Architecture scolaire ; édifice scolaire ; école ; groupe scolaire
Maison de quartier Axe majeur-Horloge, ancien groupe scolaire La Lanterne
Île-de-France ; Val-d'Oise (95) ; Cergy ; 2 avenue du jour
Jour (avenue du) 2
CZ 264
20e siècle
20e siècle
1983 ; 1985
Une tranche d’une des opérations constituant le centre du nouveau quartier de Cergy-Puiseux, depuis nommé Cergy Saint-Christophe, est confiée sous une forme directement opérationnelle au Taller de Arquitectura de Ricardo Bofill au début des années 1980. Ce projet, qui se concrétise notamment par le tracé régulateur d’une place bordé par un immeuble en hémicycle, constitue à la fois la terminaison sud du centre du quartier et le début d’un projet d’une succession de jardins descendant vers l’Oise, l’Axe Majeur étudié par l’artiste Dani Karavan. Cet ensemble post-moderne, à l’échelle monumentale, constitue une rotule directionnelle : le pendant de la faille de l’axe majeur en son sein est un passage piéton qui mène à l’emplacement du groupe scolaire prévu directement derrière l’hémicycle. La question de l’architecture « bioclimatique » est abordée à Cergy-Pontoise dès la livraison en 1981 d’un groupement de dix maisons individuelles jumelées aux Bergeronnettes (Sopra Architectes, HLM Les Trois Vallées) bénéficiant d’apports solaires passifs (circulation par convection naturelle d’air réchauffé par effet de serre en élévation) et actifs (préchauffage de l’eau chaude sanitaire par un système de capteurs). Mais les économies d’énergie que peuvent provoquer à long terme une conception adaptée dès le dessin initial restent en suspens concernant les programmes d’équipements publics. Les acteurs de la ville nouvelle se saisissent du concours national des équipements à faible consommation d’énergie et choisissent, au travers du projet d’école de Jourda et Perraudin, d’initier une recherche fondée sur la disposition architecturale vertueuse plutôt que l’exposition préférentielle du bâti.
Le terrain de 9500m2 a été excavé sur toute sa partie nord-ouest afin de ménager une cour de récréation qui descende vers un rez-de-jardin à niveau. Gilles Perraudin explique l’intention par un mouvement de réaction face à̀ la monumentalité́ du projet voisin prévu par l’architecte Bofill : c’est en se « terrant » que le projet a été́ pensé par un travail sur l’horizontalité́ et la vérité́. Celle-ci s’exprime également par l’utilisation des matériaux bruts, en opposition à une forme de déguisement du programme de logements de Taller de Arquitectura dans un vêtement à apparence institutionnel. La structure porteuse est constituée d’éléments en béton brut de décoffrage et les remplissages de panneaux de red cedar sans aucun traitement fongicide ni lasure. Le programme prévoit cinq classes maternelles, douze classes primaires (deux classes primaires supplémentaires sont demandées pour une extension future) et 5 logements de fonction. L’accès initial est souhaité par le nord-est, à travers un espace vert appelé « parc linéaire », en liaison avec une zone d’activité tertiaire et l’ensemble dessiné par Bofill. Un retournement s’est comme opéré depuis et les accès sur l’élévation sud-est et sa placette ont été privilégiés à partir de 2002. La recherche conceptuelle est ici totalement opposée à la recherche d’une orientation préférentielle favorable afin de capter beaucoup de rayonnements solaires. Les parois extérieures sont très peu percées (6 % de la surface utile) et la surface de vitrage extérieurs représente à peine 20 % de la surface utile. L’organisation interne très compacte est centrée sur deux carrés à rez-de-chaussée contenant les grandes salles et les circulations périphériques en corridor. Seul la portion sud-ouest de l’école à destination de la maternelle est bâtie à rez-de-jardin sur la cour excavée vers le bâtiment : elle reprend le principe de l’étage. Ces carrés sont entourés par quatre grands puits de lumière triangulaires, des patios à verrières zénithales. Celles-ci représentent un total de 329m2 de couverture vitrée. Les salles de classes se répartissent en couronne et s’éclairent largement sur les patios triangulaires. Des salles d’éducations ou ateliers occupent les angles externes du grand principe gigogne. Seules les salles du premier niveau présentent des hauteurs de plus de trois mètres. La salle-à-manger occupe un vaste demi-cercle terminal au sud-ouest, au-dessus d’un préau peu ouvert sur la cour. Sur le plan structurel, le principe s’appuie sur deux portiques en béton de 16 m de portée qui franchissent un groupe de deux classes et une entrée. Sous ces portiques, la “peau” en bois, formée de panneaux préfabriqués de 1,20 m, délimite les classes. Cinq logements de fonction en triplex, orientés vers l’avenue du jour, occupent des volumes rectangulaires en béton brut échancrés par une loggia triangulaire en plan et en élévation. Au-dessus du garage de rez-de-chaussée, les accès s’effectuent par un escalier menant à la faille séparative couverte par une étroite verrière pour chaque logement. Une pièce à double hauteur est complétée par trois chambres (70 m² pour un T4) et la matérialité suit la même logique de parois hourdies en red cedar, coordonnée au travail de menuiserie. La réponse architecturale est fondée sur les principes d’organisation des masses bâties et des espaces, et non pas une approche technique ou technologique sophistiquée. Au cours de l’étude, l’isolation a été renforcée, des ventilo-convecteurs ont été abandonnés au profit de simples radiateurs, l’école a été équipée d’un double flux avec récupérateur d’énergie de batterie de préchauffage de l’air neuf. Une étude préalable portant sur l’éclairage naturel de certaines salles à travers les patios a été faite par le centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), sur maquette, à l’aide d’un ciel artificiel et a montré des niveaux d’éclairements suffisants. Le projet a été accompagné par l’agence Bruno thermicien et le Bureau d’études O.T.H. Rhône-Alpes. L’école est utilisée seulement pendant 15 ans, puis désaffectée à la suite d’une chute démographique nette : une dispersion des classes est effectuée dans d’autres groupes scolaires, notamment les Terrasses et les Tilleuls, une école bâtie dans les années 90 dans la même rue à moins de 150 m de celle de la Lanterne. Entre 2002 et 2015, 90 % du bâti est inutilisé et seul le secours populaire occupe une grande salle au rez-de-chaussée. Depuis 2015, plusieurs autres utilisateurs sont présents temporairement : la maison de quartier de Cergy, le centre de prévention santé, des associations dans deux anciens logements de fonctions. Initialement, deux rampes sous verrière permettaient notamment d’accéder à̀ des espaces sous pergolas d’apprentissage pour les enfants. Des remaniements temporaires effectués lors de l’installation de la maison de quartier ont effacé la continuité́ de la circulation par l’ajout de nombreuses portes de coupe-feu mais il serait aisé de retrouver les qualités d’un édifice particulièrement bien pensé et dont le parti architectural est intact.
Pour répondre au concours national de l’époque sur des écoles à faible consommation d’énergie, les architectes ont d’abord travaillé une réponse architecturale plus qu’une adéquation à des principes pédagogiques. Elle est fondée sur la compacité́, l’inertie permise par le bâti semi enterré, et sur une enveloppe très fermée. Ils créent un volume extérieur simple où la lumière vient principalement de verrières de patios. Il s’agit donc d’une recherche tout-à-fait différente de la réflexion sur l’orientation préférentielle de la construction alors en cours pour l’habitat individuel et les maisons solaires, ce qui séduit le jury de la ville nouvelle qui prévoit une livraison pour septembre 1984. L’édifice établit une relation claire entre structure porteuse et structure de remplissage. Chaque fonction est satisfaite par un matériau différent : éléments porteurs en béton brut de décoffrage et remplissages par panneaux menuisés en red cedar. Cette matérialité vue et le processus d’excavation dans le terrain peuvent être lus en tant que réaction au dessin institutionnel voisin de l’ensemble Bofill-Taller de Arquitectura pour des logements. Très largement publiée, la réalisation obtient immédiatement un écho, par sa rigueur conceptuelle, son rationalisme constructif et la référence à Louis Kahn. Malgré la fermeture de l’école en 2002 et quelques remaniements, l’édifice a conservé tout son caractère précurseur et ses atouts formels et volumiques.
2022
Public
2022
DRAC IDF et ENSA Paris-Belleville, chaire d’enseignement et de recherche PEPS Patrimoine Expérimentation Projets : étudiants du DSA Architecture et Patrimoine, sous la dir. de Pierre Gommier