Coffret
Coffret octogonal
Grand Est ; Aube (10) ; Troyes ; Cathédrale
10387
Anciennement région de : Champagne-Ardenne
Troyes ville
Cathédrale
PA00078250
Trésor
Menuiserie ; sculpture
Chêne (support) ; cuivre : doré ; ivoire : doré
Coffret octogonal. Art islamique. Ivoire, décor ajouré, traces de réhauts à la feuille d'or. L'objet est constitué d'un support en médium peint de couleur rouge, sur laquelle se détachent les plaques d'ivoire ajouré. Une boîte en bois sombre (chêne ?) plus ancienne, support ancien de l'objet jusqu'en 1999, est aussi conservé dans le trésor la cathédrale. Bien que cette boîte ait subi plusieurs inetrventions impliquant montage et démontage des plaquettes d'ivoire, elle ne semble pas être le support d'origine des plaques d'ivoire. En effet, les percements des ferrures du coffret, dont certaines sont en réserve sur les plaques d'ivoire, ne trouvent pas de véritable correspondance sur le chêne. L'objet constitue toutefois un témoignage historique intéressant et il est conservé dans le Trésor. Le décor ouvragé de la boîte est constitué de 8 plaques rectangulaires d'origine, surmontées de 2 plaques avec inscription (6 sont manquantes), et d'une grande plaque octogonale appliquée sur le couvercle, dont subsiste 4 fragments. Motifs : Les 8 plaques rectangulaires présentent des motifs très proches avec des variantes, en particulier dans la partie inférieure, qui est constituée d'un motif d'entrelacs ou tresses (2 plaques) ou de quadrillage (6 plaques). Découpe des plaques : les plaques d'ivoire, y compris celles situées sur le couvercle, étaient d'un seul tenant. Seule exception, une des plaques, dont l'angle inférieur senestre semble avoir été rapporté. Ces plaques étaient découpées par sciage dans des blocs d'ivoire rectangulaires, la largeur des plaques correspondant le plus souvent à celle de la défense. Les dimensions imposantes de la plaque située sur le couvercle témoignent du prix élevé consacré à la matière première avant même la fabrication de l'objet. Exécution des motifs : la réalisation des motifs ajourés complexes paraît avoir nécessité l'emploi d'un poncif. Il est possible que les traces de minuscules incisions en pointillés sombres situées le long des bords au revers de chaque plaque, soient la trace de la fixation de ce dernier. Si tel n'est pas le cas, ces traces pourraient aussi être liées à la fixation des plaques pendant leur façonnage. Une fois le motif reporté sur l'ivoire, les lignes générales de la composition (cadre, bordures, emplacement réservé des pentures, contour des feuillages...) étaient dans un premier temps incisées dans l'ivoire, parfois à l'aide d'instruments de géométrie : ainsi un réglet a-t-il été utilisé pour la gravure des lignes délimitant le cadre externe, de même qu'un compas a permis de donner sa forme régulière au cercle réservé pour les ferrures. L'emplacement des percements destinés aux pentures a été repéré par une ligne droite, et c'est une double ligne courbe incisée qu'il dessine le sommet de l'arcature. L'ajourage des plaques a probablement été exécuté ensuite, par percement et par sciage. En dernier lieu ont été réalisés les détails tels que les nervures des feuillages et des palmettes, des chevrons inscrits dans les arcatures ou les moulures, les écailles de pommes de pins et finalement, à l'aide d'une minuscule vrille, les petites ponctuations rythmant les palmettes. La conception même de l'oeuvre montre que la forme de polychromie prédominante résidait dans le jeu entre l'ivoire ajouré et la boîte elle-même, qui servait de fond aux motifs. Le rapprochement avec d'autres boîtes en ivoire contemporaines a permis à Gwenaëlle Fellinger, conservateur au musée du Louvre et commissaire de l'exposition le Maroc médiéval, d'émettre la supposition selon laquelle l'ivoire était appliqué sur un fond de métal doré. Cette idée a servi de guide à la conception du nouveau support en bois doré. Outre le contraste entre les plaques et leur fond, la surface même de l'ivoire était ornée d'une polychromie partielle. L'observation attentive des plaques d'ivoire montre en effet que la moulure bordant les plaques ainsi que les arcatures architecturales, présentent une coloration rouge vif plus ou moins prononcée. Sur une des plaques, bien qu'il n'y ait plus à proprement parler de pigments rouge sur l'ivoire, la coloration est nette.
H = 18,8 ; d = 20,5 (base)
Oeuvre restaurée ; manque
Objet restauré en 1950 par la maison André, puis à Toulouse en novembre 1972, en 1999 et en septembre 2014 à l'occasion de l'exposition Maroc Médiéval au musée du Louvre par Juliette Levy, restauratrice du patrimoine. Avant la dernière restauration, les plaques d'ivoire ajouré étaient fixées sur une âme en médium fabriquée lors d'une restauration en 1999. A l'occasion du prêt de l'objet, ont été programmés le démontage des plaques, leur consolidation et un nettoyage léger. Le remontage sur une nouvelle boîte en peuplier doré à la feuille a été réalisé dans l'atelier d'encadrement du musée du Louvre. Le décor ouvragé de la boîte est lacunaire (il manque 6 plaques, il ne reste que 4 fragments du couvercle, pertes de matière...). Fixation d'origine : Les plaques étaient fixées à leur support par des chevilles d'ivoire, dont l'une est encore conservée. Ces chevilles étaient logées dans des cavités. En outre, les plaques étaient maintenues, pour certaines, par la présence des ferrures en métal. C'est le cas sur le couvercle, et sur deux plaques, sur lesquelles la surface destinée à être recouverte par les éléments métalliques est laissée en réserve dans l'ivoire. La coloration verdâtre laissée dans l'ivoire par les ferrures indique que ces dernières étaient en alliage cuivreux. Reprise ultérieures de fixation : à côté des cavités destinées aux chevilles, d'autres percements de différents diamètres témoignent de reprises de fixation successives. Les chevilles d'ivoire ont été progressivement remplacées par des pointes en métal cuivreux, qui a coloré l'ivoire en vert. On note également des taches rougâtres provoquées par la corrosion d'un métal ferreux : les pointes en métal cuivreux ont été remplacées par des pointes en métal ferreux qui s'est corrodé. Ces éléments de fer ont été retirés lors de la restauration retranscrite dans le mémoire de M. Toulouse en 1972. Enfin, en 1999, les plaques ont été remontées sur la boîte en médium rouge au moyen de pointes en métal inoxydable. L'ivoire a été soumis a de nombreux traitements au cours des démontages et remontages successifs. Le matériau a beaucoup souffert et les traces de polychromie sont rares. Certains points restent cependant obscurs : le rouge visible est-il d'origine ou le fruit d'un repeint postérieur ? Constitue-t-il le vestige d'une couche sous-jacente à une feuille d'or, ou était-il visible tel quel, pour sa tonalité rouge ? Cette dernière hypothèse paraît devoir être retenue, d'autant que d'infimes particules de feuilles d'or ont été décelées ailleurs, par examen sous loupe binoculaire, dans les inscriptions d'une des plaques. Il semble donc que les inscriptions aient été réhaussées d'or, mais l'étendue et l'emplacement exacts de la dorure sont difficiles à évaluer. Une dernière interrogation subsiste, à propos des minuscules percements ornant les palmettes. S'agit-il de simples ponctuations décoratives ou étaient-ils destinés à accueillir des incrustations ? Dans ce cas, leurs dimensions laissent supposer des comblements de pâte noire, comme on en trouve sur certains objets médiévaux conservés au département des arts de l'Islam au musée du Louvre. Les pigments bleus visibles sous lampe binoculaire répartis ça et là sur l'ensemble des décors sculptés dans l'ivoire, sont très récents. Ils ont été utilisés lors de la restauration de 1999 par les ateliers LP3 afin d'harmoniser chromatiquement les comblements jaunes qui avaient été appliqués dans les lacunes. Ils ne font pas partie de la polychromie de la boîte.
Inscription ; numéro d'inventaire
Restes d'inscription sur le couvercle. Inventaire Hany n° 14 (la notice du catalogue Maroc, Louvre 2014 indique inventaire Hany n°62). Inscription première plaquette (traduction) : Toi qui libères du besoin tout... ; inscription seconde plaquette comportant les réserves des ferrures (traduction) : Et pour un roi que l'on craint (?).
13e siècle ; 14e siècle
Ce coffret d'ivoire plaqué fait partie du trésor de la cathédrale de Troyes. Ce trésor fut richement doté par les comtes de Champagne, qui rapportèrent d'Orient de nombreuses reliques notamment après la quatrième croisade et la prise de Constantinople en 1204. Ce coffret n'appartenait vraisemblablement pas au trésor de la cathédrale avant la Révolution. Il pourrait provenir d'une autre église troyenne comme la collégiale Saint-Etienne ou d'une abbaye environnante telle Notre-Dame-aux-Nonnains ou encore Clairvaux. (R.D., G.F.) Pauline Lurçon mentionne qu'en 1861, la boîte est précisément décrite dans le Portefeuille archéologique de la Champagne. Les plaques d'ivoire étaient alors fixées sur une âme octogonale en chêne recouverte d'une feuille de cuivre doré, à l'intérieur tapissé de soie rouge. Leur décor ajouré laissait apparaître la feuille métallique. La fermeture, aujourd'hui disparue, était constituée d'une serrure en bronze doré, entourée d'une plaque de vermeil à rinceaux de feuillages et exécutée au repoussé (Gaussen, 1861, p.8, pl.7). En l'absence de couvercle, l'auteur attribue au coffret une origine byzantine et l'englobe à tor dans le butin rapporté de Constantinople par les croisés. Les éléments du couvercle, qui ont réintégré le coffret avant 1894, portent sur le pourtour une inscription très partielle dont le texte subsistant n'est pas continu. L'épigraphie cursive, nettement occidentale est d'une lecture très complexe. On peut cependant déchiffrer l'extrait d'une invocation ainsi que le mot mulk (royaume) ou malik (roi) suivi d'un qualificatif qui reste encore à déchiffrer. [...] Le décor végétal raffiné de ce coffret est sans équivalent. Les plaques ajourées du coffret rectangulaire de Lyon s'en approchent un peu par leur composition, bien que le travail des palmettes, dont les détails sont peints et non gravés, soit sensiblement différent. Le coffret, aujourd'hui disparu, provenant de la cathédrale de Burgo de Osma présente le même type de décor de palmettes ajourées que celui de Lyon, de moindre qualité. Mais le fait que ces coffrets soient consitutés en majorité de petites plaquettes d'os peint et non d'ivoire, ne permet pas de pousser la comparaison, d'autant que les plaquettes ajourées de la boîte du trésor de Troyes sont, au contraire de dimensions imposantes. Gwenaelle Fellinger ajoute dans la notice du catalogue de l'exposition au musée du Louvre en 2014 que la grandeur du coffret est particulièrement frappante ainsi que sa forme. D'autres coffrets octogonaux sont connus dans l'Occident islamique. Une série de boîtes ornées d'un décor de micro-marqueterie présente des types similaires. Dans deux d'entre elles, en bois, sont insérées des plaquettes d'ivoire ajouré. Leur décor géométrique les rapproche d'une série de pyxides en ivoire à décor également percé, dont certaines présentent une mise en page avec une tresse en partie basse proche de ce que l'on observe sur le coffret de Troyes. L'origine de cet ensemble est aujourd'hui discutée : la graphie présente sur certaines boîtes évoque une production espagnole, tandis qu'une seule, aujourd'hui disparue, porterait le nom d'un sultan mamelouk. Tous ces objets sont attibués au 13e ou 14e s. Le travail d'ajour de l'ivoire peut aussi se comparer à celui qui est pratiqué sur le métal depuis l'époque almohade [...] La grande taille des plaquettes d'ivoire de la boîte de Troyes suppose un approvisionnement aisé en matière première de qualité, ce qui incite à y voir une production de grand luxe. De même, le raffinement de son décor montre que l'objet fut fabriqué dans un atelier où les techniques décoratives d'ajour étaient parfaitement maîtrisées. Ce coffret, d'une qualité exceptionnelle, fut très probablement une somptueuse commande princière. (R.D.- G.F.)
Propriété de l'Etat
Classé au titre objet
1894/09/15 : classé au titre objet
Coffret octogonal, bois recouvert de cuivre doré avec applications de plaques d'ivoire repercées à jour, art arabe, 15-09-1894.
Le Maroc médiéval. Un empire de l'Afrique à l'Espagne, musée du Louvre, 17 octobre 2014-17 janvier 2015.
Guassen, 1861, pl. 7 et p.6-9 ; Darcel, 1864 ; Lalore, 1893, I, p. CXLI à CXLIII; Fichot, 1894 ; Hany-Longuespé, 2003.
Enquête thématique départementale (patrimoine mobilier des églises de l'Aube) par Bennani Maya et Decrock Bruno en 2003 ; Levy, Juliette (restauratrice du patrimoine), Rapport d'étude et de restauration, septembre 2014.
Dossier individuel
2003
2004