Architecture de culture recherche sport ou loisir ; ensemble de culture recherche sport ou loisir ; base de loisirs
Base de Loisirs du Lac de Loire, hangars et club-house
Centre-Val de Loire ; Loir-et-Cher (41) ; Vineuil ; Vineuil route départementale 951
Départementale (route) 951
20e siècle
20e siècle
1967 ; 1968
En 1962, une étude réalisée par la Jeune Chambre Économique de Blois et de sa région pour le développement du sport et du tourisme, conclut à la nécessité d’aménager un plan d’eau dans le Blaisois, doublé d’une base nautique et d’un complexe dédié au sport et au divertissement permettant de dynamiser l’activité de la région à l’heure de l’avènement d’une société des loisirs. Afin de créer ce plan d’eau, un projet de barrage est présenté au conseil municipal de Blois par la Jeune Chambre Économique, adopté à l’unanimité le 3 octobre 1962. Dès 1963, le Conseil général confie l’étude et l’exécution des travaux à la Société d’équipement du Loir-et-Cher. La construction du barrage débute en 1965. Afin de développer le tourisme sur cette zone, un gigantesque projet d’aménagement des rives de la Loire (sur 6 kilomètres) voit le jour concomitamment, comportant de nombreuses installations sportives, un casino, un zoo, et des ensembles résidentiels. Néanmoins, dès janvier 1964, ce projet suscite le débat, qualifié de « disproportionné » par l’Association pour la défense et la protection du Val-de-Loire blésois. La Société d’équipement du Loir-et-Cher fait alors appel à Louis de Hoÿm de Marien, architecte des Bâtiments civils et des Palais nationaux, afin de reprendre le plan d’aménagement. L’architecte présente en 1964 un programme plus modeste, prévoyant l’installation d’une base de loisirs comprenant des terrains de sport, un stade, un centre équestre, un centre nautique, des parcs, des espaces de camping, des logements de vacances, des plages, un club-house, etc. Ce projet plus raisonnable étant accepté, Louis de Hoÿm de Marien en confie la réalisation à son chef de projet, Roger Titus. Ce dernier est assisté par Nicolas Mastrandréas et Xavier Jaupitre, tandis que le suivi du chantier doit être assuré par François Lapied, l’un de ses étudiants. En mai 1968, les architectes joignent à leur demande de permis de construire les plans définitifs de la base de loisirs comprenant un centre d’accueil, trois groupes sanitaires, un garage (atelier, vestiaires, canoë-kayak), un centre de voile et un centre nautique. Le 17 juin 1970, le permis pour les superstructures du plan d’eau est accordé et les travaux débutent. Le chantier prend fin l’année suivante, permettant la livraison sur la rive gauche de la Loire du bâtiment d’accueil, du centre de voile (hangars à bateaux), du club-house et de la piscine et sur la rive droite du centre de canoë-kayak. Le Conseil général du Loir-et-Cher crée le 9 mars 1971 une société anonyme d’économie mixte afin de gérer et animer le site, la SOGELAC (Société de Gestion du Lac). Dès l’été, touristes et vacanciers viennent profiter des installations de la base de loisirs bien que certains aménagements prévus au plan-masse n’aient pas encore été réalisés (certains ne le seront jamais). Néanmoins, la fermeture du barrage en 1985 met un coup d’arrêt au développement touristique nautique et les installations périclitent.
Le site du projet est localisé entre la levée (RD 951) et la Loire, au sud du viaduc en entrée nord de Blois. Bien que la plupart des installations soient implantées sur la rive gauche de la Loire (accueil, centre de voile, club-house et piscine), des bâtiments consacrés au canoë-kayak sont également édifiés sur la rive droite, à La Chaussée – Saint-Victor, à proximité du barrage, et aujourd’hui toujours en activité. Sur la rive gauche, le petit bâtiment d’accueil et les hangars du centre de voile bordent la route départementale tandis que le club-house est situé sur la rive de la presqu’île formée par la création du petit port de plaisance aujourd’hui disparu. Les hangars forment un ensemble de bâtiments d’orientation horizontale, en structure légère (bois et métal), et de teintes soutenues, brun rouge, beige clair… tandis que l’architecture du club-house est une structure verticale en béton avec un porte-à-faux imposant, de teinte naturelle. Hors d’atteinte des crues, les hangars sont finement contreventés, alors que le club-house, soumis aux aléas du fleuve, a une maçonnerie imposante, bien implantée dans le sol, mais présentant un caractère suspendu le long de la Loire grâce au système de pilotis. Le club-house est édifié sur trois niveaux : les deux premiers sont situés dans la base et abritent des salles fraîches et des espaces réservés aux clubs tandis que le 3e niveau est divisé en deux volumes rectangulaires – accueillant la salle polyvalente et le club-bar – rejoints par une articulation comprenant un escalier hélicoïdal et des sanitaires. Chacune des constructions affirme une volumétrie dynamique, composée de structures et d’angles saillants, notamment en sous-face : si la toiture des hangars, peu visible, a ses versants orientés vers l’intérieur du bâtiment, la toiture du club-house, plus douce, présente des pentes descendantes vers l’extérieur, et parallèles au fleuve. Le clubhouse est compact et présente des vues intérieures et une mise en scène au-dessus de la Loire, vers Blois et vers les rives plus au nord. Les hangars, moins unitaires, forment un système plus éclaté. Il existe une réciprocité entre ces volumétries, légères et lourdes, ouvertes et closes, offensives et protectrices, aériennes et terriennes, horizontales et verticales. Ces deux ensembles sont couverts de « canaleta » de très grandes ondes en Eternit, dessinées pour le projet. Ces toitures d’inclinaison différente avec les volumes en saillies affirment une plastique mouvementée en accord avec le traitement des façades en béton banché ou rainuré, agrémentées de panneaux en coques de polyester, caractérisant une volonté de rupture esthétique.
Le projet de la base de loisirs du Lac de Loire est symptomatique de l’avènement de la société des loisirs au cœur des Trente Glorieuses. Conçu pour développer l’attrait touristique de la Loire par le biais des activités nautiques, il s’agit d’un projet particulièrement ambitieux et qui connut un succès certain dans les années 1970. Les choix esthétiques des architectes pour les installations de la base de loisirs reflètent cette volonté de modernité et ne manquent pas d’intriguer dans le paysage des rives de la Loire. L’écriture des bâtiments, caractéristique du mouvement brutaliste, fait la part belle au matériau dont le traitement fait l’objet d’un grand soin (béton brut ou texturé, lamellé-collé, fibre de verre…) et introduit une complexité dans la volumétrie au service d’une architecture dynamique et créative. Enfin, de nouvelles mises en œuvre de matériaux concrétisent ce que l’on appelle la « préfabrication ouverte » et « l’architecture technologique » : les charpentes en lamellécollé utilisées pour le hangar, les coques en résine et fibre de verre fabriquées artisanalement à l’agence de Titus pour constituer les vitrages du hangar et partiellement de la vigie, ainsi que les modules de couverture, d’une portée de 4,50 mètres, ont été conçus spécialement pour ce projet. Réalisés par Eternit, ces modules de fibro-ciment, référence « Canaleta 90 » figurent toujours au catalogue de la société. Ainsi, dans un contexte où l’architecture tendait à devenir une architecture administrée, cette base de loisirs peut être considérée comme un manifeste, car elle intègre de nombreuses tendances qui vont renouveler l’architecture et son enseignement.
2014
2020
Dossier individuel