. Bien qu’il s’agisse d’ISAI (immeubles sans affectation individuelle), cédés par l’État aux propriétaires en échange de leurs dommages de guerre, l’administration, convaincue de l’effet d’entraînement que peut avoir ce type d’opération, engage celle-ci sans attendre que les questions juridiques et financières soient réglées. Pierre Bailleau dessine les plans des immeubles, concrétisant les recommandations esthétiques et archéologiques de Danger pour obtenir une réalisation de « caractère local évolué », qui donnera le ton pour la suite des opérations. Les architectes des sinistrés (Bernard Ducellier, Léon Duclos, Charles Lefébure, Leroy et Georges Valmier) sont associés et prennent en charge l'exécution avec Pierre Desaux et Edmond Plaquin avant même d'avoir signé leurs contrats avec l'association syndicale de reconstruction. Les travaux de l'îlot L sont terminés en 1948
L’îlot aligne treize immeubles identifiables par les chaînes qui prolongent les pignons. Pilastres et encadrements de briques marquent les travées. La file des lucarnes à croupe est interrompue par quelques frontons décorés d’ornementations géométriques comme les allèges sous les fenêtres. Les murs mitoyens et les planchers sont en béton armé, les murs d'élévation sont en brique enduite en façade de ciment pierre bouchardé. Pour la charpente, Paul Bailleau a, faute d'autre matériau, utilisé le béton, expérience sans suite. L'immeuble d'angle, aligné sur deux rues, est en béton armé pour le corps principal et en brique pour les piliers. Elevé sur une galerie couverte desservant des commerces en rez-de-chaussée, il se compose de deux étages carrés dont chaque travée est délimitée par un pilastre en brique. Les baies sont encadrées de brique sur les deux étages de chaque travée. L'imposante toiture en tuile plate comporte des lucarnes à croupe et des souches de cheminées en brique.
L’îlot L, première opération de la reconstruction du centre-ville d’Évreux, en constitue une réalisation emblématique. Les photographes ne s’y trompèrent pas, qui firent longtemps de ses toits, caractérisés par leurs hautes souches de cheminées et leur forte pente, l’une de leurs prises de vue favorites pour illustrer le renouveau de la ville. Associant logements et commerces, dont les enseignes sont limitées au-dessous du rebord des fenêtres du premier étage afin de laisser libres de vue les structures porteuses, ce programme, en covisibilité avec l’hôtel de ville, la tour de l’Horloge, monument historique du XVe siècle épargné par les bombardements et le long de la promenade de l’Iton, en revers de l’îlot, avec des vestiges du rempart, est représentatif des principes qui ont guidé la reconstruction d’Évreux. Le traitement du raccord avec la tour de l’Horloge par un immeuble disposé en retrait, de moindre hauteur, suivi d’un petit immeuble en retour adossé au monument, manifeste le souci, sensible également dans le choix des matériaux rappelant le style traditionnel régionaliste, de favoriser une cohabitation harmonieuse entre le bâti reconstruit et des témoignages éminents de l’histoire de la ville. Le parti de favoriser la mixité entre habitations et commerces en cœur de ville, comme celui d’ouvrir largement le revers de l’îlot sur le panorama de la promenade de l’Iton participe d’une réflexion globale sur les usages de la ville et d’une volonté, dans le cadre de la reconstruction, d’améliorer le cadre de vie.
2001
2021
Buxtorf Marie-Claude ; Grandpierre Samuel ; Rendu Jean-Baptiste
Dossier individuel