Architecture domestique ; édifice domestique ; demeure ; immeuble à logements
Immeuble de logements L'européen
Grand Est ; Moselle (57) ; Thionville ; 2 boulevard Robert Schumann
Robert Schumann (boulevard) 2
Section 15 parcelles 0011
20e siècle
20e siècle
1961 ; 1963
Né à Rome en 1924, Lanfranco Virgili cumule ses activités d’architecte DPLG et d’urbaniste SFU avec l’enseignement (Paris et Louvain), et la présidence de la Société française des urbanistes (1970-1979) et de l’Association internationale des urbanistes. Une grande part de son activité est toutefois orientée vers la région lorraine. Il réalise les plans directeurs d’urbanisme de la région de Verdun et de Bar-le-Duc, les schémas directeurs d’aménagement et d’urbanisme du nord de la métropole lorraine et de la vallée de l’Ornain en Meuse, et est architecte en chef de l’aménagement du secteur de la côte Sainte-Catherine à Bar-le-Duc. C’est une figure internationale qui est consultant pour la région de Stockholm et la ville de Venise. À Thionville, Virgili réalise le foyer du progrès agricole, la place Turenne et il est l’architecte en chef du quartier Saint-Pierre, sur lequel intervient également Jean Dubuisson. Sa réalisation la plus remarquable dans la commune reste la construction de l’Européen. Le projet du foyer du progrès agricole présente une application complète du modulor dans sa conception. Ce travail au modulor fait suite à sa collaboration avec Le Corbusier lors du concours pour l’hôpital de Venise.
La commande du bâtiment L’Européen a été passée à l’architecte Lanfranco Virgili au cours de l’année 1959, sur un terrain en friche au centre de Thionville. Ce terrain, acquis par la ville de Thionville, mais initialement propriété de l’armée puis de la SNCF, comportait l’ancien grenier militaire. Le terrain se trouve à un emplacement stratégique, au croisement de la Moselle et du Pont des alliés, et fait face à l’hôtel de Ville. Les dimensions globales de la construction sont de 43 m de long, 14 m de large et 45 m de hauteur. L’édifice se situe juste sous la limite d’un bâtiment dit de grande hauteur, mais reste toutefois l’édifice le plus haut de Thionville. Il est composé de deux niveaux souterrains, d’un rez-de-chaussée en double hauteur sur pilotis (4,60 m sous plafond), de quinze étages, et d’un attique en retrait surmonté d’une toiture technique. La structure porteuse est en béton ; elle propose des pilotis en rez-de-chaussée et des murs de refends aux étages, sur une trame alternée de 2,80 et 3,5 m. Le hall d’entrée accueille deux ascenseurs, qui desservent l’ensemble des logements. Deux escaliers situés aux deux extrémités du bâtiment complètent ces circulations verticales et permettent un accès direct depuis l’extérieur. Le programme se décompose de la manière suivante : ─ 2 niveaux de sous-sol et garages ─ Le RDC est occupé par le hall et les accès aux étages ─ Les deux premiers étages par des bureaux ─ Les douze étages suivants sont basés sur un plan type composé de 4 logements de type T2 et de 4 logements de type T3 ─ Le niveau quinze est quant à lui composé de 4 logements de type T5 ; ─ Le niveau seize, en retrait, est composé de petits logements avec terrasse (à l’origine : 3 studios et 2 appartements 2 pièces). Il a hébergé dans les années 1980 un studio de radio, radio GSB ancêtre de RTL2. Le local syndical de la copropriété se trouve également à cet étage et offre une terrasse de 60 m² face au centre historique de Thionville et ses alentours. ─ Le niveau 17 abrite les éléments techniques. Le nombre total de logement était de 125 à l’origine ; il est de 120 unités à ce jour. Les avantages fiscaux et les facilités d’accès à la propriété mis en avant dans les campagnes de promotion ont permis un réel succès pour la vente des logements. La brochure de vente de l’époque fait état de logements standards de grand confort qui intègrent toutes la modernité possible de l’époque. Un second lot est prévu en sous-sol, mais il semble avoir été plus difficile de trouver un programme commercial. Il reçoit finalement la construction d’un Café-Bowling avec terrasse donnant sur la Moselle, qui cessera son activité et se verra finalement réaffecté en logement au milieu des années 2000. La construction est posée sur un niveau de pilotis. Ces pilotis massifs en béton sont profilés par la mise en place d’un coffrage travaillé. Ils supportent une dalle qui se prolonge en longueur et en porte-à-faux sur plus de 4,50 m. Le coffrage a pu être retiré dès la prise effective du béton du 3e étage. Le mur-rideau utilisé présente une des principales spécificités techniques de l’édifice. Sa structure primaire est constituée d’éléments métalliques. Il est composé d’une sous-structure en bois et recouverte de tôle cannelée d’acier inoxydable. L’acier inoxydable a été traité pour en assurer sa brillance dans le temps et place ainsi l’édifice comme un édifice unique dans le paysage de Thionville. Analyse architecturale La référence corbuséenne L’édifice s’inscrit dans le courant du Mouvement moderne et reprend notamment certains des 5 points de l’architecture moderne édictés par Le Corbusier. Il s’agit en particulier des pilotis, au nombre de 22, qui sont répartis sur deux rangées porteuses. Ces pilotis de béton armé sont finement dessinés : profilés sur leurs hauteurs, l’embase est plus fine que la partie haute et renforce la légèreté de l’ensemble. Le béton a subi un ponçage de surface et laisse apparaître les granulats de types concassés noirs. Le système constructif permet d’offrir aux appartements un lien direct vers l’extérieur par ses grandes baies vitrées. La façade-rideau : La façade présente un intérêt particulier en raison de son traitement de type mur-rideau. Ce principe de façade légère et préfabriquée, non porteuse, permet la mise en œuvre d’une façade soignée. Le traitement des découpages est identique sur la totalité de l’immeuble, et traduit la répétitivité des plateaux de logement dont résulte l’esthétique de la façade. A partir du matériau métal, l’architecte propose une façade plane, mais composée d’éléments aux aspects de surfaces différenciés, alternant les lignes horizontales et verticales, les surfaces lisses ou striées. Cette façade est la caractéristique principale et remarquable de l’édifice et permet l’identification immédiate de l’immeuble. L’Européen fait ainsi partie des rares immeubles d’habitation de cette époque en Lorraine à posséder une telle façade. Qualité de la séquence d’entrée et du hall : L’accès à l’entrée depuis le boulevard Schuman se fait via un parvis entièrement minéral d’une grande dimension du fait du recul du bâtiment par rapport à la rue. Le traitement du sol extérieur en pierre blanche vers le hall d’entrée en pierre naturelle renforce le caractère noble de la séquence d’entrée. L’espace d’entrée central en double hauteur et son plafond bleu ciel donne accès aux ascenseurs et à la loge de la conciergerie. L’ensemble est très lumineux et ouvert sur l’extérieur. Tout en transparence, le hall invite ainsi à la déambulation. La loge du concierge au rez-de-chaussée permettait le stationnement des poussettes. Depuis cette loge, un escalier privé mène vers le logement du concierge qui se trouve être le seul logement à ce niveau, construit entre les pilotis. Ce volumineux hall d’entrée héberge les boîtes à lettres, qui sont originalement réalisées sous la forme de deux meubles indépendants. Une tour : Les tours de cette qualité et présentant un mur-rideau similaire, sont relativement rares dans la région lorraine à cette époque. On peut rapprocher l’Européen de l’immeuble Joffre Saint-Thiébaut à Nancy, réalisé par Henri Prouvé entre 1960 et 1963, mais aussi avec les réalisations de Jean Dubuisson.
2024
Privé
2023