Ensemble fortifié ; batterie ; blockhaus ; casemate ; abri ; poste d'observation ; édifice logistique
Forteresse Brest (Festung Brest)
Bretagne ; Finistère (29) ; Brest
Bretagne Nord
2e quart 20e siècle
1942 ; 1943 ; 1944
Daté par travaux historiques ; daté par travaux historiques ; daté par travaux historiques
Un gigantesque ensemble fortifiéEn 250 ans (1694-1944), la situation défensive du port de Brest ne semble guère avoir évolué : le goulet étant jugé infranchissable grâce à la multitude de batteries de côte et aux barrages, les ingénieurs militaires se sont concentrés sur la défense terrestre de la ville. La véritable nouveauté est le déplacement du centre de gravité vers l’ouest. L’École navale - le ""petit Versailles"" - est préférée à l’antique château de Brest. Le système défensif rayonne autour de la base de sous-marins et la Festung Brest a pour fonction première de la protéger. La zone de protection du U-Bunker comprend l’ancien fort du Portzic, le parc à carburant (Ölberg), l’École navale (Marineschule), le port (U-Boot Hafen) ainsi que la pointe des Espagnols.L’intérêt de rendre efficace la place forte de Brest a très bien été compris par le commandement allemand ; ainsi les fortifications d’agglomération deviennent-elles de parfaits obstacles antichars : l’économie de moyens a rejoint l’économie de temps. Ces fortifications bastionnées constituent une barrière de taille pour les engins blindés alliés. Les portes sont flanquées par des canons de campagne et des mitrailleuses lourdes comme celle du Moulin à Poudre. La ville est protégée par des batteries antiaériennes dispersées en son sein. Nombreuses sont cependant les routes d’accès - voies de pénétration possible - listées en mars 1944 dans les instructions de combat (Kampfanweisung) de la forteresse Brest : la route côtière depuis le pont de Plougastel et les routes venant de Guipavas, Gouesnou, Lambézellec, Guilers et Le Conquet.Si, à l’ouest, les forts détachés de Brest, Portzic, Montbarrey et Keranroux (dernier quart du 18e siècle), constituent des ""bastions"", les forts de Penfeld et de Questel, situés au nord de la ville, sont volontairement rejetés hors du périmètre défensif au profit des hauteurs de la Cavale Blanche situées plus en retrait. À l’est, du côté de Saint-Marc, le fort de Guelmeur (troisième quart du 19e siècle) reprend son rôle de fortification détachée. La Festung n’est pas intra mais extra-muros, à l’ouest de la ville et la Penfeld constitue un deuxième obstacle de choix à l’est et au nord. L’ennemi arrivant par l’est doit ainsi traverser le glacis (et ses premières défenses) avant de franchir l’enceinte, traverser la ville - Brest-même - puis la Penfeld une fois le pont détruit et Recouvrance, avant de franchir les fortifications par l’arrière... À l’ouest, du côté de Plouzané et de la route du Conquet, les Allemands créent une ligne de défense sur un terrain vierge en profitant des avantages topographiques du plateau de Saint-Pierre qui avait vu naître le fort Montbarrey à la fin du 18e siècle et le premier camp retranché de Brest. Les nombreux fossés antichars de la forteresse sont flanqués par des casemates armées de canons, la défense rapprochée est poussée à son maximum avec la construction ou l’aménagement de plusieurs centaines de postes d’observation et de mitrailleuse, bétonnés, dits Tobruk, se flanquant mutuellement.L’arsenal constitue lui-même un ""camp retranché"" dans la ville. La pointe de Portzic (ancien fort et batteries), le parc à carburant et l’École navale constituent un vaste ensemble fortifié dans la Festung. Le but de ces ensembles est le contrôle et l’interdiction des routes qui conduisent à la base de sous-marins. Enfin, celle-ci dispose de sa propre défense rapprochée : batteries antiaériennes (utilisables pour le tir direct), caponnières de défense d’entrée, portes blindées flanquées de casemates, système de ventilation interne, souterrains, poste de secours, etc. La base de sous-marins et les souterrains de l’École navale constituent l’ultime réduit.En réalité, plusieurs lignes de défense se succèdent devant la ville : en premier lieu, la défense lointaine de la Festung, celles des plages en prévision d’un éventuel débarquement allié au nord ou à l’ouest de la ville composée d’une multitude d’ensembles fortifiés regroupés au sein de trois groupes défensifs côtiers de Morlaix (Mo), l’Aber-Wrac’h (A) et de Saint-Renan (Re) - disposés aux points stratégiques du littoral et de l’intérieur, d’obstacles de plage, de batteries de campagne et de batteries lourdes. Au total, ce sont près de 400 ensembles fortifiés qui ont été aménagés sur le littoral, de Perros-Guirec à Plouzané.La deuxième ligne de défense de la Festung Brest établie par les Allemands en 1943 est appelée ""Benoît-Riegel"". Elle s’étire le long de l’Aber-Benoît de la départementale n° 13 à Kersaint-Plabennec et traverse les communes de Plouvien et Plabennec. Cette ligne défensive composée de 46 ensembles fortifiés (Sprengstelle) assure la protection des 28 ponts et gués permettant le franchissement de l’Aber-Benoît. Elle semble composée uniquement de ""fortifications de campagne"" ; en effet, aucun édifice défensif de type Vf (Verstärkt Feldmässiger) ou Tobruk n’a été repéré sur le terrain.La troisième ligne de défense s’étend de la commune de Saint-Pabu au nord avec l’Aber-Benoît, à la commune de Plougastel-Daoulas au sud, s’arrêtant à la rade de Brest. Cette vaste ligne de défense longue d’une quarantaine de kilomètres est composée a minima d’une dizaine d’ensembles fortifiés. Du nord au sud : Tréglonou (manoir de Trouzilit et Penn ar Pont dominant le pont de Tréglonou), Plouvien (le carrefour de Tariec, Bourg-Blanc sur la route départementale n° 52 de Gouesnou vers Plouvien), Plabennec, Guipavas, Plougastel-Daoulas... Chaque ensemble fortifié de cette ligne de défense est constitué d’une position de tirs antichars et de positions d’infanterie : trous d’hommes et tranchées, plus rarement de Tobruk. Un abri de type 501, 502 ou Vf permet d’assurer la protection des soldats en cas de bombardement aérien ou terrestre. Ces ensembles fortifiés ont pour objet l’interdiction du franchissement des ponts et des principaux carrefours menant à la Festung Brest.Après recoupement des archives et un minutieux travail de repérage sur le terrain, nous estimons le nombre minimum d’ensembles fortifiés de la seule Festung Brest à 240 positions. Le nombre moyen de bunker par ensemble fortifié est compris entre 7 et 9.Les ensembles fortifiés se répartissent comme suit :- B1 à 120 : ensembles fortifiés formant une ligne en arc de cercle partant du château de Brest à l’est, passant par les anciennes fortifications du plateau du Bouguen, les forts de Keranroux et Montbarrey jusqu’à la plage de Sainte-Anne du Portzic à l’ouest. Il s’agit principalement de positions de l’armée de terre qui forment la ligne principale de défense Hauptkampflinie de Brest. Le cœur de cette zone est l’École navale et la base de sous-marins.- B211 à 221 : positions détachées (Vorgeschobene Stellungen), à l’est de la ville dans le secteur du faubourg de Paris et de Saint-Marc. Il s’agit de positions de l’armée de terre et de la marine.- B312 à 422 : positions très éclatées sur le terrain à la différence de celles de l’armée de terre ; il s’agit de positions de la marine qui disposent de très nombreuses batteries notamment antiaériennes et de postes de commandement.- B514 à 517 : positions appartenant à l’armée de l’air (Luftwaffe).Par ailleurs, le groupe défensif côtier de Camaret - soit le territoire de la presqu’île de Crozon - codé C ou Cr - compte également plus d’une centaine d’ensembles fortifiés.Un système de commandement très hiérarchiséNumérotation et fonctionnement des points d’appui allemandsLe commandant de la forteresse (Festungskommandant) Brest peut agir directement avec le groupe d’artillerie de l’armée de terre 1162 (Heeres-Artillerie-Abteilung 1162) en cas d’attaque terrestre, maritime ou aérienne. Ce dernier, implanté en B 115 (École navale), contrôle les batteries B 18 (Quéliverzan), B 73 (Saint-Pierre Quilbignon) et sa position B 115, le troisième groupe antiaérien d’artillerie de marine (III. Marine-Flak-Brigaden) et le groupe d’artillerie côtière de marine 262 (Marine-Artillerie-Abteilungen 26) arrivé à Brest fin juin 1940. Le commandant de la forteresse (Festungskommandant) Brest dirige également le point d’appui lourd (Stützpunkt) de la pointe des Espagnols (C 332) et les secteurs est et ouest de la Festung.Le commandant du secteur (Abschnittskommandant) ouest (B 42) contrôle lui-même des sous-ensembles dont les postes de commandement locaux se trouvent en B 17 (au carrefour des rues Anatole-France et de Guilers), B 109 (Stützpunktgruppen Portzic et U-Boot Hafen), B 62 (secteur de Montbarrey) et B 23 (à l’est du fort de Keranroux). De son côté, le commandant du secteur Est (B 27) regroupe des sous-ensembles dirigés depuis les positions B 32 (La Cavale Blanche), B 13 (le plateau du Bouguen), B 4 (l’intra-muros du côté de Brest même), B 2 et B 373 (château de Brest du commandant du port, Hafenkommandant) et contrôle les rives de la Penfeld (Widerstandsnest Gruppe Werft). Chaque Stützpunkt dispose d’un poste de commandement : B109 (Stützpunktgruppen-kommandant Portzic et U-Boot Hafen), B 97 (Portzic), B 109 (Ölberg), B 116 (U-Boot Hafen) et C 332 (Espagnols). Les ensembles B 77 et B 26 sont mentionnés pour le général de réserve de la forteresse.Quelques exemplesSur le terrain à l’ouest de Brest - connu aujourd’hui sous le nom de ligne de défense de Kervaoter - sous le contrôle du poste de commandement local B62 (secteur de Montbarrey : abri de type 610), nous avons pu observer la combinaison suivante concernant la numérotation des bunkers, plus précisément le deuxième numéro qui suit le numéro du point d’appui : un abri de type 502 pour deux groupes soit 12 hommes (B70 / 1) et un abri de type Vf 1a pour 6 hommes (B70 / 2) lui-même situé à proximité de deux postes de tir bétonnés dit Tobruk (type 58c). Les quatre bunkers forment le Widerstandsnest, point d’appui numéroté B70. Légèrement au nord de cette position, l’ensemble B69 comprend également un abri de type 502 (B69 / 1) ainsi qu’une casemate Vf inspiré d’un type 642 pour canon de 47 mm antichars et mitrailleuse lourde. Dans certains cas, seul un abri de type Vf1a, voire deux, est associé à des Tobruk.Le deuxième numéro, celui de la construction (Bauwerk), correspond à la chronologie des travaux de bétonnage d’un ensemble en fonction des priorités logistiques ou défensives. Cette numérotation explicite par ailleurs le fonctionnement des différents bunkers actifs ou passifs entre eux et correspond à l’organigramme de fonctionnement (Gliderung) de la Festung. La pointe du Portzic (Stützpunktgruppen Portzic), regroupe ainsi les ensembles fortifiés de B90 à B112 dont la deuxième numérotation s’échelonne de 1 à 29 au moins. Nous ne savons pas en revanche si les batteries côtières B330-333 et la position de la Luftwaffe B513 sont intégrées à la numérotation puisqu’ils ont d’autres objectifs que la défense terrestre. Un plan des points d’appui du port des sous-marins et de l’école navale (Stützpunkte U-Boot Haffen - Marineschule), signé des compagnies géologiques (Wehrgeologenstelle) et datant de 1943 semble confirmer cette interprétation. Autour de l’École navale (Marineschule) codée B341 - le siège du commandant de forteresse -, le n° 1 (Bauwerk 1) concerne le point d’appui B114, les n° 2 à 6 B115, le n° 7 B116, les n° 8 et 9 sont des défenses rapprochées, les n° 10 et 11 B117, le n° 12 B118, les n° 14 à 16 B119, le n° 17 B113 et tout proches les n° 18 (au sud) et 19 (au nord), le n° 20 correspond à la casemate située en B75 (carrefour des Quatre-Pompes) qui se voit également dotée d’un abri de grandes dimensions de type 128, le n° 21 B342, et le n° 22 assurent la défense rapprochée de la base de U-Boot, le n° 23 s’ajoute à l’ensemble B115, le n° 24 B343, le n° 25 en défense rapprochée de la base, le n° 26 identifié sur le terrain comme un Tobruk pour lance-flammes complète l’ensemble B75. Les n° 27, 28 et 29 sont positionnés sur la base de sous-marins et semblent correspondre aux tours de Flak, enfin les n° 30 et 31, respectivement B121 et B119, assurent sa défense rapprochée depuis le plateau de l’École navale. À noter que l’ensemble fortifié B120, suite logique dans l’ensemble qui nous intéresse, se situe en réalité au Polygone (situé à proximité du collège des Quatre-Vents, autrefois caserne du Polygone) : il s’agit d’un poste d’observation où subsiste encore aujourd’hui une cloche blindée de type 486 P2.Une observation plus fine permet de donner l’ordre de construction suivant les plans-types et par voie de conséquence permet de comprendre les priorités de l’état-major allemand. Premièrement, défendre le front terrestre, la gorge de l’École navale à l’aide de Tobruk classiques pour mitrailleuse (type 58c) et pour lance-flammes (type 64a) (2, 4, 8, 9, 13, 15, 16, 26) ; mise en défense en arc de cercle par des bunkers à cloche blindée de type 634 (1, 12) et 114a Neu (5, 10), et deux abris-garages de type 601 (6, 11) pour canons antichars de 4,5 cm et des abris pour les troupes de type 621 (3) 622 (7), 628 (17) et 128 (20). Un poste d’observation d’artillerie de type 613 sous cloche est également coulé (23). Des fossés antichars et des champs de mines barrent l’ensemble des accès de la position.Deuxièmement, défendre la base de sous-marins grâce à des positions de tir couvrant les arrières de l’édifice et assurer une couverture antiaérienne, notamment depuis le toit de la base.Troisièmement, défendre les abords : canon et mitrailleuse lourde (constructions n° 30 et 31) sont mis sous casemate de type 671 et 630 (cette dernière est programmée en mars 1944, mais peut-être non achevée) tandis que deux imposants bunkers de type 664 pour mortier de 10,5 cm de calibre protégés par une gigantesque cloche blindée (45 t) sont en cours d’achèvement dans l’ensemble B116.D’autres bunkers servant de postes de commandement, de quartiers à l’état-major du See Kommandant Bretagne, de logements aux personnels ou aux transmissions et à la téléphonie, entourent les bâtiments de l’École navale. L’ensemble de ces bunkers - dont la majorité est reliée entre eux par un réseau de tunnels, se situe toujours dans le périmètre de l’École navale. Lors de la bataille de Brest, les tunnels abritent un hôpital souterrain. Seul, l’ensemble fortifié B75 - hors du périmètre - reste pour le moment accessible : on peut encore observer dans l’abri de type 128 des peintures murales imitant une tapisserie dans le style germanique des années 1930.
Détruit ; vestiges ; désaffecté
Vestiges de guerre ; à signaler
Propriété privée ; propriété de la commune ; propriété de l'Etat
2005
(c) Association Pour l'Inventaire de Bretagne ; (c) Région Bretagne
2005 ; 2022
Lécuillier Guillaume
Dossier avec sous-dossier
Région Bretagne - Service de l'Inventaire du Patrimoine Culturel - 283 avenue du général Patton - CS 21101 - 35711 Rennes Cedex 7 - 02.22.93.98.35