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Plateforme ouverte du patrimoine

Suite de l'Histoire de Pompée : Julie s'évanouit à la vue du manteau ensanglanté de Pompée

N°Inventaire

OAR 96

Auteur / exécutant / collecteur

Manufacture de Bruges

Ecole

École flamande (Bruges)

Titre

Suite de l'Histoire de Pompée : Julie s'évanouit à la vue du manteau ensanglanté de Pompée

Ancien titre

Tenture de l'Histoire de Scipion (pendant la guerre). Tenture de l'Histoire de Marc Antoine (après la guerre) : La tunique ensanglantée. Histoire de Pompée.

Millénaire

1640 - 1650 (vers)

Siècle

17e siècle

Technique

Tapisserie ; laine ; soie

Dimensions

H. 3,40 ; La. 3,17 m.

Description

Julie, l'épouse de Pompée, est assise à gauche ; derrière elle, debout, trois suivantes ; un guerrier s'avance vers elle, venant de la droite, et lui présente une tunique ensanglantée. Bordure très large faite d'enfants, de bustes féminins, de satyres, de fleurs et de fruits, de médaillons et d'oiseaux jaunes sur fond rouge. Médaillons à sujets bibliques.

Historique

Cette tapisserie fait partie d'une tenture de six pièces, l’Histoire de Pompée (OAR 94 à 98 et 664), anciennement identifiée comme l’Histoire de Scipion. Les six tapisseries de l’Histoire de Pompée auraient fait partie de la collection personnelle de Renée Suzanne Gérard, épouse Dreyfuss (ou Dreifuss), antiquaire spécialisée dans les tapisseries (1). Fille et épouse d’antiquaires (2), Renée Gérard aurait repris le commerce de son époux après son décès en 1936 (3). Elle était connue pour recevoir des officiers allemands pendant l’Occupation et travailla principalement avec les intermédiaires de Goering : Walter Bornheim et Bruno Lohse (4). Elle aurait vendu progressivement tous ses biens immobiliers et mobiliers entre 1940 et 1945, ainsi que son fonds de commerce. Elle agissait aussi comme intermédiaire « pour des collectionneurs français et des personnalités privées qui ne désiraient pas être en contact avec les Allemands » (5). Elle fut inquiétée à la Libération pour collaboration économique. La tapisserie « Julie s'évanouit à la vue du manteau ensanglanté de Pompée » est vendue en novembre 1942 par Renée Gérard à Bruno Lohse pour Goering, avec quatre autres pièces de la même tenture (les actuels OAR 94, OAR 97, OAR 98 et OAR 664), pour la somme de 2.800.000 francs (6). L’actuel OAR 95, en mauvais état, fut acquis après les 5 autres, le 24 janvier 1943 (voir notice). La provenance antérieure aux ventes de 1942 et 1943 n’est pas connue. Envoyée en Allemagne, probablement à Berlin, dès novembre 1942, la tapisserie est enregistrée dans l'inventaire des tapisseries de la collection Goering sous le numéro Ta 104d. Ce document présente, en face de la reproduction photographique de la tapisserie, la mention manuscrite suivante : « Ta 104 d- Brüssel, Mitte 17. Jh., Scipio-Folge d- : Sophanisbe rehält des Mantel ihres gefangenen Gemahls, des Numidenkönigs Syplase. 337x318. Einsatzstab Rosenberg Paris. Nov. 1942 » (7). D'après cet inventaire, la tapisserie proviendrait de l'ERR. La fiabilité de cet inventaire a été contestée sur le fondement de documents plus exacts (8). Après sa vente, la tapisserie a été probablement transportée au Jeu de Paume où elle fut photographiée par l'ERR puis transportée par l'ERR pour Goering. Au moment de la débâcle allemande, Goering fait envoyer ses collections en train spécial à Neuhaus près de Nuremberg, les 23 février et 13 mars 1945, puis à Berchtesgaden le 13 avril 1945. C'est là que la septième US Army se saisit de l'ensemble de la collection (9). Un premier travail de catalogage est apparemment effectué sur place et cette œuvre se voit attribuer le numéro « Berchtesgaden 421 ». A l'issue de la guerre, elle est envoyée au Central Collecting Point de Munich le 27 juillet 1945, et enregistrée sous le numéro 5466. La « Property Card » la décrit : « Classification : textiles ; Author : Bruxelles ; Subject : Tapestry, Story of Scipion ; Mun. V 5466 Bgad ; Measurements : W318,H337 ; Material wool and silk ; Precedent owner : France, Mme Gérard, Paris, statement Borchers ; depot possessor : Göring ; arrival condition : fair, undamaged ; identifying marks : Ta 104 D ; Description : on the left is Sophonisbe seated surrounded by servants. An hero on the right brings her the mantle of her captive husband the Numbian king Siphax. on the middle of the background landscape with obelisque. Border as 6656 ; arrivée le 27 juillet 1945 ; sortie le 3 juin 1949 vers la France » ; une photographie accompagne cette « Property Card ». La « Property Card » de la tapisserie précise qu'elle a fait partie de la collection Goering mais ne mentionne pas de spoliation (10). La tapisserie est restituée par le Haut-Commissariat américain en Allemagne à l'Office des Biens et Intérêts Privés, délégation du ministère français des Affaires étrangères, grâce à une déclaration de Walter Borchers (11). Elle est rapatriée vers la France le 3 juin 1949 par le trente-sixième convoi en provenance de Munich sous le numéro 558 (12) dont la liste inventorie, page 32 : « Run No 558 ; French Run No 15289 ; Mun. No 5466 ; [Berchtesgaden] 421 ; Author Brussel, ab 1600, [Tap.] ; Subject : Story of Scipio ; Presumed owner : [France unknown owner] ; History : [Acquired in France during the war]. » (13). Cette liste, selon la formule usuelle « Acquired », considère la tapisserie comme achetée et non comme spoliée, comme le calepin de déballage de ce convoi à Paris, page 45 : « 5466 Tapisserie Bruxelles Hre de Scipion (vendu) » (14). Cette tapisserie est inscrite sur la liste des œuvres mises à la disposition des musées nationaux par l'OBIP (15). Retenue lors de la deuxième commission de choix du 17 novembre 1949 (16), la tapisserie est prise en charge par la direction des musées de France, et confiée par celle-ci à la garde du musée du Louvre (département des Objets d'art) en 1951 (17). Elle est inscrite dans l'inventaire Objets d'Art Récupération (OAR), établi par Hubert Landais, sous le numéro OAR 96 (18), puis déposée au château de Compiègne le 9 juin 1950 (salle 38), avant d'être transférée au musée du Louvre le 21 mai 1966 (19). Elle est enfin déposée au château de Blois en 1975 (20) après avoir été doublée.

Commentaire

Champ Catégorie renseigné d'après les données de la mission Mattéoli et complété en 2021 par la Mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 et les données du musée du Louvre, département des Objets d'art.

Catégorie

Oeuvre dont l'historique est incomplet entre 1933 et 1945, en l'état des recherches actuelles.

Observations

Cette belle tenture (OAR 94 à OAR 98, OAR 664) a été successivement identifiée comme l'Histoire de Scipion pendant la guerre alors qu'elle faisait partie des collections d'Hermann Goering, puis comme l'Histoire de Marc Antoine par Hubert Landais au début des années 1950. En 1987, les commissaires de l'exposition qui eut lieu à Bruges, « Chefs-d’œuvre de la tapisserie brugeoise », l'ont identifiée comme étant l'Histoire de Pompée. L'une des six tapisseries, « Le Triomphe de Scipion » (OAR 664) a été retrouvée et remise à la France en 2021.

Autres numéros

Ta 104 d : numéro d'inventaire de la collection Hermann Goering. 421 : numéro de Berchtesgaden. 5466 : numéro du Central Collecting Point de Munich. 15289 : numéro français. 558 : numéro du trente-sixième convoi en provenance de Munich. 78.3.1 : numéro de dépôt du musée du château de Blois.

Localisation

Blois ; château royal et musées de Blois

Etablissement affectataire

Paris ; musée du Louvre ; département des Objets d'art

Exposition

1986, Bourges, Inauguration du palais Jacques-Coeur. 1987 (26 juin-4 octobre), Bruges, hôpital Saint-Jean, « Chefs-d’œuvre de la tapisserie brugeoise ».

Bibliographie

DELMARCEL, G., DUVERGER, E., « Bruges et la tapisserie », Bruges, éditions Louis de Poortere, 1987, p. 434-435 (n° 58), reproduite. RAMIREZ RUIZ Victoria, « Las Tapicerias en las Colecciones de la Nobleza Espanola del siglo XVII », Université de Madrid, mémoire dirigée par Guy Delmarcel et Jesus Cantera Montenegro, Madrid, 2013, p. 35.

Notes

(1)ADP, Profits illicites, 118W66, document du 9 avril 1946 adressé par les Douanes au comité de confiscation des profits illicites du 11e arrondissement : « … 2e- à l’acheteur allemand Lohse une tapisserie (Scipion l’africain) 2.800.000. (...) Ces divers objets provenaient de la collection personnelle de l’intéressée… ». (2)AN, CNIE, F/12/9630, rapport de la Préfecture de police, 12 juillet 1946. (3)La profession de son époux est sujette à caution car il est également cité comme « architecte » dans le « Rapport Collection Goering », AN, F/12/9630. (4)ADP, Profits illicites, 118W66, correspondance du 16 août 1945 du receveur-contrôleur du Bureau de l'Enregistrement de Nogent-le-Roi, où se situait la Blévinière, résidence de Renée Gérard. (5)« Rapport Collection Goering », AN, F/12/9630. (6)The Getty Research Intitute for the History of Art and the Humanities, 860161, Box 43, Special Collections and Visual Resources : Récapitulatif de « Privautkauf » pour « 2.800.000 » [francs?] signé par Bruno Lohse pour le compte de Goering et daté du 24 XI 42. Le nom de Mme Renée Gérard a été ajouté sur le récapitulatif de « Privautkauf ». (7)MAE, 209SUP_973 : Inventaire photographique des collections de tapisseries de Goering ; il faut lire le texte ainsi : « Sophonisbe erhält den Mantel ihres gefangenen Gemahls, des Numiderkönigs Syphax ... ». (8)AN, Archives des musées nationaux, 20150044/99 : 1957 - Rapport de Rose Valland au directeur de l'OBIP (avec copie au directeur des musées de France) : « Cet inventaire provisoire, texte ou illustration, n'a jamais été accepté sans contrôle, puisque de l'avis même de la personne qui l'avait établi, Fraulein Limberger, secrétaire de Goering, l'abondance des objets entrés tous ensemble dans la collection avait empêché d'établir un catalogue correct et définitif. C'est ainsi que malgré les informations présentées par ce document de base d'autres preuves furent toujours recherchées pour connaître l'origine des tapisseries entrées dans la collection Goering et garantir le bien-fondé de leur restitution ». A cette mise en garde, Rose Valland ajouta la traduction de la déclaration sous serment de Walter Borchers, expert de l'ERR notamment pour les tapisseries, en date du 18 mai 1949 concernant les trois pièces des Chasses de Maximilien mais aussi : « N° Munich 5460/1-2, 5466, 5476, 6636 (sic en fait 6656), Série de Scipion de Bruxelles, une pièce restaurée à Vienne. Acheté pour Goering. » et MEAE/209SUP381 P13. (9)MEAE/209SUP384 P17 : Rapport de Rose Valland sur la collection H. Goering à Berchtesgaden, le 31 juillet 1949. (10)Bundesarchiv, B323/657 ; NARA/RG 260 Ardelia Hall collection Box 502 : « Property card art ». (11)MEAE/209SUP381 P13 : Déclaration de Walter Borchers du 18 mai 1949. (12)SMF, sous-direction des collections, dossier Récupération. (13)MEAE/209SUP443 P102 : Liste des œuvres d'art du trente-sixième convoi de Munich, le 3 juin 1949. (14)MEAE/209SUP443 P102 : Calepin de déballage du trente-sixième convoi en provenance de Munich. (15)SMF, sous-direction des collections, dossier Récupération. (16)MEAE/209SUP475 P156. (17)MEAE/209SUP583 R39 : Arrêté du ministère de l’Éducation nationale du 16 mai 1951. (18)Musée du Louvre, département des Objets d'art, documentation (DOAL). (19)SMF, sous-direction des collections, archives de Compiègne. (20)SMF, sous-direction des collections, dossier Récupération : Arrêté du ministère de la Culture du 18 octobre 1975.

Résumé

Les six tapisseries de l’Histoire de Pompée (OAR 94, 95, 96, 97, 98, 664) auraient fait partie de la collection personnelle de Renée Suzanne Gérard. L'OAR 96 est vendu en novembre 1942 par Renée Gérard à Bruno Lohse pour Goering, avec quatre autres pièces de la même tenture (OAR 94, 97, 98, 664). L'OAR 95 est vendu en janvier 1943, malgré son mauvais état, pour compléter la tenture. La provenance antérieure aux ventes de 1942 et 1943 n’est pas connue.

OEuvres liées, ensemble

Tenture de l'Histoire de Pompée

Représentation

Scène historique (Julie, ?, serviteur, soldat, vêtement, sang)

Date de la dernière mise à jour

2024-12-04

Droits de copie photo

© Réunion des musées nationaux Grand Palais. © Droits réservés. © Musée du Louvre, département des Objets d'art.

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