Urbanisme et espaces aménagés ; secteur urbain ; secteur urbain concerté ; lotissement
Résidence Cergy 7
Île-de-France ; Val-d'Oise (95) ; Cergy ; 7 rue de Vauréal
Vauréal (rue de) 7
AH 518 ; AH 520 ; AH 521 ; AH 527 ; AH 51
20e siècle
20e siècle
1975 - 1976
Extrait de l’interview de l’architecte Georges Pencreac’h, 7 juillet 2020, Cergy 7 : « J’en reviens au 2e élément intéressant de cette opération : comment elle a été montée. À l’origine, c’est en 1971-72, il y a un certain nombre de personnes qui travaillent dans la ville nouvelle de Cergy, des architectes, des ingénieurs, des urbanistes, des programmateurs… on est beaucoup à avoir 30-35 ans, entre 30 et 40 ans, mariés, deux enfants, c’est le couple moyen de français de cet âge-là, et on cherche à se loger… et puis la ville… il n’y a pas beaucoup de logements puisque la ville n’est pas construite, là, ce sont des champs. Les premiers logements se mettent à se construire, ce ne sont que des HLM, des logements sociaux et on n’a pas le droit à cela, car on gagne un peu plus que le plafond et il y a quelques promoteurs qui lancent des opérations de promotion libres, et ce sont vraiment des promotions « mauvaises », on n’aurait jamais acheté un truc comme cela et on n’est pas les seuls alors on se dit ce n’est pas possible, on a envie de se loger et on ne trouve pas à se loger ! L’idée était de dire « on va construire ». En fait, l’idée est née entre deux personnes, Jean Claude Menighetti avec qui je travaille sur le centre culturel et administratif que vous connaissez et dont je suis l’architecte ; et on travaille tous les deux ensemble et un beau jour, on se dit, quand même, on devrait monter une opération immobilière. Ce serait bien qu’on trouve un terrain et qu’on essaye de trouver quelques personnes et puis on monte un truc… pas des maisons individuelles, on monte une opération collective ! Il avait ramené l’idée : il avait fait un voyage d’étude au Canada où il avait vu ce genre de chose se faire. Alors, finalement, on en parle autour de nous et puis on rassemble… au sein de l’établissement public, tout d’abord : un ingénieur, qui s’appelait Jean Argoud, quelqu’un de la cellule travaux qui s’appelait Mariani et qui était un économiste du bâtiment, et puis un copain à lui qui était inspecteur des impôts. On avait un programmateur, un architecte, un ingénieur, un économiste du bâtiment, un inspecteur des impôts. On cherche un terrain, on va voir d’abord le directeur de la ville nouvelle qui ne veut pas nous donner un terrain car il craignait que cela fasse conflit d’intérêt et qu’on lui reproche d’avoir cédé un terrain à des gens qui étaient ses salariés, et il nous dit « faîtes ce que vous voulez mais en dehors du périmètre de la ville nouvelle », or en dehors de ce périmètre c’était le périmètre du village, qui était hors ville nouvelle, et on trouve cela. Et cela, ça partait comme un lotissement. Il y avait un géomètre qui avait fait une route au milieu et deux parcelles d’un côté, trois de l’autre : il y avait cinq parcelles… alors on voit ce truc là et on se dit si on achète le tout sans qu’il y ait la route (il avait fait prévoir une route avec une raquette au bout là), on a le terrain pour moins cher car il n’était pas aménagé et on s’aperçoit que l’on peut faire… 7 maisons. Donc on dit on va essayer de faire 7 maisons ! Alors je commence à faire des esquisses et puis ça, ce sont des esquisses qui datent de 1972 et ça aussi. Au départ, il y avait des verrières partout ! Cela c’est une des premières coupes, du tout début 1973, et on cherche deux autres participants et alors, on trouve mon copain Michel Gaillard, deuxième architecte qui ensuite va travailler sur l’opération, qui venait d’intégrer l’établissement public, et un animateur socioculturel, donc, on complète l’équipe et l’on commence à travailler. Alors, les trois techniciens évidemment s’occupent de la technique, architecture, mais aussi… pour les ingénieurs il a fallu faire tous les plans structure. L’économiste du bâtiment a fait des descriptifs, et les autres, ceux qui n’étaient pas techniciens ont commencé à monter la chose du point de vue administratif, et l’on a créé une société coopérative de construction-vente, structure qui venait juste d’acquérir une réalité juridique, On a été l’un des premiers a utilisé ce truc-là, c’est-à-dire une société qui se substituait à un promoteur, donc une société coopérative, qui présentait un groupe d’individus qui se chargeait de réaliser une opération, et qui se dissolvait une fois que l’opération était terminée. Et qui pendant l’opération était le maître d’ouvrage ! Les différents participants mettaient de l’argent : il y avait des appels de fonds tous les mois pour payer les entreprises mais chacun faisait un prêt individuel, payait les entreprises à travers cette société coopérative, qui à la fin des travaux, les travaux étant réceptionnés, se dissolvait et cela se transformait en une copropriété traditionnelle. On a mis en place cette structure juridique qui a été gérée par l’inspecteur des impôts et le programmateur, Jean Claude, qui était un peu l’âme de cette chose-là, l’animateur, et ça a merveilleusement marché… mais le chantier a été très compliqué parce que mine de rien vous avez un nombre de niveaux et de demi-niveaux ! (…). Tous les habitants, à part deux familles, ont changé, évidemment. Nous sommes les seuls, plus une, (…), et puis tous les autres sont partis, parce qu’ils sont tous retraités (…) Maintenant il y a des couples qui ont 35 ans qui ont des enfants grands comme cela, d’autres qui ont 50 ans. Il y en a qui ont l’âge de nos petits-enfants, d’autres qui ont l’âge des enfants, etc.,.. la pyramide des âges est comme cela ! Et cela fonctionne très bien ! On fait des assemblées générales dans le jardin, (…) j’ai un cahier des charges, je l’ai fait voter en assemblée. »
Extrait de l’interview de l’architecte Georges Pencreac’h, 7 juillet 2020, Cergy 7 : « On avait au départ 3500 m2, avec une règle de construction très simple : 500m2 par maison. Cela faisait 7 maisons, on a construit 7 maisons ! Ce qui donne aussi la largeur : puisque je disposais, compte tenu des reculs entre les mitoyens, de 42 m pour faire sept maisons, donc, cela faisait 6 m chacune. Bon en les mettant comme cela [implantation partiellement en quinconce], cela faisait 6,30 m. Alors, comment sont composées ces maisons ? C’est composé avec ce principe de demi-niveau qui fait que toutes les pièces regardent [geste vers l’extérieur] ; vous verrez… vous voyez d’ailleurs, ce n’est que de la verdure puisqu’on a un terrain qui arrive sur un chemin piéton au-delà duquel il s’agit d’une zone naturelle protégée (…). Disons que globalement c’est quand même de la verdure et alors il y a l’Oise après et puis la base de loisirs donc c’est un terrain quand même assez privilégié. Donc la composition des maisons ensuite… on est sur une composition de trame (…). Cela fait théoriquement sept trames de 90 cm. Vous avez une trame centrale qui est le système de l’escalier, ce que l’on a vu en entrant, et de chaque côté vous avez trois trames de 90 cm, cela fait 2,70 m : c’est une largeur de chambre. Quand l’escalier se retourne [montre le plan], parce que là il descend et va se retourner pour monter, il reste ici [sur le côté] deux trames, cela fait 1,80 m théorique : ce sont les pièces de services, salle de bain, wc, laverie, fond de cuisine. Quand l’escalier dégage quatre trames, cela fait le séjour. Là on a quatre trames c’est-à-dire 3,60 m théoriques, il reste 3,40 m libres, ou une grande chambre qui est la chambre parentale qui fait aussi 3,40 m de largeur. Toutes les maisons obéissent à ce principe-là. Et puis toutes les maisons obéissent au principe : on descend d’1,60 m, et on monte 1 m… et ensuite, vous avez, dans ce sens ci [subdivision de la longueur] une trame fixe qui fait 4,05 m (je ne sais pas pourquoi d’ailleurs, je ne me rappelle plus !) et puis vous avez 1,50 m qui est une trame… disons… soft, qui peut être gagnée soit par un demi-niveau, soit par l’autre. Évidemment quand je gagne ici [montre le demi-niveau du haut], je ne peux pas avancer celui-là ou celui-ci [montre les demi-niveaux supérieurs et inférieurs à celui précédemment désigné]. Si bien que vous avez par exemple dans cette maison, la mezzanine et ce vide-là. Ici vous avez une chose qui se passe… un vide comme cela. Mais vous avez des maisons, il y a une maison où ici… c’est bouché [montre le niveau de la mezzanine] et ici c’est un vide [montre le sol]. C’est-à-dire que la pièce [séjour] au lieu de monter ici, elle descend. Cela était, par exemple, un choix qui était laissé aux futurs acquéreurs. Il y a une espèce de système extrêmement rigoureux qui fait que vous avez la place des escaliers, la place des pièces humides etc, qui est donnée et puis vous avez des choses qui sont au choix. On peut avoir une fermeture ici, une ouverture là, on peut avoir deux salles de bain ou une salle de bain ici à cet étage, et une autre à l’autre étage, par exemple, etc. mais c’est toujours sur la trame humide, celle qui te permets d’avoir des pièces d’1,80 m, donc à partir d’un système, disons, rigoureux. Il y avait beaucoup de possibilité d’aménagement et chacun a aménagé des maisons, évidemment, qui se ressemblent dans l’organisation interne mais qui sont différentes, sans parler de chacun…(…). [Le terrain] est en pente comme cela mais c’est très bien adapté : la route suit le terrain naturel alors après évidemment il y a des petites plateformes avec… quand vous voyez le truc [montre le plan masse d’ensemble] ! J’aime bien ces plans car je les ai redessinés après coup,… le plan 3, le plan 4… le plan 5… (…). Les couleurs correspondent au même niveau alors vous avez le niveau des chambres, ici, qui sont les chambres de mes filles tout en haut, qui correspond à l’entrée de cette maison-ci [montre la maison de l’autre extrémité de l’opération], et, à l’entrée de cette maison-là [au milieu], cela c’est sur le même plan et c’est le plan de la partie la plus haute de la maison… c’est marrant de voir cela. Les couleurs jaune clair, c’est aussi les mêmes plans et cela [gris], ce sont les caves. Cela a donné des complications de niveaux avec des escaliers partout, enfin… On a réussi quand même à le sortir avec une petite entreprise, des maçons ivres du matin au soir, c’était incroyable [rire] et alors celle-ci qui est la mienne (elles n’ont pas toutes le même genre de détails mais je peux vous montrer) a des détails particuliers, des joints creux, des huisseries en bois spécifiques, des gorges de part et d’autre de l’escalier, un sol en liège que je n’arrive pas à remplacer parce que je ne trouve absolument pas le liège que j’aimerais mettre à la place (…). Là on est donc passé dans la pièce de vie. Certaines maisons ont la cuisine qui peut s’isoler du séjour par un grand panneau coulissant comme cela qui reste toujours ouvert d’ailleurs, vous avez la cuisine, que j’ai dessinée également. Vous avez accès à une cave, je vous montre car c’est intéressant. La cave c’est juste 4 marches, et vous avez 30 m2 de cave qui est très directement liée à l’arrière de la cuisine. On ne descend pas d’un mètre car la cave n’a que 2,20 m de hauteur sous plafond donc on descend beaucoup moins. Les cuisines donnent directement sur une petite terrasse qui elle est au niveau de la pièce basse de la maison voisine, et je vais avoir encore dans le bas un bout de jardin privatif qui va communiquer avec le grand jardin collectif : une des données de base de la chose est il y a propriété individuelle de chaque maison avec l’équivalent d’une pièce extérieure, et tout le reste du terrain est un terrain commun. On dispose de 3000 m2 de jardin. (…). Le séjour : vous pouvez monter si vous voulez [depuis l’estrade supérieure], on voit le phénomène, là ce sont des gradins, pendant 40 ans on n’avait pas les marches intermédiaires, On a un âge où cela devient difficile ! Toutes les œuvres qui sont là ont été faites pendant les deux mois de confinement, c’est mon dernier travail de peintre. Je devais faire une expo au carreau de Cergy, une grande expo précisément… au mois d’avril 2020… expo qui s’est trouvée reportée, je pense à l’année prochaine. Elle va se faire : elle est toute prête. Toutes mes choses sont emballées. Ici ce sont mes tout derniers travaux. (…). [Montre le joint creux le long du chambranle de porte], le plâtre a été tiré sur de la brique plâtrière, car là il y avait une baguette en bois qui a été enlevée, alors cela ne se fait plus, attention, c’est monument historique ! C’est infaisable, (…) il y a 40ans, on trouvait encore, on trouvait des mecs, regardez par exemple les nez-de-marches en chêne, ils ont été scellés dans les marches en béton par un type qui les a parfaitement alignés, à 5 mm en dessous du plat, de façon qu’ils viennent pile à fleur avec le liège dans le plan horizontal comme dans le plan vertical. Je vous fais remarquer aussi l’escalier qui est posé sur deux tubes noirs, il ne repose ni sur la dalle du bas ni sur le plancher du haut, cela veut dire qu’il y a des mecs qui ont scellé ces deux tubes au millimètre, dans la maçonnerie, et on a ensuite posé l’escalier en chêne, que je peux soulever d’ailleurs, il n’est pas du tout fixé, et qui va dans les chambres du haut. [dans la chambre parentale, baie ouverte] Vous n’avez pas de relevé d’étanchéité, le coffre est dans le plan et vous n’avez pas de retombée, au contraire… vous avez un creux, et ce creux sert à cacher la surépaisseur des rails de rideaux. C’est incroyablement sioux comme détail, parce que cela [montre le plafond de tableau de baie] est une plaque de contreplaqué avec une isolation au-dessus évidemment. Toutes ces fenêtres sont neuves, ce ne sont pas les fenêtres d’origine, à l’origine c’était de l’acier, c’était du T à même. Alors cette chambre a été refaite car avant elle était beaucoup plus complexe que cela, le lit était sur une estrade (…).
Issue d’une coopérative de construction-vente, l’opération des maisons en bande Cergy 7 est l’exemple le plus abouti d’innovation en termes d’habitat réunissant les qualités du logement collectif et du logement individuel en lisière du périmètre de la ville nouvelle de Cergy. L’architecte Georges Pencreac’h y expérimente la démultiplication des niveaux dans la pente grâce à une trame rigoureuse recoupée par des demi-niveaux et une respiration intermédiaire toute hauteur. Le jeu de masses et de volumes géométriques extérieurs simples ne laisse pas présager de l’inventivité du parcours extérieur, entièrement tourné sur la nature et la vue sur la boucle de l’Oise grâce à un réglage savant des niveaux de couverture en terrasse. La mise en œuvre des détails, menuiseries et cloisonnements est tout entière tournée vers une fonction oblique tempérée. L’ensemble constitue une alternative remarquable au lotissement, et l’économie de moyen et d’emprise spatiale renouvellent le lieu paysagé autrement que par la seule consommation.
La réalisation d’habitations individuelles sous la forme d’une opération coopérative de maisons en bande, qui a étendu dans le vieux village de Cergy, le champ d’expérimentation architecturale propre à la ville nouvelle située sur le plateau plus au nord. Le parti architectural de maisons à niveaux multiples établies sur une trame rationnelle et créant une expérience sensorielle forte dans le parcours de leur espace intérieur, ponctuée de manière continue par des vues inattendues sur le jardin dans la traversée de volumes différenciés. Une intégration dans la pente en lien direct avec le paysage, instituant une relation privilégiée entre l’habitant et la nature. Le lieu de résidence de plusieurs acteurs dans la création et le développement de la Ville nouvelle, dont l’architecte George Pencreac’h, installé ici depuis son arrivée à Cergy.
2022
Privé
2022
DRAC IDF et ENSA Paris-Belleville, chaire d’enseignement et de recherche PEPS Patrimoine Expérimentation Projets : étudiants du DSA Architecture et Patrimoine, sous la dir. de Pierre Gommier