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Plateforme ouverte du patrimoine

Chanteuse des rues

N°Inventaire

R 8 P

Domaine

Auteur / exécutant / collecteur

EDZARD Dietz (Dietrich Hermann)

Précisions auteur

Brême, le 30 mars 1893 ; Paris, le 8 janvier 1963

Titre

Chanteuse des rues

Ancien titre

Portrait d'homme Portrait de femme

Millénaire

1927 ?

Siècle

2e quart 20e siècle

Technique

Toile ; peinture à l'huile

Dimensions

H. 0,465 ; La. 0,55 m

Inscriptions

Signé en bas à droite à la peinture vermillon : "D. Edzard"

Historique

Le 27 mars 1941, Dietz Edzard, artiste allemand né à Brême et installé à Paris, dépose le tableau chez son galeriste Durand-Ruel & Cie, en vue d’une rétrospective prévue pour l’automne, du 7 au 31 octobre 1941. L’œuvre apparaît au catalogue de l’Exposition de tableaux par Dietz Edzard, sous le n° 25 : « Chanteuse de rues, 1939 » (1). La galerie Durand-Ruel & Cie envoie la photographie de ce tableau sous enveloppe kraft, avec quatorze autres clichés d’œuvres de Dietz Edzard, à l’intention de Felix Kuetgens, commissaire nazi chargé de la protection de l’art au Commandement suprême de l’armée et de l’enrichissement artistique des musées rhénans, dont le bureau est alors à Paris à l’Hôtel Royal Monceau (2). Cette enveloppe non datée et qui ne contient aucun document manuscrit constituait très probablement une proposition de vente spontanée faite par la galerie Durand-Ruel & Cie (3). Néanmoins, c’est le marchand d’art allemand Gustav Rochlitz, installé à Paris depuis 1933, qui achète le tableau après l’exposition à la galerie Durand-Ruel & Cie, le 24 novembre 1941, pour 18.000 francs (4). En 1944, Gustav Rochlitz fait acheminer le tableau, avec d’autres œuvres en caisses, vers l’Allemagne, par Baden-Baden et à destination de Meersburg (5). Les caisses sont alors réceptionnées par Gustav Friedrich Gerdts (1877-1955), ingénieur et industriel de Brême (6). Selon les enquêtes d’après-guerre menées par Rose Valland, Gerdts publiait dans les journaux allemands une annonce pour proposer « de louer sa maison [à Meersburg, Gehauweg 16] à des antiquaires désireux d’abriter leurs collections ». Gerdts réceptionne les œuvres de Gustav Rochlitz et entrepose les caisses dans le garage de sa villa à Meersburg, 16 Gehauweg, qu’il loue alors à Ernst Strobel (7), ainsi que chez un mécanicien garagiste de la ville voisine d’Uhldingen-Mühlhofen (8), Otto Beck KG Werkzeug und Maschinenfabrik. Le tableau d’Edzard Dietz se trouve alors dans les caisses entreposées dans ce deuxième endroit. Quelques semaines plus tard, informé de la présence des œuvres dans ce garage, Albert Zimmer, officier de police allemand de la ville voisine de Ravensbourg, fait transporter de nuit, avec trois camions et deux voitures, les « 27 grosses caisses » du garage Beck d’Ulhdingen-Mühlhofen vers le garage de la prison centrale de Ravensbourg (9). Arrêté en 1946 par les Alliés, l’officier allemand Albert Zimmer sera condamné à trois ans de prison et à 26.000 francs d’amende, notamment pour avoir commandé « de façon illicite » ce transport d’œuvres (10). Le 16 janvier 1945, le Commissaire français de la Sureté de Ravensbourg (11) Edmond Bonnevie procède à la mise sous scellés de deux pièces du tribunal de Ravensbourg (12), contenant « des tableaux et des objets mobiliers de valeur de provenance douteuse et découvert dans le garage de la prison [de Ravensbourg] » (13). Ce séquestre donne lieu à un inventaire dans lequel le tableau apparaît comme entreposé dans la deuxième pièce, « N° 62 – 1 Bild Etzatt (sic.), dame ». Les scellés sont apposés sur les fenêtres et sur la porte de cette pièce, fermée à clef (14). Le 8 octobre 1945, Gustav Rochlitz écrit depuis son domicile d’Hohenschwangau au Gouvernement militaire américain à Munich afin que celui-ci puisse « interférer » dans la récupération de ses œuvres mises sous séquestre dans la Zone militaire française de Meersburg (15) ; les autorités américaines transmettent la lettre de Gustav Rochlitz au Commandant Pierre-Louis Duchartre, représentant de la Mission Française de Récupération Artistique auprès du Gouvernement militaire de Bavière (16). Fin janvier et début février 1946, Rose Valland et Jacques Vanuxem, tous deux de passage à Ravensbourg, examinent la collection d’œuvres séquestrée au tribunal, et tous deux confirment la provenance française (17). Deux mois plus tard, le 26 avril 1946, le Commandant en chef des troupes françaises en Allemagne, Pierre Koening, transmet au bureau de la Direction des réparations-restitutions de Baden-Baden « une longue liste d’œuvres (…) établie sur papier à en-tête "Gustav Rochlitz" (…) manuscrite et d’une lecture difficile ». Cette liste a été retrouvée par le Groupe américain du conseil de contrôle. On y retrouve notamment le tableau sous la mention : « 1 Dietz Edgard [sic] allégorie, 80.000 francs » (18). Le 7 novembre 1946, le tableau arrive au Central Collecting Point de Baden-Baden. Il est alors enregistré sous le numéro 391 (19). Le 9 décembre 1948, Rose Valland confirme, depuis Berlin, le rapatriement prochain du tableau vers Paris (avec les autres œuvres du séquestre du tribunal de Ravensbourg) depuis le Central Collecting Point de Baden-Baden, où elle a pu se rendre un mois avant, en novembre. Rose Valland justifie le blocage de l’œuvre qui dure depuis deux ans au Central Collecting Point de Baden-Baden : « Jusqu’à maintenant j’avais demandé à ce que cet ensemble [du séquestre du tribunal de Ravensbourg] reste à Baden, au cas où le consul Goertz [sic] serait retrouvé et pourrait fournir d’autres preuves sur l’origine de cette collection. A mon avis il n’y a cependant pas de doute à avoir sur l’origine française de ces œuvres d’art (…). Peut-être serait-il bon de ne pas disposer de ces tableaux au cas où une contestation pourrait se produire » (20). Le 13 décembre 1948, le tableau est rapatrié à Paris par le cinquième convoi en provenance de Baden-Baden ; il est alors entreposé dans les locaux de la Commission de Récupération Artistique, avenue Rapp (21). Le 4 juin 1949, Gustav Rochlitz est interrogé à Paris par Charles Gillard, commissaire de police judiciaire. Il énumère « de mémoire » les œuvres qu’il pense avoir fait transiter vers l’Allemagne dans ses « différentes expéditions » ; il affirme que, courant 1944, il a « par l’intermédiaire de la Maison Schenker, rue Montholon à Paris, (et) a destination d’un entrepositaire à Baden-Baden (22), (…) expédié un certain nombre de caisses (…) a un nommé G. F. Gerdts (23) à Meersburg ou à Uldingen [sic] ». Néanmoins, Gustav Rochlitz ne mentionne pas (sans doute par oubli) le tableau de Dietz Edzard dans la liste qu’il énumère au commissaire (24). Le 19 décembre 1949, le tableau figure dans la liste des œuvres présentées lors de la troisième commission de choix des œuvres d’art de la Commission de Récupération Artistique, sous le double titre (réalisé sans doute par erreur) de « Portrait de femme » et « Portrait d’homme » (25). Le 31 décembre 1949, le tableau est inscrit par l’Office des Biens et Intérêts Privés à l’inventaire provisoire du Musée national d’Art moderne (26). Bernard Dorival signale, le 27 avril 1950, l’erreur d’interprétation du sujet qui a été faite dans le titre « Portrait d’homme » (27). Le 1er Juillet 1953, Gustav Rochlitz prie l’ambassadeur François Poncet, Haut-Commissaire de la République Française en Allemagne, d’intercéder pour la levée de la saisie de ses tableaux, réalisée notamment « à Ober Uhldingen (lac de Constance) » (28). Dans la liste des tableaux revendiqués par Gustav Rochlitz jointe à cette lettre, le tableau apparaît sous la dénomination « Dietz Etzard [sic] Chanteuse de rue », avec la précision de sa localisation « actuelle » au « Palais de Tokyo » (29). Le tableau de Dietz Edzard est assurément non spolié. Néanmoins, il ne peut être restitué aux éventuels ayants droit de Gustav Rochlitz, non seulement en application de la décision de justice du 28 mars 1947 établissant « la confiscation totale de ses biens présents et à venir » (30), mais également en vertu du décret présidentiel du 22 novembre 1950, lui accordant notamment la remise de la confiscation générale sans effet rétroactif sur les biens déjà confisqués par l’État (31).

Commentaire

Champ Catégorie renseigné d'après les données de la mission Mattéoli et complété en 2022. Voir notice de la collection en ligne du MNAM : https://collection.centrepompidou.fr/artwork/150000000003795

Catégorie

Oeuvre assurément non spoliée.

Marques

Au revers : -Sur la toile : à l'encre noire "N° 264" ; "REC 8 P" ; "G.M.Z.F.O./Direction des Beaux-Arts//CENTRE DE RASSEMBLEMENT ARTISTIQUE/ (Central Collecting Point) de Baden-Baden : origine : Ravensburg/ sujet : portrait de femme : auteur : Edzard/n° invent. 391, salle VI, mur ouest, caisse 10". -Sur le châssis : sur châssis et traverse horizontale, au crayon bleu : "PH 11612 // R8" ; "RECUPERATION N° 8 P/EDZARD (Dietz)/(titre)" ; "D 16210/ Dietz Edgr (264)/ (titre)" ; "Examen/ restauration / 24 7 1981" ; "MNAM/ 2 rue de la Manutention/(encre rouge) Edzard-119" ; étiquette ronde vierge. -Sur le cadre : "AM 746" ; "EDZARD, Dietz / Chanteuse des rues". -Sur la marie-louise : cartels "D. EDZARD".

Localisation

Paris ; musée national d'art moderne

Etablissement affectataire

Paris ; musée national d'art moderne

Exposition

1997 (9-21 avril), Paris, Centre G. Pompidou, "Présentation des œuvres récupérées après la Seconde Guerre mondiale ... " (Cat. : n° 10, Galerie 27). 2008, Jérusalem (18 février-3 juin), Paris, musée d'art et d'histoire du Judaïsme (24 juin-28 septembre), "A qui appartenaient ces tableaux ? Looking for owners" (Cat. : p. 172-173, repr).

Bibliographie

ROGER-MARX, Claude, "Dietz Edzard. Tableaux de Paris de 1917 à 1963", Paris, Quatre Chemins, 1971.

Notes

(1) Exposition de tableaux par Dietz Edzard, du 7 au 31 octobre 1941, Paris, Galerie Durand-Ruel, MoMA, cote AEC EDZA 1941 ; Courrier de Flavie Durand-Ruel à Thierry Bajou, 08.08.2018. (2) « Kuetgens, Felix », Répertoire des acteurs du marché de l’art en France sous l’Occupation, 1940-1945, RAMA, https://agorha.inha.fr/detail/175. (3) AN, AJ/40/574. (4) Livre de dépôt, Galerie Durand-Ruel, d’après les renseignements transmis aimablement par Flavie Durand-Ruel, le 08.08.2018. (5) MAE, 209SUP/239 ; MAE, 209SUP/384. (6) MAE, 209SUP/429 ; MAE, 209SUP/534. Le nom de cet individu apparaît dans les archives du Ministère des Affaires Étrangères au moins sous trois graphies différentes : Goertz (MAE, 209SUP/429 ; MAE, 209SUP/534, MAE, 209SUP/353), Gertz (MAE, 209SUP/353) ou encore Gerdts (MAE, 209SUP/239 ; MAE, 209SUP/707). Dans son interrogatoire face à l’inspecteur de police judicaire Charles Gillard, le 4 juin 1949, Gustav Rochlitz affirme qu’il s’agissait « d’un nommé G. F. Gerdts » (MAE, 209SUP/239), ce qui confirmerait l’hypothèse qu’il s’agit bien de Gustav Friedrich Gerdts, industriel de Brême ; hypothèse qui pourrait être corroborée à la fois par une enquête de Rose Valland, du 13 janvier 1946, précisant que « ce personnage (…) est originaire de Bremen (Brême) » (MAE, 209SUP/534), mais également par une note de recherches d’octobre 1945 signalant que « Gerdts [est] actuellement à Brême » (MAE, 209SUP/707), ainsi que par un interrogatoire de police judiciaire de 1945, mentionnant qu’après-guerre, Gerdts « s’était rendu à Brême où il s’était définitivement installé » (MAE, 209SUP/353). (7) MAE, 209SUP/707 ; MAE, 209SUP/417 (8) Qui peut s’écrire aussi Oberuhldingen. (9) MAE, 209SUP/353. (10) MAE, 209SUP/417. (11) Zone française d’Occupation. (12) n° 40, Herrenstrasse. (13) MAE, 209SUP/534. (14) Ibidem. (15) MAE, 209SUP/384. (16) Ibidem. (17) MAE, 209SUP/404; MAE 209SUP/429 ; MAE 209SUP/534. (18) MAE, 209SUP/370. (19) MAE, 209SUP/579 ; MAE, 209SUP/849. Property Card : « Auteur : Edzard. Sujet : Portrait de femme (Chanteuse de rue). Description : Tête de femme de profil et différents autres personnages dans une grisaille ; n° d’inv. 391. Date d’arrivée : 7 novembre 1946. Origine du dépôt : Ravensburg. Date de sortie : 10 décembre 1948. Destination à la sortie : CRA, avenue Rapp, Paris. » (20) MAE, 209SUP/429. (21) MAE, 209SUP/429. (22) Gustav Rochlitz dit alors ne plus se « souv[enir] du nom de cet entrepositaire qui a un nom français ayant l’initiale D. » (MAE 209SUP/239). (23) Gustav Rochitz ne mentionne que les initiales : il s’agit très probablement de l’ingénieur et industriel allemand Gustav Friedrich Gerdts (1877-1955), dont l’entreprise est basée à Brême. Certains documents révèlent qu’il portait effectivement le titre de Consul, sans doute honorifique : « Am 29 Oktober 1902 Konsul Gustav Friedrich Gerdts gegründete Armaturenfabrik… » (« 60 Jahre Gustav Gerdts KG », in Wöchentlich erscheinendes Zentralorgan für Schiffahrt, Schiffbau, Hafen, Vol. 99, 1962). (24) MAE, 209SUP/239. (25) MAE, 209SUP/300. (26) AN, Archives des musées nationaux, 20150044/99, 1947-1956. (27) AN, Archives des musées nationaux, 20150044/99, 1950-1958. (28) MAE, 209SUP/417. (29) Ibidem. (30) Décision de la cour de justice, 2e section départementale de la Seine, du 28 mars 1947, publiée au Journal Officiel de la République Française, 18 septembre 1947. (31) https://agorha.inha.fr/detail/106.

Date de la dernière mise à jour

2024-12-04

Droits de copie photo

© ADAGP. © Musée national d'Art moderne.

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