Retable ; bas-relief
Retable du maître-autel en marbre polychrome
Provence-Alpes-Côte d'Azur ; Vaucluse (84) ; Cucuron ; église
84042
Cadenet
Église
Maître-autel
Marbrerie ; sculpture
Marbre (polychrome) : taillé
Retable formé de marbres de plusieurs couleurs et notamment de colonnes de marbre gris foncé. Il porte au fronton un bas-relief, l'Assomption, autrefois attribué à Pierre Puget. 6 colonnes, les deux centrales de marbre portor, ce noir marbré d'or de Porto Vencre, le marbre le plus cher du monde, si rare en cette dimension (3,60 m), et 4 de noir tacheté, avec des bases et des chapiteaux corinthiens de marbre blanc ; le cadre du tableau central en portor aussi ; des corniches de bleu-turquin ; des compartiments ou des bordures de marbre rouge veiné, de vert antique, et même d'onyx. Le blanc domine dans les parties hautes, les éléments sculptés en particulier le relief du haut central figurant l'Assomption. Les Vertus en ronde-bosse assises sur le fronton, Foi et Espérance ; les putti du couronnement ; les aigles présentant les armoiries des Este alliés aux Martinozzi et de Mazarin ; les pots-à-feu des corniches.
Assomption
H = 360 (colonnes) ; h = 85 ; la = 180 (relief central)
Martinozzi Laure (donatrice)
Lieu d'exécution : Italie, Carrare
Lieu de provenance : Provence-Alpes-Côte d'Azur, 13, Aix-en-Provence, couvent de la Visitation (chapelle)
3e quart 17e siècle
1661 ; 1662
Le somptueux retable (dont l'ensemble majeur est aujourd'hui dispersé) en marbre polychrome conservé actuellement dans l'église de Cucuron a été offert en 1661 par Laure Martinozzi duchesse de Modène, nièce du cardinal Mazarin, par amitié pour son ancienne gouvernante Madame de Venel, Madeleine de Gaillard (soeur de l'une des religieuses), protectrice du couvent de la Visitation à Aix-en-Provence. D'après une tradition ancienne, Laure Martinozzi aurait fait une étape à Aix au couvent de la Visitation sur le chemin de l'Italie en 1656. Elle aurait promis d'offrir le maître-autel en action de grâces si un fils naissait dans l'année. L'histoire de ce retable en marbre a été reconstituée par Geneviève Bresc-Bautier et Odile Stublier en 1991. L'iconographie du retable est en relation avec l'ordre de la Visitation : au centre, la toile de la Visitation entourée de part et d'autre de la Présentation au Temple de la Vierge et de la Nativité, plus haut un relief de l'Assomption. Mais on peut aussi y lire, au deuxième degré, un ex-voto de naissance qui expliquerait cet attachement étrange de Laure Martinozzi pour les Visitandines d'Aix. Seuls les encadrements de marbre sont remontés à Cucuron. La provenance génoise de l'encadrement et de la sculpture a été avancée par M. Gloton par comparaison avec les productions italiennes contemporaines. Un temps, le nom de Pierre Pujet avait été prononcé, sans grande raison : l'Assomption qu'il avait réalisée pour le duc de Mantoue avec laquelle on avait cru identifier le relief de Cucuron, a été retrouvée. Conservée au musée de Berlin, c'est une oeuvre incommensurablement plus savante et raffinée que le retable. Quelques documents retrouvés à Paris et à Massa Carrara permettent de préciser les conditions de commande du retable de la Visitation. Dès 1661, Laure Martinozzi avait obtenu un laissez-passer pour les marbres provenant d'Italie. Le cardinal, son oncle, est encore tout puissant et a d'ailleurs décidé de faire placer ses armoiries avec celles de sa nièce sur le retable. Elle envoie donc à Carrare, pour choisir des marbres, ses propres sculpteurs, des Italiens, Bartolomeo Mottoni et Tommaso Loraghi en décembre 1661, puis le même Mottoni en mai 1662, pour exporter les marbres commandés. Pourvus de recommandations auprès du prince de Massa qui règne sur la montagne de marbre, ils s'acquittent de leur mission et, en août 1662, les marbres débarquent à Marseille. Les marbres sont d'une rare beauté. Si la technique est celle de remarquables marbriers praticiens, le style des figures est cependant celui de sculpteurs secondaires qui transcrivent des formes connues de façon assez banale. Les sculpteurs de la duchesse de Modène étaient probablement de cette ville. Le foyer artistique de la cour d'Este était actif sous François Ier (mort en 1658), puis sous Alphonse IV, le mari de Laure Martinozzi. Mais celle-ci, précocement veuve en 1662, va exercer ensuite une régence sévère, économe des deniers, religieuse à l'extrême. Si elle accorde ses faveurs aux visitandines, c'est pour une oeuvre pie, pour laquelle sa gouvernante cherche à éviter des frais inutiles. Si le sculpteur Bartolomeo Muttoni ou Mottoni n'est pas connu, bien que son nom révèle son appartenance à un groupe d'artistes d'origine comasque, établis au nord de l'Italie, Tommaso Luraghi ou Lurago est un sculpteur important de Modène. Mort dans cette ville en 1670, il était aussi d'origine comasque, comme d'ailleurs la plupart des sculpteurs et maçons-architectes. Il faut probablement lui attribuer la conception du retable de la Visitation et peut-être la réalisation du relief de l'Assomption, alors que le rôle de Muttoni doit être celui de scarpellino, praticien, petite main et homme de confiance qui s'occupe de l'entreprise. La dépendance du relief de l'Assomption par rapport aux shémas inventés par Guido Reni se comprend dès lors parfaitement : le peintre bolonais était bien connu à Modène. L'Assomption qu'il avait réalisé pour l'église de Spilamberto (aujourd'hui à Munich) était d'ailleurs en vente à cette époque, et Laure Martinozzi en avait refusé l'achat en 1662. Il est problable que le retable, conçu par un Modénais, réalisé à Carrare, fut monté à Aix-en-provence par quelque spécialiste, tel Muttoni. La formule n'était pas nouvelle. Carrare avait toujours exporté des matériaux travaillés, en kit prêt à monter par des ateliers locaux. Mais de tels exemples, fréquents en Italie, sont rarissimes en France. Il s'agit là d'un des plus riches retables baroques du XVIIe siècle. Il s'inscrit dans une histoire du marbre en France. A cette époque, ni les carrières des Pyrénées, ni celle du Languedoc, ni celles (pourtant proches) de Provence, ne sont exploitables pour les grandes commandes. Leur renouveau, ou leur extraction, ne date que de la fin du siècle, quand l'action de Colbert, de Louvois et surtout du duc d'Antin, impose le marbre français. (Sources : Henri Wytenhove, Geneviève Bresc-Bautier, Odile Stublier).
Propriété de la commune
Classé au titre objet
1908/12/05 : classé au titre objet
Wytenhove, Henri, Reynaud Levieux et la peinture classique en Provence : Nîmes, 1613-Rome, 1699, Aix-en-Provence, La Calade, 1990, p. 124-127. ; Bresc-Bautier, Geneviève, Stublier, Odile, Le marbre du retable des visitandines d'Aix-en-Provence, 1661-1662, Provence historique, t. 41, fasc. 163, 1991, p. 73-77.
DOM
Dossier individuel