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Plateforme ouverte du patrimoine

Vierge de Pitié

N°Inventaire

RFR 41

Domaine

Auteur / exécutant / collecteur

SILOE Gil de (entourage de)

Précisions auteur

Cité à Burgos de 1486 à 1499

Ecole

École espagnole

Titre

Vierge de Pitié

Dénomination du bien

Groupe sculpté

Siècle

4e quart 15e siècle

Technique

Bois ; ronde-bosse ; polychromie

Dimensions

H. 0,57 ; La. 0,78 ; P. 0,29 m.

Genèse

Les types physiques, l'arrangement des drapés et les traitements de polychromie permettent de rapprocher ce groupe sculpté des œuvres de Gil de Siloé, en particulier du grand retable de la chartreuse de Miraflores, près de Burgos, exécuté de 1496 à 1499.

Historique

La sculpture est la propriété d’Harry Fuld senior (1879-1932) avant-guerre. Harry Fuld senior était un entrepreneur prospère de Francfort-sur-le-Main, fondateur du groupe Fuld (1), dont l’activité principale était la location de téléphones. Harry Fuld senior était le fils d'un marchand d'art ; il était lui-même passionné d'art et collectionneur. Sa collection se composait d’objets orientaux, de sculptures médiévales ainsi que d’œuvres de Matisse (2), Kokoschka, Derain, Chagall ou van Dongen. Harry Fuld senior décède en 1932 lors d'un voyage d'affaires en Suisse. Son fils Harry Fuld junior (1911-1963) hérite de la vaste collection d'art de son père (3). Peu de temps après la prise de pouvoir par les nazis, le groupe Fuld est « aryanisé » (4). Le nom de l'entreprise est modifié : "H. Fuld & Co. Telefon- und TeIegraphenwerke AG, Francfort-sur-le-Main" devient "Telefonbau und Normalzeit Lehner & Co". L’« aryanisation » est terminée en 1936. Harry Fuld junior (1911-1963) perd ainsi ses parts dans l'entreprise familiale. Les persécutions antisémites poussent Harry Fuld junior à émigrer. Pour y parvenir, il doit, comme tous les Juifs souhaitant quitter l’Allemagne, déclarer ses biens. Parallèlement, divers impôts discriminatoires sont prélevés. Harry Fuld junior tente de sauver sa collection, mais ne parvient pas à emporter ses œuvres d’art lors de son émigration en Angleterre en 1937. En 1939, il fait mettre en caisse sa collection - 27 caisses – et la dépose à la société de transport Gustav Knauer à Berlin pour un envoi vers Londres qui sera finalement empêché. En 1953, lors de sa demande d’indemnisation auprès des autorités allemandes (Wiedergutmachungskammer de Francfort), Harry Fuld junior fournit plusieurs listes du contenu de ses caisses. Une première liste mentionne, dans la caisse n° 26, sous la rubrique 6/76, une « sculpture en bois ». On retrouve, dans un autre inventaire, une « sculpture en bois Pieta » sous le numéro d'ordre 61 à la position 6/76. Une illustration confirme qu’il s’agit bien de la même œuvre que le RFR 41. Les biens d’Harry Fuld junior, dont les 27 caisses, sont confisqués en 1941 et mis en vente. Les œuvres d'art sont confiées à la maison de vente Hans W. Lange à Berlin, qui les vend aux enchères du 27 au 29 janvier 1943. La vente, qui se présente comme une vente collective, est intitulée « Tableaux de maîtres anciens et modernes - Sculpture médiévale - Arts décoratifs ». Les objets Fuld sont recensés sous le numéro « 117 Berlin ». La sculpture est mise en vente au lot 321 pour une estimation de 6 000 RM, sans illustration mais décrite ainsi : « 321 " Vesperbild. Sur un fond rocheux, la Vierge est assise, tenant sur ses genoux le corps de son fils, tourné vers la contemplation. A gauche du groupe, une tête de mort. Version (sur toile) entièrement conservée. Bois, vo/Irund. Portugais, vers 1520. H. 58,5 cm, larg. 75 cm. ». L’œuvre est achetée 11 000 RM par Maria Almas-Dietrich (5) pour le compte d’un certain Wolfgang Ritter qui la lui rend par la suite, la sculpture ne lui plaisant pas dans son appartement. En 1943, le transporteur Otto Kastner confie à Maria Almas-Dietrich deux caisses appartenant à Gustav Rochlitz (6). Par crainte des bombardements, elle fait transporter chez Alois Lang à Oberammergau (Bavière) les deux caisses de Rochlitz ainsi que deux caisses lui appartenant. Dans l’une de ces caisses se trouvait la sculpture. Alois Lang est un sculpteur, surtout célèbre à l’époque pour son interprétation du Christ dans le « Jeu de la Passion » de 1930, représenté tous les dix ans depuis la peste de 1633 par les habitants d’Oberammergau, en Bavière. En 1944, un envoyé de Gustav Rochlitz récupère les caisses appartenant à ce dernier et emporte par erreur les caisses de Maria Almas-Dietrich. Elles sont alors considérées comme appartenant à Gustav Rochlitz et seront séquestrées par les Alliés à la fin de la guerre. La sculpture est retrouvée à Meersbug (Bade-Wurtemberg) (7) en 1945 et ramenée au Central Collecting Point (CCP) de Baden-Baden en 1946. La sculpture est alors rapatriée vers la France par le premier convoi en provenance de Baden-Baden du 2 juin 1947 (8) à destination du siège de la commission de récupération artistique ; elle est retenue lors de la cinquième commission de choix des œuvres de la récupération artistique du 25 octobre 1950 ; l'œuvre est indiquée sous le "n° d'ordre 10, n° allemand 328, n° d'inventaire 505, provenance : 1er convoi de Baden, du 2 juin 1947" ; elle est attribuée aux musées nationaux (musée du Louvre, département des Sculptures) en 1951 (9). Ce rapatriement vers la France est une erreur, puisque l’œuvre ne venait pas de France. L’erreur est probablement due au fait que les autorités alliées ont cru que la sculpture appartenait à Gustav Rochlitz et qu’elle venait donc de France où le marchand était installé à Paris depuis 1936. Cette erreur dans la provenance de l’œuvre a créé des difficultés après-guerre. En 1950-1951, Mimi Tho Rahde, la fille de Maria Almas-Dietrich, revendique l’œuvre comme ayant été récupérée à tort par la France (5). Selon elle, la sculpture n’a pas été spoliée mais achetée régulièrement par sa mère lors d'une vente chez Hans W. Lange à Berlin mais elle ne précise pas la date. Elle fournit à l'appui de cette démarche une attestation de Gustav Rochlitz, du 12 avril 1950, précisant que deux caisses appartenant à Maria Almas-Dietrich ont été séquestrées à Füssen avec les caisses lui appartenant. D'autre part, Alois Lang, le 15 novembre 1949, atteste que les deux caisses lui ont été confiées par Maria Almas-Dietrich avec celles de Gustav Rochlitz. La restitution a été refusée à Mimi Tho Rahde car elle n’apportait pas de preuve de propriété et qu’elle ne pouvait pas prouver l’origine allemande de l’œuvre avant-guerre. Les éléments qu’elle apporte sur la vente à Berlin sont considérés comme trop imprécis. La transaction ayant eu lieu pendant la guerre et Hans W. Lange étant connu pour avoir acquis de nombreuses œuvres d’art en France durant l’Occupation, la provenance de la Piéta restait trop incertaine. L’œuvre est déposée de 1953 à 1994 au musée des Augustins de Toulouse ; elle est exposée au Louvre ensuite. La vente de 1943 étant une vente spoliatrice après confiscation, la Première ministre a décidé la restitution le 15 décembre 2022. L’œuvre a été restituée le 18 avril 2023 aux ayants droit de Harry Fuld junior.

Catégorie

Oeuvre assurément spoliée.

Restitution

Restitué le 18 avril 2023

Marques

En dessous, à la craie blanche "10" et "505", une étiquette déchirée, trace de craie bleue.

Localisation

Restitué

Exposition

1997, 9 avril - 5 mai : Paris, musée du Louvre, "Présentation des œuvres récupérées après la Seconde Guerre mondiale et confiées à la garde des musées nationaux" (Cat. : p. 86-87).

Bibliographie

Emily Löffler : Kunstschutz im besetzten Deutschland. Restitution und Kulturpolitik in der französischen und amerikanischen Besatzungszone (1944-1953), Köln / Weimar / Wien: Böhlau 2019, p. 163

Notes

(1) Annuaire boursier de Saling pour 1934/35, stock Archives fédérales de Berlin. (2) Paysage, le mur rose d'Henri Matisse (R 5 P) a aussi été spolié à Harry Fuld https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/mnr/MNAM0005 (3) Caroline Flick : Raubkunst exemplarisch. Harry Fuld, Hans W. Lange, Kurt Gerstein und Henri Matisses "Le Mur Rose", p. 419-486. In : Jahrbuch für Westfälische Kirchengeschichte 105, 2009, p. 449. (4) Hessisches Hauptstaatsarchiv, Wiesbaden, dossier 4 Wik 4653. (5) Nadine Bauer, Kunstlieferantin des « Dritten Reichs ». Umkreis und Wirkungsradius von Maria Dietrich, Diss. TU Berlin 2020, Berlin 2021, p. 265. (6) MEAE/209 SUP 184 A 153. (7) Le stock de Meersburg est une cache de Rochlitz. (8) MEAE/209SUP710 R39. (9) SMF, sous-direction des collections, dossier Récupération : Arrêté du ministère de l’Éducation nationale du 13 août 1951.

Date de la dernière mise à jour

2025-03-03

Droits de copie photo

© 2018 Musée du Louvre, Dist. GrandPalaisRmn / Thierry Ollivier. © Musée du Louvre, département des Sculptures / Pierre Philibert. © Réunion des musées nationaux Grand Palais.

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