Usine de quincaillerie
Clouterie
Clouterie Mustad
Clouterie Mustad
Normandie ; Seine-Maritime (76) ; Duclair ; R. N. 182
Vallée de la Basse-Seine
R. N. 182
1959 AD 201 à 203
En ville
L'Austreberthe (affluent de la Seine) ; la Seine
Atelier de fabrication ; entrepôt industriel ; bureau ; bâtiment d'eau ; chaufferie ; cheminée d'usine ; hangar industriel ; quai ; gare ; poste de chargement ; conciergerie ; cité ouvrière ; logement patronal ; voie navigable
4e quart 19e siècle ; 1er quart 20e siècle ; 2e quart 20e siècle ; 3e quart 20e siècle
1892 ; 1901
Daté par source ; daté par travaux historiques ; daté par travaux historiques ; daté par travaux historiques ; daté par source ; daté par travaux historiques
Anticipant la promulgation de loi protectionniste du 11 janvier 1892 voulue par Jules Méline, président de la commission des douanes de la chambre des députés, pour limiter les importations de produits finis en France, l’industriel norvégien, Clarin Mustad, décide dès 1891, de délocaliser son activité métallurgique, à savoir la production de clous, sur le sol français qui constitue un de ses principaux débouchés. A la recherche d’un site à proximité d’un port, il prospecte en Normandie, sur la trace de ses ancêtres vikings, d’abord dans la région du Havre avant de porter son choix sur la commune de Duclair qui présente nombre d’atouts : la proximité du port de Rouen, l’accès à la Seine, la présence de la ligne de chemin de fer mise en service en 1881 entre Barentin et Caudebec-en-Caux, la disponibilité et le coût modique des terrains et enfin la présence d’une main-d’œuvre importante (libérée par l’activité agricole en pleine modernisation ou par l’activité textile en pleine restructuration) moins exigeante sur le plan salarial que celle du Havre où les industries fleurissent et se font concurrence. La société Mustad et fils est finalement autorisée officiellement à fonder une usine spécialisée dans la fabrication de clous pour ferrer les chevaux, par l’arrêté préfectoral du 5 septembre 1891. Les travaux d’édification du site sont lancés dans la foulée. Au cœur de ce carrefour maritime et ferroviaire, l’usine est implantée de façon stratégique sur un vaste terrain de 2,5 ha situé au point de confluence de la Seine et de l’Austreberthe. Elle peut ainsi réutiliser la chute d’eau d’un ancien moulin à huile et à blé (construit durant la période révolutionnaire et détruit lors des travaux) pour mettre en mouvement une puissante turbine hydraulique de 75 cv en complément de la machine à vapeur installée mais surtout elle dispose à cet endroit d’un quai de déchargement sur le fleuve qui permet d’acheminer par bateau depuis la Norvège, l’intégralité des machines et outillage spéciaux qui doivent équiper le nouvel établissement. Il en va de même du fer et de l’acier que Mustad fait venir en totalité de Scandinavie puisque la loi Méline, portant exclusivement sur les produits finis, ne taxe pas les matières premières importées. L’usine entre en activité en 1892 avec un effectif de 200 ouvriers, dont 30 spécialisés originaires de Norvège. Ces derniers assurent la formation de la main d’œuvre normande à la fabrication des clous en acier extra-doux par forgeage à froid, technique de pointe inventée par Clarin Mustad lui-même qu’il fera breveter en 1908. Obsédé par la protection de ce secret de fabrication, Mustad met au point au sein de son usine un processus de production extrêmement fragmenté, de sorte qu’aucun membre de son personnel ne puisse connaitre le processus dans son entièreté. Par ailleurs chaque ouvrier est contraint de signer, au moment de son embauche, un engagement au secret. Cette obsession se traduit également dans l’organisation et l'architecture de l'usine : un haut mur d’enceinte est érigé pour éviter toute intrusion dans l’usine, les ateliers sont compartimentés, fermés par une double porte et pourvus de baies surélevées ou à claire-voie pour éviter toute indiscrétion. De même, il est relaté par tradition orale qu’une fois réformées les machines sont systématiquement détruites et enterrées dans l’enceinte de l’établissement.L’usine connait une forte activité dès sa mise en service, mais doit arrêter brutalement à la suite d’un violent incendie qui ravage le 9 avril 1893 la salle de la machine à vapeur et l'atelier d'affilage. Après quelques mois d’interruption, l’activité redémarre à plein régime en 1894. A partir de 1910, la fabrication de vis à étoile est adjointe à celle des clous. Les bénéfices faits par l’entreprise lui permettent de racheter la clouterie Jacob Eenberg établie à Terrenoire dans la Loire en 1913 puis de développer son activité à travers l’Europe : des usines sont crées en Espagne à Tolosa, en Suède à Gothenberg, en Angleterre à Bristol, en Italie à Pignerol et en Roumanie à Galité.Durant la Grande-guerre, l’entreprise met sa production au service de l’armée. En 1918, elle autorise les Ponts et Chaussées à utiliser le chemin de halage qui lui appartient pour prolonger en aval du fleuve la voie ferrée qui dessert le port de Duclair. L’aménagement de 140 m de quai supplémentaires permettant l’accostage deux navires de moyen tonnage en même temps est une aubaine pour l’entreprise.A partir de 1920, l'usine abandonne les énergies traditionnelles (thermique et hydraulique) pour l’énergie électrique que lui fournit la nouvelle centrale de Yainville inaugurée en 1921. Durant l'entre-deux guerres, le développement du transport automobile entraine le déclin du marché des clous pour ferrer les chevaux. En 1939, la production de clous de l'usine n’est plus que de 19 000 kg par mois. Une diversification s'impose. Sans abandonner totalement l’activité primitive, l’entreprise se lance dans la fabrication de petites pièces métalliques courantes (boulons, vis, rondelles..).Concernant la question sociale, la société Mustad mène une politique active notamment en termes de logement. Elle loue, achète ou fait construire des maisons pour son personnel d’encadrement et fait édifier dès 1901 une cité ouvrière aux abords de l'usine. Le programme immobilier de l’entreprise se poursuit dans les années 1920 avec la construction, dans le hameau de Saint-Paul, d’un petit lotissement signé des architectes rouennais Gagniard et Duboc. Il sera complété dans les années 1960 par un groupe d’habitations baptisé « la cité des veuves ». Parmi les autres avantages offerts au personnel, une semaine de congés payés est accordée dès 1927 et une assurance sociale dès 1931.Durant la Seconde Guerre mondiale, l’usine est épargnée par les bombardements qui ciblent Duclair le 29 mai 1940 mais tombe aux mains de l’armée allemande dès juin. Du fait du blocus maritime, le fer et l’acier servant de matières premières ne sont plus importés de Scandinavie mais viennent d’Espagne et de Belgique. En 1943, l’effectif de l’usine est de 97 hommes et 47 femmes. La même année, l’usine est touchée par les bombardements anglais.L’après-guerre marque un tournant décisif pour l’usine : la disparition de la traction hippomobile provoque l’effondrement du marché du clou en France. L’entreprise réduit son cœur de métier pour développer la production de vis, tire-fond, tiges filetées… puis se reconvertit dans la fabrication de portes-fenêtres à frein hydraulique et le traitement de surface des pièces métalliques à la fin des années 1960. Cette activité occupe près de 120 ouvriers en 1975. Malgré ces réorientations, la société Mustad représente 90% du marché français du clou en 1983, mais les 300 tonnes produites annuellement n'occupent plus que 12 ouvriers. L'usine ferme en 1987, les bâtiments sont repris par la société Seprom Fixation jusqu'en 1989, puis par le groupe Mercier jusqu'en 1992. Au moment de l’étude d’Inventaire, en 1999, le site est toujours désaffecté et menacé de destruction.Dans le cadre de la politique régionale de résorption des friches industrielles mise en œuvre par l’Etat, la Région et l’Etablissement Public Foncier de Normandie, l’ancienne clouterie Mustad de Duclair a fait l’objet, en 2002, d’un réaménagement paysager. Le projet confié à l’architecte-urbaniste Laurent Protois associe la conservation d’un atelier, de la cheminée de l’usine ainsi que du petit bâtiment de la turbine implanté sur la rivière pour témoigner du passé et la création sur la partie déblayée d’un jardin inondable conçu comme un bassin d’épandage de crue.Malgré la qualité et la cohérence de ce réaménagement, le consensus sur la préservation des derniers vestiges de l’usine Mustad a fait long feu. Leur destruction en juin 2007 pour la réalisation d’un lotissement fait une nouvelle fois la preuve du désintérêt dont souffre encore le patrimoine industriel et de son extrême vulnérabilité face à la pression immobilière.
Brique ; béton ; parpaing de béton
Tuile mécanique ; verre en couverture ; ardoise
2 étages carrés ; étage de comble
Charpente métallique apparente
Élévation à travées
Terrasse ; shed ; toit à longs pans ; toit en pavillon ; pignon couvert ; pignon découvert ; lanterneau
Énergie hydraulique ; produite sur place ; énergie thermique ; produite sur place ; énergie électrique ; achetée
L’usine comprend 9 ateliers en rez-de-chaussée construits en brique ou parpaing de béton (pour le plus récent) et charpente métallique. Certains sont dotés d’une toiture en shed et reçoivent un éclairage naturel zénithal, les autres sont couverts de toits à longs pans en tuile mécaniques et reçoivent la lumière par des baies en arc plein cintre surélevées et des baies à claire-voie. Ces derniers sont équipés de rails au sol et de ponts roulants. La chaufferie est en rez-de-chaussée avec toit à longs pans et lanterneau. Le bâtiment d'eau, également en rez-de-chaussée, est couvert d’un toit à longs pans avec pignons découverts. La cheminée s’élève à 45 m de hauteur et présente à sa base un diamètre de 6 m. Le bureau en parpaing de béton dispose d'un étage carré et d’un toit en terrasse. Le logement patronal intégré au site est construit en parpaing de béton sur deux étages plus étage comble et dispose d’un toit en pavillon en ardoise avec lucarne.
Établissement industriel désaffecté ; menacé ; vestiges
À signaler
Atelier de fabrication ; bâtiment d'eau
Propriété privée
1999
(c) Région Normandie - Inventaire général
1999 ; 2006
Real Emmanuelle
Dossier individuel
Région Normandie – Service Inventaire du patrimoine