Étang
Mares de Routot
Normandie ; Eure (27) ; Routot ; de l'Orme (rue) ; des Tasseaux (rue) ; des Bérangers (rue)
Pays du Roumois ; Routot
Tasseaux (Les) ; Criquet (Le) ; Mont-Rachet (Le)
De l'Orme (rue) ; des Tasseaux (rue) ; des Bérangers (rue)
En village
15 repérées
Moyen Age ; Temps modernes ; Epoque contemporaine
L'absence de rivières et de sources à proximité de la commune est un handicap que Routot ne surmontera qu'avec moult difficultés. Les mares et les citernes installées dans chaque cour pallient seules cette carence sous l'Ancien Régime, car la nappe phréatique est beaucoup trop profonde pour forer des puits sans le recours de moyens modernes.La plus célèbre d'entre-elles est la mare du Marché, appelée également mare de l'aînesse Pinchepain, mare aux dominos, ou mare aux double-six. Elle couvrait presque la moitié de la surface de la place du Marché. Emblématique de la commune, elle est aussi le symbole par l'odeur nauséabonde qu'elle dégage souvent, car les eaux de ruissellement du marché s'y déversent, des détritus de toute sorte y sont jetés. A la fin du 19e siècle, elle est réduite de moitié pour permettre la construction de la nouvelle halle aux grains. Elle disparaît définitivement en 1925 lors de la construction du réservoir municipal. La surface restant libre est comblée par les pierres.Dans la seconde moitié du 19e siècle, une attention particulière est portée aux mares communales dont l'eau constitue un bien précieux pour la communauté des habitants. La question de la propriété des mares est régulièrement source de conflits avec les cultivateurs riverains. Lorsque Stanislas Harel, propriétaire de la ferme de l'Orme, parvient à fournir un titre de propriété pour la mare de l'Orme en 1857, la commune de Routot finit par abandonner sa prétention sur la possession de la mare mais parvient à maintenir le droit d'usage des habitants en invoquant le principe de l'utilité publique : « Ce n’est pas la propriété mais bien l’usage de la mare qui présente quelque utilité pour les habitants. Or, le projet de transaction, en assurant à la commune l’usage à perpétuité de la mare litigieuse et en imposant même à M. Harel la double charge de la curer toutes les fois que ce travail sera utile, et de l’enclore, si l’administration l’exige, en laissant vers la voie publique la place nécessaire pour user de la servitude, le projet de transaction, disons-nous, sauvegarde pleinement les intérêts de la commune et lui fait une position en quelque sorte meilleure que si elle était reconnue propriétaire ». Cet argument est repris par l'avocat chargé de l'étude du dossier de la mare du Clos la même année : « Dans les régions privées de la présence de sources, les mares et autres réservoirs d’eaux pluviales, présentent la même utilité et sont tout aussi indispensables… ». En 1870, la commune de Routot reconnaît à M. Grouard la propriété de la mare des Tasseaux à condition que celui-ci s'empêche de réaliser « tous travaux qui pourraient diminuer la capacité de la mare ou altérer la salubrité de ses eaux ». En effet, les cultivateurs sont parfois tentés de combler ou de réduire l'étendue des mares pour accroître leur surface de terres (cas de la mare de Beaulieu en 1855). Les communes font alors appel à l'agent-voyer communal ou à un géomètre expert pour délimiter et placer des bornes autour des mares communales ou encore pour vérifier la présence de bornes et déterminer leur contenance (cas de la mare Gras). En 1876, dans le cadre de la transaction passée avec M. Rouland, cultivateur à Routot, les maires de Routot et d'Eturqueraye font appel M. David pour borner la mare des Crottes placée à a cheval sur les deux communes. La vente des boues de curage représentant une source de revenu non négligeable, l'entretien de la mare et l'enlèvement des boues reste parfois à la charge de la commune. Plus rarement, la commune peut exproprier une mare privée pour cause d'utilité publique comme c'est le cas en 1870 pour la mare du fonds des Romains. L'identification des réseaux de mares, de même que l'entretien et la restauration des mares de plateau comme réservoirs de biodiversité, fait partie des orientations de la charte du Parc naturel régional des Boucles de la Seine normande (2013-2025). À ce titre, des chantiers de restauration sont menés chaque année en collaboration avec les municipalités et les propriétaires privés volontaires. En 2018, ? mares ont été restaurées dont ? communales. En 2020, ? mares ont été restaurées dont ? communales. En 2021, ? nouveaux chantiers sont programmés.
Le plateau du Roumois a la particularité de n'être traversé par aucun cours d'eau. Sur les hauteurs du plateau, la couche géologique de craie et de silex, d'âge secondaire, est masquée par une couverture de limons qui offre à l'agriculture des sols profonds. Pour avoir accès à l'eau, l'Homme a creusé des mares dans ces couches rendues imperméables. Avant l'arrivée de l'eau courante, les mares jouent un rôle essentiel pour les hommes et le bétail. Chaque mare assure une fonction spécifique. Au quotidien, elles servent à puiser l’eau domestique, pour faire la vaisselle, la cuisine, la toilette et la lessive et, mélangée au cidre, à fabriquer la « boisson ». La présence de poissons dans la mare en fait une réserve alimentaire appelée « vivier ». Certaines permettent l’abreuvement des bêtes, le délassement des chevaux de labour et le nettoyage du matériel agricole. D'autres servent à éteindre les incendies ou contribuent à l’artisanat local en facilitant la séparation des fibres de lin et de chanvre, action communément appelée le « rouissage ». Ces mares, dites « plates » car moins profondes que les autres, sont désignées sous l'appellation de « rotoir ». Pour assurer tous ces usages, elles étaient régulièrement curées et les boues extraites étaient utilisées comme engrais.Leur intérêt écologique et leur rôle de régulation hydrologique sont aujourd’hui reconnus. Situées sur des axes de ruissellement, les mares permettent d'éponger les surplus des précipitations et de restituer l'eau en cas de sécheresse. L'entretien des mares participe de la préservation du paysage et du maintien de la qualité du cadre de vie. Enfin, les mares forment entre elles un réseau propice au cycle de vie d'une multitude d'espèces d'amphibiens : tritons (crêté, ponctué, alpestre et palmé), grenouille agile, crapaud commun et grenouille verte.En 2021, les étudiants du BTS Gestion et Protection de la Nature du lycée agricole de Sées ont étudié l'évolution de la répartition géographique des mares du centre-bourg de Routot : « En 1947, on observe une vingtaine de mares qui se concentrent essentiellement en périphérie de la ville, où il y a des prairies, des prairies arborées et des vergers. En revanche, en 2016, la majorité de ces mares ont été comblées et on ne retrouve que des zones urbanisées. En effet, un peu plus de la moitié des mares de 1947 ont disparues, remplacées par des habitations. Aujourd’hui, on compte une quinzaine de mares dont 5 qui datent de 1947. Elles sont majoritairement dispersées en périphérie de la ville, seules quelques-unes se trouvent au centre, mais sont de petites tailles ».
2021
(c) Région Normandie - Inventaire général ; (c) Parc naturel Régional des Boucles de la Seine Normande
2021
Chéron Philippe ; Pottier Gaëlle
Dossier collectif
Région Normandie – Service Inventaire du patrimoine