Architecture de culture recherche sport ou loisir ; centre culturel
Institut du Monde arabe
Île-de-France ; Paris (75) ; Paris ; 1, rue des Fossés-Saint-Bernard
Fossés-Saint-Bernard (rue des) 1
"000 AD 01: 43, 46, 51"
20e siècle
20e siècle
1987
L’institut du Monde arabe est une fondation de droit français, créée par la France et dix-neuf États arabes pour favoriser la connaissance de la culture et de la civilisation arabes par le public français et international. Le projet a été proposé par la France dès 1974, mais l’acte de fondation n’est signé au ministère français des Affaires étrangères que le 28 février 1980. Les vingt États fondateurs sont : l’Algérie, l’Arabie saoudite, Bahreïn, Djibouti, les Emirats Arabes Unis, l’Irak, la Jordanie, le Koweït, le Liban, la Mauritanie, le Maroc, Oman, le Qatar, la Somalie, le Soudan, la Syrie, la Tunisie, le Yémen du Nord, le Yémen du Sud et la France. Ces États furent rejoints par les autres membres de la Ligue arabe : la Libye en 1988, l’Egypte et la Palestine l’année suivante. Les statuts de l’Institut ont été solennellement ratifiés le 23 juin 1980. Ils sont entrés en vigueur le 14 octobre 1980, date à laquelle un décret a conféré à la Fondation la personnalité juridique et la qualité d’établissement d’utilité publique. Le fonctionnement de l’Institut est, dès l’origine, confié à deux organes : un Haut Conseil (38 membres) et un Conseil d’administration (12 membres). Le président de l’Institut est élu par le Conseil d’administration sur proposition de l’Etat français. Depuis 2012, l’Institut a ouvert une antenne à Tourcoing, devenue autonome trois ans plus tard (IMA-Tourcoing). L’ancien ministre de la Culture Jack Lang préside l’institution depuis 2013. La construction de l’IMA s’inscrit dans la politique des Grands Travaux de François Mitterrand, bien qu’elle ait été décidée sous le septennat de Valéry Giscard d’Estaing en vue d’améliorer les relations diplomatiques et culturelles avec les pays arabes, en particulier dans le contexte des crises pétrolières. Le siège de l’IMA est alors provisoirement installé au 40, rue du Cherche – Midi (VIe arrondissement) dans un immeuble ancien, et un projet d’Henry Bernard doit voir le jour dans le XVe arrondissement de Paris. L’histoire de ce projet est mouvementée, et les recours administratifs nombreux. L’édifice d’Henry Bernard devait prendre place boulevard de Grenelle, sur une parcelle portant alors des terrains de sport. Après une lutte féroce engagée avec les riverains, l’Etat l’emporte et les travaux sont sur le point de commencer lorsque se tiennent les élections présidentielles de 1981. Le projet est alors gelé jusqu’à ce que la Ville de Paris propose plusieurs terrains : quai de Javel, parc Montsouris et angle des quais de Seine et de la rue des Fossés-Saint-Bernard. Ce dernier site (8 000 m2) appartient alors à l’université de Paris, et devait abriter une caserne de pompiers. Le terrain, davantage en lien avec la fonction traditionnelle de transmission de la connaissance dévolue au Quartier latin, aux abords du jardin des Plantes, du site universitaire de Jussieu et de la Grande Mosquée de Paris, est finalement attribué par l’Etat au programme de l’IMA. Un nouveau concours est lancé suite à l’impulsion nouvelle donnée par François Mitterrand. Il s’agit d’une consultation sur esquisse (un mois, 80 000 francs de rémunération) entre sept équipes d’architectes : Henri Ciriani, Edith Girard, Yves Lion, Gilles Perraudin, Christian de Portzamparc, Roland Castro et Jean Nouvel, qui s’était joint à l’équipe d’Architecture-Studio. Les projets sont rendus le 17 novembre 1981. Le comité d’examen, présidé par Joseph Belmont, sélectionne trois projets (Henri Ciriani, Edith Girard et Jean Nouvel). La consultation est remportée par l’équipe de Jean Nouvel et Architecture-Studio, qui sera gratifiée plus tard de l’Equerre d’argent (1987) et du Prix d’architecture de l’Agha Khan pour cet édifice.
Le programme de l’Institut est triple : développer et approfondir l’étude et la compréhension du monde arabe en France, favoriser les échanges culturels, et participer à l’essor des rapports entre la France et cette partie du monde. L’immeuble d’une surface de 26 900 m² comprend des locaux destinés à l’administration de la Fondation, une bibliothèque-centre de documentation de 2 500 m² (40 000 volumes à l’origine), un musée d’art et de civilisation arabes de 4 400 m² avec une salle d’exposition temporaire de 500 m², un auditorium de 400 places (760 m²) et un restaurant de 600 m². Jean Nouvel explique que le projet est parti de deux idées. La première, que le site est une charnière entre quartiers anciens et quartiers modernes – et qu’ainsi il ne fallait pas seulement le regarder dans la continuité des quais, mais aussi en rapport avec la réalité brutale et discontinue de l’espace des facultés de Jussieu – ; la seconde étant que le projet devait exprimer l’intériorité de la civilisation arabe. Cet équilibre est trouvé en jouant sur les pleins et les vides, un vaste espace public (la place Mohammed-V et le parvis) étant laissé libre au sud de la parcelle. Le plan adopte la forme d’un quadrilatère dont une extrémité est pincée par la courbure du grand côté nord. Ce côté épouse ainsi le tracé du fleuve et de la parcelle. Le bâtiment est coupé en deux par une faille, revêtue de petits carreaux de marbre blanc de Thassos sur une trame en aluminium, qui aboutit sur un patio à ciel ouvert, du quatrième au neuvième étage. Il exprime « l’intériorité caractéristique de l’architecture du monde arabe », selon les maîtres d’œuvre. La façade nord comprend un soubassement en pavés de verre sur des modules qui évoquent des bossages. Le mur-rideau supérieur est rythmé de manière à suggérer des lits horizontaux de pierre. La façade sud, quant à elle, comprend 240 moucharabiehs munis de 30 000 diaphragmes à cellule photo-électrique, mobiles selon l’ensoleillement. Elle repend ainsi les thèmes décoratifs géométriques du monde arabe et les mâtine de technologies nouvelles. Le découpage géométrique de la façade sud est rappelé par le dessin du pavage de l’esplanade formant parvis (place Mohammed-V et sa continuité). Cet espace comprend une entrée monumentale, côté rue des Fossés-Saint-Bernard, représentant un octogone évidé dans un cube de marbre blanc. A l’extrémité du volume bâti sud se trouve la tour des Livres de la bibliothèque dont on aperçoit en transparence la montée hélicoïdale. Dans le projet de concours, l’IMA devait atteindre 36 mètres de hauteur. Il en perd finalement cinq pour se conformer aux exigences du plan d’urbanisme et aux règles de covisibilité du Panthéon. Cette diminution a eu pour conséquence un abaissement des hauteurs des niveaux, avec certains espaces ne dépassant pas 2,05 mètres sous plafond. Le bâtiment compte cependant bien dix niveaux, et les différentes fonctions occupent parfois plusieurs étages, en totalité ou en partie. La salle du Haut Conseil, les espaces de restauration et la terrasse occupent le dernier étage, qui jouit agréable vue sur les îles de la Seine. La structure générale comprend un enchevêtrement de poteaux et de poutres articulés. Les poteaux verticaux sont en acier remplis de béton. Les poutres métalliques sont couvertes de staff peint (côté nord). La stabilité est assurée par les dalles de plancher qui buttent sur le bloc massif de la structure. D’un point de vue technique et esthétique, les éléments les plus novateurs (et dont la réalisation représenta en outre un budget conséquent) sont les 240 moucharabiehs mobiles, produits industriellement par l’entreprise CGEE-Alsthom. Les diaphragmes fonctionnent comme ceux d’appareils photographiques. La fermeture et l’ouverture des lames en aluminium peuvent se faire manuellement ou être commandées par une cellule photoélectrique située sur la couverture de l’édifice. Il y a deux moteurs électriques par panneau (un seul par panneau actuellement). Les panneaux carrés sont pris entre un double vitrage extérieur et un simple vitrage intérieur. Ce dernier s’ouvre pour laisser pivoter le panneau en vue de sa réparation ou de son nettoyage. Ce système à diaphragmes, élément de grand intérêt et véritable signature de l’édifice pour le grand public, a connu des dysfonctionnements. Cependant, il a été récemment restauré, ce qui est heureux pour la cohérence du programme et le respect de sa valeur architecturale.
L’Institut du Monde arabe a été célébré dès son inauguration par la critique architecturale française et internationale. Dès ce premier édifice d’envergure, Jean Nouvel développe les caractéristiques qui feront sa signature architecturale. La façade nord, donnant sur le Paris historique, reflète la ville en mouvement, comme si l’édifice, pourtant imposant, servait de miroir introspectif. Le plan joue avec la parcelle, la rendant presque expressive, ce qui donnera à Jean Nouvel l’étiquette durable d’un architecte « contextualiste ». L’utilisation du mur-rideau permet un dévoilement significatif de l’organisation intérieure et des fonctions de l’édifice, rappelant l’architecture high-tech d’outre-Manche. Enfin, au-delà du symbole que représente le motif des moucharabiehs et du désir de valoriser les technologies nouvelles – et donc d’inscrire le bâtiment dans son époque de construction –, la présence de ces occultations articulées souligne l’importance donnée à la lumière et au mouvement. Jean Nouvel l’exprime d’ailleurs très clairement en 1987 : « J’ai voulu que la matière première du bâtiment soit la lumière ». L’IMA est le premier édifice marquant de Jean Nouvel dans la capitale française. Il est le premier d’une série dont l’élément le plus récent est la Philharmonie de Paris, inaugurée en 2015. L’édifice est salué comme un projet séduisant et moderne, à la fois dans son temps et hors de son temps, qui sait jouer des références traditionnelles tout en évitant l’écueil du pastiche. Premier édifice de grande ampleur de la jeune carrière de l’agence Nouvel, il pose certains principes d’une signature connue aujourd’hui internationalement (prix Pritzker en 2008). Au-delà de la figure de l’architecte, il faut également souligner l’histoire inédite de ce programme, symbole d’une volonté politique de dialogue entre la France et les pays arabes. Seulement un an après le premier choc pétrolier (1973), qu’accompagne une hausse fulgurante du prix du baril de pétrole, la France décide de consacrer les nouvelles relations qui s’ouvrent avec le monde arabe grâce à ce projet. Celui-ci aboutit dix ans plus tard, et s’inscrit également dans le contexte des deux décennies qui suivent la décolonisation de l’Afrique, marquée notamment par l’indépendance de l’Algérie (1962). La France émet par ce programme le vœu de dialoguer pacifiquement avec des États qui prennent une nouvelle dimension sur la scène politique et économique mondiale.
Qualité de l’insertion dans l’environnement urbain sur un site hautement patrimonial, respect de la courbure du fleuve ; Qualité esthétique et technique des structures, des façades (remarquables moucharabiehs mobiles jouant à la fois avec la technologie et les références de l’architecture arabe) et de certains éléments d’organisation intérieure (tour des Livres reprenant les codes des grandes bibliothèques) ; Programme fort dans l’histoire des relations franco-arabes ; Edifice marquant pour le début de carrière de Jean Nouvel ; Edifice jalon dans l’histoire de l’architecture contextualiste.
2016
2021