Génie civil ; ouvrage d'art ; ouvrage lié à l'alimentation en eau ; réservoir ; château d'eau
Château d'eau des Hauts-Clos
Grand Est ; Aube (10) ; Troyes ; 10 rue de la Marne ; rue Louis-le-Clert
Marne (rue de la) 10 ; Louis-le-Clert (rue)
000 CP 316
20e siècle
20e siècle
1970
Ouvrage de génie civil de première importance pour la population troyenne et fleuron du patrimoine architectural contemporain de la capitale auboise, le réservoir surélevé du lieu-dit les Hauts-Clos est édifié en 1969-1970 dans le quartier des Chartreux, en complément et à proximité immédiate d’un réservoir semi-enterré de 30 000 mètres cubes construit en 1896 – qui assurait la distribution d’eau dans le centre de Troyes, la commune de Saint-André-les-Vergers et des Noës-près-Troyes. Le mémoire dressé le 28 août 1964 par l’Ingénieur des ponts et chaussées Georges Périsse et cosigné par l’ingénieur en chef Bontron, définit les premiers contours du programme de renforcement du réseau d’alimentation en eau potable de l’agglomération, dont il résume les enjeux et objectifs : suppléer immédiatement et durablement au premier réservoir du quartier des Hauts-Clos aménagé à la fin du siècle précédent. Depuis l’époque gallo-romaine, les Troyens bénéficient du captage de l’eau de la Seine et de ses affluents, déjà source de problèmes liés aux difficultés de gestion et à l’impureté de l’eau entraînant diverses maladies. L’avènement de l’ère industrielle et l’augmentation de la population au milieu du XIXe siècle donnent lieu à l’ouverture et l’exploitation de nouvelles sources situées à une quarantaine de kilomètres de Troyes (Servigny et Jully) en complément de celles dépendant de la dérivation et du captage des eaux séquanaises, et à la construction du premier réservoir des Hauts-Clos. Après la seconde Guerre mondiale, la nouvelle augmentation de la population troyenne (constatée sur la foi des recensements réalisés en 1954 et 1962) et l’extension de la ville font craindre un tarissement de l’approvisionnement dans la zone d’influence des Hauts-Clos : c’est pourquoi, en complément de la mise en place des puits de captage de Courgerennes au sud de Troyes entre 1946 et 1967, est décidée la construction du réservoir complémentaire des Hauts-Clos à proximité immédiate du premier, destiné à assurer l’approvisionnement des quartiers nouveaux de la ville et des communes limitrophes situées au-dessus de la cote NGF (nivellement général de la France), où il se situe, en plus de sa zone habituelle en contrebas. Une équipe d’ingénieurs (l’ingénieur des travaux publics de l’Etat D. Leclerc ; l’ingénieur des ponts et chaussées Georges Périsse et le directeur départemental de l’équipement désigné comme ingénieur en chef, A. Dosnon) est réunie autour de l’architecte Claude Le Cœur, qui travaille dans le courant de l’année 1967 jusqu’au début de l’année 1968 à la recomposition du réservoir existant. Chargé d’établir le plan masse de l’ensemble devant inclure un jardin public, il réalise de nombreuses propositions pour la création du nouveau réservoir surélevé, avec sa station de pompage (situés du côté de l’hôpital Simone-Veil) et sa salle de manœuvre baptisée « le kiosque », réalisée au bout de la perspective de la plateforme semienterrée, au bord de l’avenue Edouard-Herriot. A partir des dispositions architecturales définies par les dessins de l’architecte, un concours est prévu pour la conception des cuves, le mode de construction de leurs parois et coupoles ainsi que leur revêtement d’étanchéité. L’avantprojet, qui comprend les installations électromécaniques, est présenté en mars 1968, la station de reprise (ou de pompage) faisant l’objet d’un autre projet définitif. Le château d’eau est mis en service en 1970. Il vient de bénéficier d’une vaste opération de réhabilitation (2019-2021) dont la régie a été assurée par le SDDEA (Syndicat départemental des Distributions d’Eau de l’Aube), dans le cadre du Programme pluriannuel d’Investissement du COPE-Territoire Troyes.
Le quartier des Hauts-Clos se situe dans la périphérie sud-ouest de Troyes, entre Saint-Andréles – Vergers et Saint-Julien-les-Villas, près de la limite avec la commune de Rosières-près-Troyes. Avec le quartier voisin des Chartreux, les Hauts et Bas-Clos entament leur urbanisation à partir des années 1950 autour de l’hôpital des Hauts-Clos édifié à partir de 1932. C’est dans cette zone, où se développent plusieurs opérations de logements au cours des Trente Glorieuses, que le nouveau château d’eau doit venir suppléer à l’ancien réservoir devenu insuffisant – et sur lequel il a fallu installer des surpresseurs pour alimenter les quartiers hauts nouvellement sortis de terre. Claude Le Cœur élabore diverses solutions d’aménagement (en suggérant notamment une composition générale dissymétrique par rapport à l’axe principal du premier réservoir) et propose de nombreux dessins pour le château d’eau (structure évasée, parois des cuves arrondies – évoquant une soucoupe volante, etc.). Il opte finalement pour une composition d’ensemble symétrique dans l’alignement entre le milieu du mur de contrebutement ancien du premier réservoir construit sur l’avenue Edouard-Herriot et le nouveau château d’eau. Pour ce dernier, il conçoit une structure à profil droit sur plan circulaire reposant sur une série de six piliers de hauteurs variables, qui dépassent celles des cuves. Il en résulte un ouvrage monumental (culminant à 65 mètres) rythmé et animé, et dont la rotondité contraste avec la sobriété des autres composantes de l’ensemble (station de pompage et édicule élevé à l’emplacement de l’ancien kiosque). Un trop-plein complète l’ensemble. Le nouveau dispositif formé du château d’eau et de la station de pompage dissimule un important système de canalisations, robinetterie, vannes, accessoires de pompage et appareillages électriques. Le rez-de-chaussée de la station de pompage, en contrebas de la bute de l’ancien réservoir, abrite les vannes tandis qu’à l’étage est installé un bureau de contrôle. Le château d’eau, dont le poids atteint 14 000 tonnes, est composé de deux cuves concentriques (dont l’étanchéité intérieure est assurée par l’apposition d’une couche de film plastique) pouvant chacune contenir 3 000 mètres cubes. Cette configuration autour d’un même centre formant une galerie périphérique permet de faciliter les contrôles techniques. Les cuves sont revêtues, à l’extérieur, d’une paroi circulaire unique en forme de cylindre orné d’une ceinture et d’une série de cannelures verticales sur tout le pourtour du réservoir, qui repose sur une dalle de béton armé. Les six piliers colossaux qui s’imbriquent dans la masse formée par le réservoir, reposent directement sur cette dalle. Ils sont composés de deux parois parallèles en béton armé, que relient entre eux les panneaux de béton préfabriqué et les menuiseries des ouvertures et dont l’axe principal se cale sur le diamètre du plan dans lequel s’inscrit l’ensemble. A la base de ces supports sont ménagées des portes métalliques. Une rampe circulaire située au niveau du plancher haut de l’ancien réservoir complète les circulations vers les cuves hautes via les piliers ; elle est reliée à la station de pompage, ellemême accessible par deux rampes latérales symétriques depuis la plateforme des anciennes cuves. Éléments de maintien jouant un rôle de premier ordre dans la composition du château d’eau, les piliers qui comportent des ouvertures garnies de vitrages semi-opaques de type « Altuglas ® », renferment différents éléments : deux d’entre eux permettent de loger les tuyaux ; un autre comporte une gaine technique ; un quatrième pilier sert de cage pour un ascenseur et les deux derniers, pour des escaliers conçus rampe-sur-rampe par paliers successifs jusqu’au niveau inférieur des cuves, puis en colimaçon jusqu’au sommet de l’édifice couvert par un dôme surbaissé au-dessus duquel se hérissent les extrémités hautes des piliers.
L’intérêt du château d’eau des Hauts-Clos réside en premier lieu dans le haut degré de technicité mis en œuvre pour sa conception. A l’époque de son élaboration, cet ouvrage de génie civil répond efficacement à des besoins immédiats et doit également assurer l’approvisionnement des habitants, de la collectivité et des industries sur le long terme. Le réservoir sert aujourd’hui encore à la population troyenne desservie à l’époque de sa construction, preuve de la réussite de cet ouvrage auquel tout soin est encore apporté pour en assurer la pérennité. L’examen des nombreux projets préparatoires à la construction révèle, outre la qualité de l’exécution technique du château d’eau, le souci esthétique ayant présidé à son dessin. L’emploi d’équipes opérationnelles locales et l’utilisation de matières premières provenant des environs de Troyes témoignent, avec la volonté de concevoir « un bel ouvrage », du degré d’exigence de ses concepteurs. La mise en lumière récente (en 2007) de l’ensemble formé par les deux réservoirs et leurs structures annexes par l’agence L’acte lumière de Jean-Yves Soetinck – qui met en place une ondulation de teintes froides bleu vert et cyan et des halos complémentaires pour accompagner les piliers structures – souligne l’importance accordée à un ouvrage qui, bien que revêtu d’une vocation utilitaire de premier ordre, n’en constitue pas moins une œuvre d’architecture à part entière. Le soin apporté à la restauration récente (2019-2021) de l’ensemble, comprenant également ses parties paysagères, par la réfection des enduits blancs, bleu clair et foncé, mérite que le focus soit fait sur la silhouette haute et futuriste du château d’eau des Hauts-Clos.
2023
Public
2023
La Manufacture du patrimoine - HAME - Olivier Mathiotte, 2021